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Il y a 20 ans : la dernière leçon du Professeur (2/2)

Après cette douche froide Prost reprit vite le contrôle du championnat en remportant six des sept courses suivantes : Imola, Barcelone, Montréal, Magny-Cours, Silverstone et Hockenheim

Après cette douche froide Prost reprit vite le contrôle du championnat en remportant six des sept courses suivantes : Imola, Barcelone, Montréal, Magny-Cours, Silverstone et Hockenheim. Mais les polémiques continuèrent, d'autant que les autorités y mirent également leur grain de sel. Ainsi à Monaco, l'embrayage capricieux de Prost le fit avancer d'un poil avant le départ. Avant que les départs anticipés soient reconnus par l'électronique à partir de 1995, ceux-ci étaient plus ou moins décidés à la tête du client par le directeur de course, selon s'ils se voyaient suffisamment ou non. Or bien qu'il n'était clairement pas le seul à ne pas avoir été complètement immobile, Prost fut le seul pénalisé. Son embrayage en remit une couche en le faisant caler... deux fois ! Le Professeur aura beau remonter superbement de la vingt-deuxième à la quatrième place, il pouvait se sentir floué...

Même sentiment d'injustice en Allemagne : Martin Brundle partit en travers devant lui à la seconde chicane, et Prost choisit de couper celle-ci pour éviter un accrochage. Réflexe logique mais sanctionné là encore d'une pénalité de dix secondes ! Le Français finit par remporter la course - aidé en partie par la crevaison de Hill à deux tours du but – mais le sentiment général était qu'on essayait de relancer artificiellement le championnat vu la domination de Prost. Pourtant, on ne le savait pas encore à cet instant, mais la cinquante-et-unième victoire du Français allait rester sa dernière...

A côté, bien que la Williams était supérieure, Ayrton Senna ne désarmait pas, et sautait sur la moindre occasion pour lutter avec son vieux rival. Le plus bel exemple restera celui de Silverstone où après un départ manqué, Senna fit preuve d'un acharnement incroyable pour garder Prost derrière lui, avant de devoir lâcher prise. Une agressivité qui ne sera pas du goût de Prost, qui lâcha en privé à quelques amis qui s'étaient étonné de son silence devant la presse à ce sujet "Je serais encore passé pour une pleureuse. Aux yeux du public, Senna a toujours raison. Ce fut cependant le seul moment en dehors de la conférence de Donington où les deux champions auront eu un commentaire acerbe ou ironique envers l'autre, là où ils étaient plus fréquents de 1989 à 1991.

La seconde moitié de saison fut plus difficile pour Prost, ce qui laissa une autre occasion aux observateurs de l'attaquer. Cependant il aurait pu ajouter deux autres victoires en Hongrie sans un souci d'aileron arrière - et un nouveau calage au départ – et un moteur cassé en vue du but en Italie. Entre temps il accumula les poles alors qu'il n'a jamais été un spécialiste du tour chrono : treize en seize courses ! Le reste du temps, Prost collectionna les places d'honneur : troisième en Belgique, et deuxième lors des trois dernières courses.

C'est lors de la première d'entre elles, au Portugal que Prost s'assura de son quatrième titre mondial Qui allait être le dernier : le vendredi du Grand Prix, Prost annonça à la surprise générale sa retraite à la fin de la saison :

"Je ne voulais pas faire l'année de trop. Il fallait savoir s'arrêter au bon moment et pour moi, ce moment est arrivé. Partir au sommet est une bonne chose. Je suis en Formule 1 depuis plus de treize ans, je n'ai jamais perdu la motivation même si je n'ai pas toujours été ménagé. Je viens de vivre une saison formidable avec mon équipe. Sur le plan technique, ce fut également passionnant. Mais aujourd'hui, je dois reconnaître que ce sont plutôt des événements extérieurs qui m'ont convaincu de prendre cette décision, et je suis heureux de l'avoir prise. Le jeu n'en valait plus la chandelle"

Prost faisait allusion ici à plusieurs facteurs. Outre ses démêlés avec les autorités, il est notamment question du comportement distant de Williams à son égard. En effet le Français avait pris l'habitude de l'environnement plus accueillant de Mclaren où tout est mis en œuvre pour mettre le pilote en confiance. Chez Williams, le pilote est plutôt traité comme un employé parmi les autres, et si techniquement avec Patrick Head, le courant passait très bien, ce n'était pas aussi vrai avec Frank Williams. Ce qui n'empêcha pas l'équipe de faire preuve d'un bel humour anglais : en fin d'année, l'équipe offrit à son ex pilote... un embrayage ! Le Français connut en effet régulièrement des soucis avec cette pièce lors des départs...

Le second facteur auquel Prost faisait référence était évidemment l'arrivée de Senna dans l'équipe britannique pour 1994. Ne souhaitant pas une nouvelle cohabitation houleuse et usé par l'atmosphère de plus en plus étouffante de la F1, Prost choisit donc de partir. Au grand désespoir de Senna d'ailleurs, qui durant le week-end étonnera ses proches en leur posant le plus de questions possibles sur le Français, sur son avenir, sur la réaction du public et de la presse tricolore...

Prost finit deuxième de la course derrière Schumacher, qui faisait alors office de successeur désigné aux deux légendes qu'étaient devenus Senna et Prost. Les deux franchirent l'arrivée dans cet ordre lors des deux dernières courses au Japon et en Australie. A ce moment, il n'était plus question de commentaires déplacés, que ce soit du côté de la presse, des fans ou des pilotes eux-mêmes. Senna aura cet aveu envers un ami qui résume parfaitement la situation : "Tu comprends, avec Alain nous avions vraiment une confrontation qui dépassait tout le reste. Nous étions au-dessus du lot". Le Brésilien était inquiet à l'idée de perdre son principal repère en Formule 1, et cela ne datait pas de leur collaboration en 1988 mais de ses débuts en 1984, à l'époque où Prost se plaçait comme le meilleur pilote du moment.

Après la course, les deux furent interrogés en conférence de presse. Lorsqu'on demanda à Senna ce que Ron Dennis lui avait dit en privé, le Brésilien répondit, hilare : "Ce n'est jamais trop tard pour changer d'avis !". Prost embraya à son tour : "C'est amusant, il m'a dit exactement la même chose !". La bonne humeur et la nostalgie était de mise. Le podium, où Prost tendit la main à Senna qui l'invita sur la plus haute marche avec lui était la conclusion parfaite et rêvée par tous les observateurs qui savaient qu'avec la retraite de Prost, une page de la Formule 1 allait se tourner. Malgré toute l'histoire entre ces deux grands pilotes, malgré leurs différences et différents, à l'image de Niki Lauda et James Hunt, il y avait au final un profond respect mutuel qui éclata à la face de tous une fois la pression retombée.

Pour tout cela aussi, merci Alain Prost.

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