L'avenir de la F1 va-t-il passer par l'hydrogène ?
Alors que les discussions sont en cours pour la prochaine formule moteur de la F1 au-delà de l'horizon 2025, la question de l'orientation à long terme se pose, avec deux options principales évoquées jusqu'ici.
L'odyssée de l'hybride en Formule 1 a démarré bien avant la saison 2014. Beaucoup ont tendance à l'oublier car il s'agissait alors d'une pièce facultative et qui a longtemps semblé être un handicap plutôt qu'un avantage, mais le KERS (ou SREC, pour système de récupération de l'énergie cinétique au freinage) introduit en 2009 ouvrait déjà l'ère d'une F1 tirant de l'énergie d'autres sources que du moteur à combustion.
La réglementation turbo hybride de 2014 a évidemment contraint les constructeurs intéressés à passer à la vitesse supérieure, mais d'aucuns n'ont pas manqué de souligner l'importance qu'avait joué la recherche dans le domaine de l'hybridation menée par Mercedes dès la fin des années 2000 dans les succès rencontrés au cours de ces sept dernières saisons.
Forcément, parmi les deux options d'avenir pour la future motorisation, le maintien de l'hybridation (avec un moteur à combustion interne couplé à des batteries délivrant une partie de la puissance totale) est celle que la Formule 1 a choisi. Les principaux domaines de changement dans ce cadre seront la question du carburant, qui doit devenir plus durable, et aussi le problème des coûts, qui doivent être réduits.
La seconde option était celle d'une électrification totale. Mais faire rouler une voiture de course à 250 km/h de moyenne pendant près de deux heures est un défi encore trop important pour cette technologie. Et puis, plus prosaïquement, la Formule E dispose d'un contrat d'exclusivité de 25 ans avec la FIA.
Toutefois, une troisième option a pris le temps de germer et a été remise sur le devant de la scène.
Certes, il s'agit d'une technologie encore jeune pour la prochaine réglementation moteur de la F1 à compter de 2025, mais pour la décennie suivante les choses sont déjà plus intéressantes. C'est l'hydrogène.
L'annonce récente de la collaboration entre Red Bull Advanced Technologies et Oreca, pour le design du concept de voiture d'Endurance à hydrogène type Le Mans, a suscité un regain d'intérêt pour cette question, tout en permettant de réfléchir à sa viabilité pour la F1.
L'ambition du projet H24 est la mise en place d'une catégorie hydrogène aux 24 Heures du Mans 2024. S'il parvient à ses fins, beaucoup d'opportunités s'ouvriront pour la création de voitures de course n'émettant pas de pollution carbone mais de la vapeur d'eau.
Le concept H24 est sérieux, avec comme but d'atteindre un niveau de performance initial proche des GT3. Il devrait produire 550 kw (environ 730 chevaux) et se hisser à une vitesse de pointe de 300 km/h. L'accélération de 0 à 100 km/h devrait se faire en 3,4 secondes, à comparer avec les 2,3 de la F1 et les 2,8 de la FE, tout en sachant que l'H24 est bien plus lourd.
Le moteur sera "direct drive", ce qui signifie qu'il n'y aura pas de passages de vitesses, d'embrayage et de différentiel. Et le réservoir de 8,6 kg, où est stocké l'hydrogène à 700 bars, peut être totalement rempli en trois minutes avec la possibilité que la voiture puisse rouler pendant 45 minutes une fois le plein fait.
La première version de cette technologie ne sera évidemment pas au niveau de performance de la F1, que ce soit sur la piste ou dans les stands, mais il s'agirait d'un premier pas dans une amélioration qui pourrait permettre d'envisager une utilisation en Grand Prix à plus long terme. Et il y a un intérêt réel des constructeurs pour ce concept.
Prenons par exemple Mercedes : Ola Källenius, le PDG de la firme allemande qui s'est globalement engagée sur la voie de l'électrique, évoquait l'an passé l'attrait pour les moteurs à hydrogène, pour le moment plus intéressants dans le cadre des véhicules commerciaux de grande taille.
"C'est une des technologies pouvant conduire à un avenir neutre en CO2 sur laquelle nous travaillons, et ce depuis 25 ans", expliquait Källenius. "Nous allons d'abord commencer, en termes de déploiement sur route, par les camions les plus lourds et quelques bus, mais ça ne fonctionnera pas avant d'avoir enfin de l'hydrogène vert pour accompagner cela."
Le partenaire majeur de l'écurie Mercedes, Ineos, est justement spécialisé dans la question de la production hydrogène propre. Jim Ratcliffe, le président de la compagnie, explique qu'il s'agit d'un domaine dans lequel son groupe est le leader mondial ; donc une route toute tracée pour la F1 ?
"À quel point ce sera pertinent à plus long terme pour la Formule 1, je ne sais pas, mais si vous regardez l'économie de l’hydrogène, chez Ineos nous sommes probablement le plus grand producteur d'hydrogène en Europe. Nous sommes les leaders dans cette technologie pour le futur de la production d’hydrogène à partir d'eau, qui est un processus d'électrolyse. Vous prenez la molécule d'eau, vous la divisez avec de l'électricité, et Ineos est plus important dans ce domaine que n'importe qui d'autre en Europe."
Transformer de l'eau en carburant pour alimenter une voiture, dont le seul sous-produit est plus d'eau, semble quelque chose de formidable pour le sport automobile durable. Mais au-delà de l'idéalisme, dans la pratique, il y a de gros obstacles à surmonter.
Tout d'abord, la technologie devra garantir les niveaux de performance dignes de la F1 si elle veut avoir un espoir réaliste de remiser au placard les moteurs hybrides. Ensuite, même si les unités de puissance à hydrogène parviennent à de telles performances au cours de la prochaine décennie, il y aura des coûts.
Or avec les V6 turbo hybrides, la F1 a fait l'erreur de se focaliser trop sur la technologie elle-même et sans doute pas assez sur des considérations terre à terre, comme la question des investissements que les constructeurs ont dû faire pour développer ces moteurs et le prix à payer par les clients pour en disposer. C'est une problématique qu'il faut dans un premier temps régler pour la seconde mouture de l'ère turbo hybride avant de la prendre en compte au moment de réfléchir à plus long terme.
"Je pense que la Formule 1 a un grand avenir pour montrer qu'il n'y a pas que l'électrification dans le monde automobile", a-t-il déclaré Stefano Domenicali, nouveau PDG de la discipline reine, à Sky au moment d'évoquer l'avenir des règles moteur et leur attrait pour les constructeurs.
"Je pense que l'hybridation est une excellente solution, et qu'elle aura un grand avenir, et la Formule 1 doit s'en servir pour s'assurer que les FEO [fabricant d'équipement d'origine] investiront, afin de montrer qu'il existe cette manière différente d'être durable. C'est un point sur lequel je veux attirer l'attention des équipes et des constructeurs pour l'avenir, avec une grande attention sur les coûts. L'erreur qui a été faite par le passé a été de ne mettre que la technologie en tête des priorités, et non les coûts."
L'hybridation avec des carburants plus verts est pour l'instant la voie à suivre pour la F1 : c'est une technologie pertinente, qui ne sort pas des sentiers battus et surtout qui coche toutes les cases pour les écuries, les constructeurs et les sponsors. Mais pendant que la nouvelle formule moteur hybride de la discipline reine entrera en vigueur à partir de 2025, les 24 Heures du Mans 2024 auront peut-être déjà offert un aperçu de ce qui fera l'avenir. La technologie hydrogène.
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