Le seul autre Grand Prix de F1 annulé à la dernière minute

L'annulation du Grand Prix d'Australie, en mars, était une première pour la Formule 1 : jamais les écuries ne sont rentrées chez elles sans avoir fait le moindre tour de piste. Une autre épreuve a toutefois été suspendue à la dernière minute.

Les commissaires tentent de réparer la piste

Les commissaires tentent de réparer la piste

Ercole Colombo

Au cours des 70 ans d'Histoire du Championnat du monde, il n'était arrivé qu'une seule fois qu'une course soit annulée alors que tous les concurrents étaient déjà sur place. Mais au Grand Prix de Belgique 1985, les voitures ont bel et bien pris la piste, et une séance qualificative a eu lieu avant l'annulation de la course le samedi soir.

Les responsables du Circuit de Spa-Francorchamps étaient en cause dans ce fiasco. La surface de la piste avait été refaite si tardivement qu'elle s'est désagrégée lorsque les monoplaces sont passées dessus, rendant la course impossible. Tout le monde est revenu trois mois plus tard pour une nouvelle tentative, et le week-end s'est cette fois passé sans accroc.

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Le Grand Prix de Belgique a fait son retour sur une version raccourcie de Spa-Francorchamps en 1983 après 13 ans d'absence, et si l'édition 1984 a eu lieu à Zolder, la course est revenue dans l'Ardenne pour 1985, à la date du 2 juin. Tout le monde avait été impressionné par le nouveau tracé en 1983, malgré quelques bosses à la chicane de l'Arrêt de Bus.

Pourtant, les organisateurs ont pris le parti de refaire la surface de la piste pour 1985 afin d'obtenir davantage d'adhérence sous la pluie. La Fédération internationale du sport automobile, qui a géré la Formule 1 jusqu'à sa dissolution par la FIA en 1993, était consciente qu'un nouvel asphalte avait besoin de repos, et la réglementation 1984 interdisait les travaux moins de 60 jours avant un Grand Prix.

La FISA a été interrogée quant à une possible rénovation de la piste à Spa en octobre 1984 et a simplement demandé que la règle des 60 jours soit respectée, mais des formalités administratives puis un hiver très rigoureux ont retardé le début des travaux : le 1er mai, le circuit était encore recouvert de neige.

The race was cancelled after practice when the newly-laid track broke up due to the heat

Les travaux se sont donc poursuivis par la suite, et lorsqu'une séance d'essais privés prévue avant le Grand Prix a été annulée, les organisateurs ont justifié leur décision par des "modifications" au circuit, mais la FISA ne s'est pas rendu compte qu'il s'agissait de la surface de la piste. Ces travaux ne se sont apparemment terminés que dix jours avant les premiers essais du Grand Prix du Belgique, prévus le 31 mai.

Derek Ongaro, chargé par la FISA d'inspecter la piste, n'en a rien su avant d'arriver pour le week-end de Grand Prix. S'il avait plu, les organisateurs s'en seraient peut-être sortis, voire auraient été félicités d'une piste bien drainée et offrant de l'adhérence. Mais il a fait beau et chaud, et de surcroît, les F1 à moteur turbo de 1985 étaient les plus puissantes de l'Histoire, surtout avec le boost activé en qualifications. Elles ont donc imposé de fortes charges à la piste.

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Les chronos étaient impressionnants lors de la première séance, même en prenant en compte le développement des voitures lors des deux années d'absence de la F1 : Michele Alboreto (Ferrari) a battu de huit secondes la pole position signée par Alain Prost en 1983. L'adhérence était incroyable lorsque la piste restait entière. Or, la chaleur et la puissance des monoplaces ont endommagé la surface, et au terme des essais du vendredi, il était clair qu'il y avait un problème – en particulier au niveau des trois virages de la nouvelle section reliant les routes habituelles.

Tout le monde se rappelait la course de juillet 1984 à Dallas, où la piste s'était désagrégée et où de nombreux pilotes avaient connu des accidents. Sur ce circuit bien plus rapide, la situation risquait d'être bien plus grave. Il ne s'agissait pas seulement de temps au tour : des morceaux de bitume ont fissuré la visière de Nelson Piquet, tandis que Nigel Mansell a subi une crevaison.

Voilà qui a causé des maux de tête à Bernie Ecclestone, qui gérait alors également l'écurie Brabham. Il était le promoteur du Grand Prix de Belgique, bien que n'étant pas responsable de la gestion du circuit et de la décision de rénover la piste. Des travaux de réparation ont eu lieu dans la nuit, même dans les virages où aucun problème particulier n'avait été constaté.

Ayrton Senna, Lotus 97T Renault

Au bout de 25 minutes d'essais le samedi matin, tout le monde est rentré au stand, se rendant compte que rouler était inutile. Elio de Angelis était le plus rapide pour Lotus, mais à 23 secondes de son meilleur chrono de la veille. Les pilotes étaient d'accord sur le fait que la piste était désormais impraticable, ce qui a lancé une série de réunions.

Il a d'abord été suggéré d'annuler les séances du samedi, y compris les qualifications et la course de F3000, mais aussi le warm-up du dimanche matin afin de passer directement au Grand Prix. Mais à 16h40, à la surprise générale, quelqu'un a autorisé les engagés de la catégorie Renault Alpine à effectuer une séance d'essais libres, après quoi les pilotes F1 sont montés dans un minibus pour aller inspecter la piste.

À 17h50, le public a été informé que les séances du dimanche allaient avoir lieu comme prévu, mais en coulisses, les discussions continuaient. "Il faut que quelqu'un ait le cran de prendre une décision, quelle qu'elle soit", avait déclaré le triple Champion du monde Jackie Stewart, alors spectateur, à Autosport. "Et il faut que ce soit quelqu'un de la FISA. On ne peut pas mettre les pilotes dans une position où ils doivent décider. Toute cette histoire est vraiment désespérante, n'est-ce pas ?"

La course de F3000 censée avoir lieu le amedi après-midi n'a pas eu lieu à l'heure, et les concurrents n'ont pas vraiment été tenus informés de ce qui se passait avant qu'Ecclestone apparaisse dans leur paddock et rassemble les directeurs d'équipe. Le Britannique leur a fait savoir qu'il voulait que leur course ait lieu le dimanche, soit après le Grand Prix s'il avait lieu, soit en tant qu'événement phare, avec une couverture TV à la clé. Les écuries ont accepté de patienter et sont restées un jour de plus, au lieu de rentrer le samedi soir.

Pendant ce temps, les discussions se poursuivaient dans le paddock F1, où Niki Lauda représentait les pilotes. C'est finalement vers 19h30 que les directeurs d'équipe ont conclu à l'issue d'une réunion qu'il n'y aurait pas de course de F1. Peu après, les commissaires de la FISA ont publié un communiqué de presse déclarant la piste "inadaptée aux F1" et la course reportée "pour des raisons de sécurité".

Ce n'était pas une petite décision. Malgré tout ce que la Formule 1 avait traversé au fil des décennies en matière de sécurité et de politique, parfois le même week-end, les voitures s'étaient toujours alignées sur la grille de départ pour courir.

Bernie Ecclestone and Alain Prost in coversation at the drivers meeting

Le dimanche, il était clair que les spectateurs restés sur place n'allaient avoir que la F3000 à se mettre sous la dent. Un warm-up a eu lieu à 12h30 sur une piste réparée à la hâte, mais les pilotes avaient l'impression de rouler sur piste humide. La course a quand même eu lieu mais n'a pas été passionnante : Mike Thackwell a gagné avec 50 secondes d'avance au volant de sa Ralt d'usine, son meilleur tour à 15 secondes de la pole position, alors que nombre de ses rivaux sont sortis de la piste. Les fans ont également eu droit à une course de Renault Alpine qui s'est apparentée à une procession.

Président de la FISA, Jean-Marie Balestre n'était pas à Spa-Francorchamps, mais il est resté en contact au téléphone et était naturellement furieux. Il a convoqué les organisateurs à une réunion des dirigeants de la FISA à Paris le 24 juin "pour expliquer la faute grave commise" et a fait savoir qu'ils risquaient "des sanctions très lourdes". La fédération belge n'a finalement écopé que d'une amende de 10'000 € "en raison du préjudice causé au Championnat du monde de F1", ainsi que d'une caution de 100'000 € qui allait être rendue par la FISA aux organisateurs si le week-end reporté pouvait se dérouler sans problème.

Encore fallait-il que Bernie Ecclestone trouve une date alternative. À l'époque, le calendrier était déjà instable : des courses à Rome et à New York ont été abandonnées, tandis qu'un Grand Prix d'Europe à Brands Hatch a été ajouté en fin d'année. Ecclestone a choisi le 15 septembre, une semaine après Monza et une semaine avant Brands Hatch, pour une série sans précédent de cinq courses en six week-ends. Cette deuxième manche anglaise a finalement été retardée d'une semaine. Il a été suggéré que l'événement de Spa ait lieu sur le samedi et le dimanche seulement, mais le vendredi a été conservé.

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La surface de la piste a été refaite, et avant le retour de la Formule 1 ont eu lieu le Grand Prix moto le 7 juillet et la course d'Endurance de 1000 kilomètres le 1er septembre, théâtre de la mort tragique de Stefan Bellof.

Le week-end de Formule 1 s'est déroulé sans problème, et Ayrton Senna a remporté la deuxième victoire de sa carrière, sous la pluie. La réputation de Spa-Francorchamps était sauvée, et des leçons en ont été tirées. Plus aucun circuit de F1 n'a commis cette erreur, et l'instance dirigeante a renforcé ses procédures quant à l'inspection et la validation des pistes.

The race was cancelled after practice

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