Interview - James Allison et l'inhabituelle écurie Mercedes

Pourtant, il suffit de parler au directeur technique Mercedes de ses premiers mois à Brackley, et son regard s'illumine : cette structure a une façon de travailler qu'il n'avait pas rencontrée auparavant. En fait, bien qu'étant passé par Benetton, Ferrari et Renault par le passé, Allison trouve quelque chose d'unique chez Mercedes.

"La culture et la philosophie de cette compagnie sont inhabituellement différentes", déclare-t-il dans une interview accordée à Motorsport.com. "Je tire le meilleur de l'immense opportunité que j'ai eue de la rejoindre, c'est le plus intéressant et inhabituel à ce sujet."

"Ce qui se remarque très vite quand on rentre dans l'usine, c'est que comme toute équipe, elle a une structure globalement pyramidale. Mais l'écurie fait confiance à chaque échelon à un degré extrêmement élevé. Des juniors ont donc les moyens de prendre des décisions."

"C'est le cas pour tous les échelons de cette organisation, donc le directeur technique correspond bien moins au pilier qui prend toutes les décisions. Dans d'autres équipes, le directeur technique peut avoir l'impression d'être une mitraillette, et ce n'est pas quelque chose que j'appréciais !"

"Il y a des gens très, très compétents qui prennent des décisions relevant normalement du directeur technique, et cela fonctionne formidablement bien. Le rôle du directeur technique est donc très différent dans notre équipe."

L'échec monégasque

L'un des tournants de la saison, pour Mercedes, a été le Grand Prix de Monaco, où un grand nombre d'employés de l'écurie ont travaillé non-stop pendant dix jours pour comprendre le niveau de performance décevant affiché par la W08 en Principauté.

Allison est convaincu que la culture qui règne chez Mercedes, où le directeur technique n'est pas la seule personne qui puisse apporter des réponses, fait partie des facteurs qui ont aidé l'équipe à rebondir en remportant la course suivante, au Canada.

"Le défi que nous avons relevé collectivement, à savoir tirer le meilleur d'une voiture au potentiel immense, nous l'avons relevé avec succès, avec un grand groupe de techniciens, dont je ne représente qu'une infirme partie", insiste le Britannique. "Franchement, si j'avais passé ces derniers mois au lit, ce problème en question aurait été résolu de façon très, très impressionnante par ce groupe de personnes."

"J'espère y avoir contribué, mais ça a été étudié, compris et corrigé au sein de la compagnie, et pas par les consignes des dirigeants. C'est ce que je veux dire quand je dis que le pouvoir est délégué dans cette structure très impressionnante. Cela en fait un lieu de travail très intéressant, quand on a de l'influence sur une compagnie où il y a tant de capacités, où que l'on porte son regard."

La surprise Hamilton

Ce n'est pas seulement l'environnement de travail qui a surpris Allison depuis son arrivée chez Mercedes : l'Anglais ne tarit pas d'éloges sur Lewis Hamilton. Bien que le talent du triple Champion du monde puisse difficilement être remis en question, son attitude en dehors de la voiture peut encore être considérée comme une inconnue.

Allison, qui a travaillé avec des pilotes comme Michael Schumacher, Sebastian Vettel et Fernando Alonso, a été agréablement surpris par le comportement adopté par Hamilton lorsqu'il n'a pas de casque sur la tête.

"C'est une surprise très agréable", poursuit-il. "Une surprise, car les pilotes très rapides sont habituellement des personnes complexes. Je ne dis pas que Lewis ne l'est pas, mais c'est quelqu'un de très humain, chaleureux, ce qui se remarque dès qu'on travaille avec lui."

"C'est un homme très exigeant, comme on s'y attendrait de la part de quelqu'un qui a accompli ce qu'il a accompli et continue d'accomplir tous les week-ends. Mais c'est agréable de voir la chaleur qui peut se dégager de quelqu'un."

Selon Allison, Mercedes bénéficie d'avoir deux pilotes à la personnalité très différente, le calme de Bottas contrastant avec les fortes émotions de Hamilton.

"C'est intéressant, car nous avons deux pilotes exceptionnels. Tous deux nous aident grandement dans ce que nous devons faire avec la voiture, mais leur vocabulaire technique est extrêmement différent."

"Comme on peut s'y attendre, Valtteri est succint et minimaliste dans la façon dont il décrit la voiture, avec beaucoup de précision. Lewis est plus émotif. Il a un caractère émotif, et il décrit la voiture dans ces termes émotifs également."

"Mais si on les écoute tous les deux et qu'on comprend ce qu'ils disent, ils donnent le même message, mais sont des hommes extrêmement différents dans la façon dont ils le communiquent. Et c'est quelque chose d'intéressant et de nouveau pour moi, d'entendre un pilote décrire le comportement de la voiture de façon émotive mais aussi claire et précise, d'une façon qui nous permet quand même de savoir quoi faire avec la voiture."

La lutte pour le titre

Malgré la nécessité de s'habituer à son nouvel environnement, Allison a été engagé par Mercedes pour accomplir une tâche : guider l'équipe vers le titre mondial. La bataille est actuellement équilibrée, et Allison affirme qu'il est impossible de prédire qui prendra l'avantage lors du reste de la saison.

Mais il reconnaît des désirs contraires quant à la suite des événements, car il souhaiterait que la lutte reste serrée jusqu'au dernier Grand Prix, tant que Mercedes s'impose à la fin.

"J'espère qu'il n'y aura d'erreurs d'aucun côté et que cela restera une bataille captivante jusqu'à la fin de la saison. Mais c'est ce que j'espérerais si rétrospectivement, je regardais en arrière et que nous avions prospéré, car il n'y aurait rien de plus exceptionnel dont se rappeler et dans quoi avoir joué un rôle."

"Je mentirais cependant si je disais que je veux ça tous les week-ends. Ce que je veux tous les week-ends, c'est que nous soyons extrêmement rapides et que nous les écrasions, car c'est pour ça que vit une écurie de Formule 1 ! On veut prospérer aux dépens de l'opposition."

"Mais je sais aussi que ces courses, cette année, avec cette bataille passionnante, ont été absolument fantastique. Nous savons tous que tant que la saison peut basculer en notre faveur, tant que cela peut être une lutte acharnée jusqu'à la fin, ce sera quelque chose d'exceptionnel à se remémorer. Et tout aussi dévastateur pour nous si cela bascule dans l'autre sens."