Interview exclusive - "Remanié dès 1998, Prost GP serait sur la grille aujourd'hui"
Joan Villadelprat, ex-Directeur Général Prost GP, revient pour Motorsport.com sur la triste chute de l'équipe tricolore
Joan Villadelprat a un CV long comme le bras. L’ingénieur espagnol a cumulé 45 ans dans les sports mécaniques, de la F2 et F3 à la F1, et dirigé techniquement Tyrell, Ferrari, Benetton [où il supervisa la construction du site d’Enstone] ou encore Prost GP et le projet mort-né Epsilon, qui tenta une entrée en F1 en 2009.
Après avoir fait le choix de quitter une équipe Benetton ayant connu le sommet de sa gloire lors des années des premiers titres de Michael Schumacher (1994-1995), Villadelprat se retrouve le bec dans l’eau : son projet de monter un team F1 avec le soutien du géant espagnol Telefonica tombe aux oubliettes, et l’ingénieur ne peut revenir au sein d’une équipe qu’il avait décidé de quitter après 10 ans de bons et loyaux services.
C’est alors que sonne le téléphone. A l’autre bout du fil, Alain Prost, directeur de l’équipe éponyme, qu’il avait côtoyé comme pilote chez McLaren puis Ferrari. La suite de l'aventure est relatée à Motorsport.com au cours d’une longue interview dont voici un extrait.
Alain Prost était dans la merde : il était de 30 millions dans le rouge
Joan Villadelprat relate son arrivée chez Prost GP, en novembre 2000
"J'avais quitté ce qui était un très bon job que j'avais eu pendant 10 ans chez Benetton", commence Villadelprat. "Je cherchais un travail et Alain [Prost] m'a appelé. Il était dans la merde ! Il était déjà de 30 millions dans le rouge.
Je lui ai dit : 'OK. Voyons si l'on peut réduire ce montant et sauver la compagnie'. Nous avons passé un an à travailler dur et je crois que nous avons fait du bon travail en raison du peu de ressources dont nous disposions. Nous avions le moteur et la boite de vitesses Ferrari; l'arrière de l'auto était bien meilleur".
Si les changements étaient arrivés deux ans plus tôt, il y aurait encore des Prost sur la grille aujourd'hui
Joan Villadelprat, Directeur Général Prost GP à partir de novembre 2000
"Un budget énorme et des ressources merveilleuses" avant le déclin
Aujourd’hui encore, au cours des rares épisodes lors desquels le sujet arrive sur la table, Prost explique qu’il existait de nombreuses difficultés politiques pour lui à l'époque. Que l'establishment ne voulait pas forcément le voir rencontrer du succès. Que veut-il dire? Beaucoup de suggestions ont alimenté la presse, mais peu de choses ont été réellement dites clairement à ce sujet.
"La seule chose que je peux dire est qu'au début Prost Grand Prix et Alain avaient un budget énorme et des ressources merveilleuses", se souvient Villadelprat dans un immense sourire nostalgique, avant de refermer son visage.
"Mais ils ne les ont jamais utilisées correctement... Quand j'arrive avec lui et que nous apportons des changements là-bas, il est déjà trop tard. Si cela était arrivé deux ans plus tôt, il y aurait encore des Prost aujourd'hui sur la grille. Mais c'était trop tard".
La presse française n’a jamais été tendre avec Prost GP, et les difficultés du patron à démarcher des sponsors, jetées en pâture au public et au paddock, ont contribué à créer un cercle vicieux de défiance autour d’un team avec lequel il apparaissait parfois difficile de travailler.
Malgré toute l’affection qu’il a pour Prost, Villdelprat estime que le Professeur provoquait lui aussi certaines situations.
"Dur de trouver des sponsors avec le caractère d'Alain"
"Il était difficile de trouver des sponsors à l'époque car avec le caractère d'Alain… Parfois il n'est pas le meilleur en relations publiques pour trouver de l'argent, disons! [rires]"
"Il est toujours difficile de dire pourquoi une compagnie tombe, car il faut être là pour voir pourquoi et comprendre; je ne vais donc pas faire de commentaire sur pourquoi c'est tombé. Mais ce que je sais, car Alain me l'a dit, c'est qu'avant, il y avait plus d'argent; ils n'en avaient même pas besoin : ils ne savaient pas quoi faire avec. Mais ça a été mal dépensé".
200 personnes "dans la rue"
Villadelprat reflète sur la triste situation générée au sein des troupes et rappelle que le moral d’une équipe sérieuse et solide a été sérieusement impacté par les déceptions.
"Bien entendu, si vous n'utilisez pas l'argent correctement, le staff devient déçu et a des doutes sur vos aptitudes, sur le management. Alain a décidé qu'il ne valait plus la peine d'écrire un nouveau chapitre. Et voilà".
"C'est dommage. Il y avait beaucoup de gens bons à Magny-Cours. C'était une bonne équipe là-bas, et ils ont vendu leurs maisons pour monter à Paris. Au final, 200 personnes dans la rue. Ce n'est pas très beau. Et puis… comment dire cela? Je ne suis pas très content de la façon dont les choses ont été faites à cette période précise. Je ne veux pas faire plus de commentaires à ce sujet. Mais ça aurait pu être mieux fait".
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