Interview

Pierre Gasly : sa renaissance chez AlphaTauri, l'avenir de la F1...

En cette saison 2020 de Formule 1, les interviews ne sont plus comme avant, la pandémie de COVID-19 étant passée par là. "Ça fait très vide dans le paddock, on ne voit plus grand-monde", reconnaît spontanément Pierre Gasly au moment de nous saluer, chacun derrière son écran. Heureusement, la technologie est là pour nous permettre d'aborder divers thèmes concernant le pilote AlphaTauri et la Formule 1 actuelle. Les sujets ne manquent pas...

Pierre Gasly, AlphaTauri, parle à la presse

Photo de: Glenn Dunbar / Motorsport Images

Motorsport.com : Le 12 août 2019, Red Bull annonçait que vous redescendiez chez Toro Rosso à l'issue d'une demi-saison décevante. Un an plus tard, la situation paraît drastiquement différente au niveau de vos performances. Pouvez-vous nous raconter l'année que vous venez de vivre ?

Pierre Gasly : C'est vrai que la situation est très différente après 12 mois. On va dire que ces 12 derniers mois ont été vraiment très, très bons sur le plan personnel, sur le plan professionnel. Depuis que je suis retourné avec Toro Rosso, nous avons eu de très bons résultats. L'année dernière, nous avons marqué 32 points sur les neuf dernières courses ; là, je suis à 12. Cela fait 44 points pour les 14 courses que j'ai faites avec eux, ce qui est vraiment top. Et nous avons eu mon premier podium en F1, au Brésil. C'est vraiment positif.

Depuis le début de la saison, c'est vrai que ça se passe très bien, je suis content de la relation avec l'équipe, de la manière dont nous travaillons. Ils arrivent à me donner une voiture qui me permet de m'exprimer, et c'est vrai que c'est satisfaisant.

Être à l'aise au volant de cette AlphaTauri AT01, est-ce vraiment ce qui vous permet en ce moment, semble-t-il, de vous battre avec des monoplaces considérées comme meilleures ?

Forcément, c'est un travail d'équipe. Je ne suis pas le seul à faire fonctionner la voiture. Je pense avoir une vraie compréhension avec les ingénieurs qui travaillent avec moi, pour moi. Ils ont bien compris les choses dont j'avais besoin. Nous arrivons à bien nous comprendre quand je demande plus de train avant, plus de motricité… en fonction des choses que nous voulons améliorer sur la voiture, ils parviennent à trouver des réglages qui me permettent de tirer le maximum du potentiel de la voiture. C'est vrai que nous avons une très bonne relation de travail, cela se retrouve aussi dans nos résultats.

Vous avez récemment révélé que l'an dernier, vous aviez demandé à Red Bull de changer d'ingénieur de course, comme ils l'ont finalement fait avec Alexander Albon. Comment se passe votre collaboration avec votre ingénieur de course actuel, Pierre Hamelin ?

Avec Pierre, ça se passe très bien. J'ai commencé avec lui à partir de Spa l'année dernière, parce qu'il était avec Brendon Hartley, lors de ma première saison complète chez Toro Rosso. Nous avons mis un peu de temps avant de bien nous connaître, avant d'avoir un peu plus de fluidité et d'améliorer la compréhension de chacun. Maintenant, je suis vraiment très satisfait du travail avec lui ; c'est un très, très gros bosseur. C'est important pour moi d'avoir quelqu'un à côté de moi qui est impliqué à 150%, toujours à se remettre en question du matin au soir, à voir ce que l'on peut améliorer. Tout est très clair et transparent entre nous, ce qui est important.

C'est également le cas pour Johannes Hatz, qui est mon ingénieur performance. Nous avons vraiment une bonne fluidité, nous travaillons bien ensemble. Bien sûr, il n'y a pas qu'eux, il y a beaucoup plus d'ingénieurs derrière avec qui je travaille aussi, mais ces deux-là sont mes points de contact en termes de performance sur ma voiture. Nous formons, je pense, un très bon trio.

Le rôle de l'ingénieur de course est-il peut-être un peu sous-estimé, plus important qu'on ne le pense ?

Je ne pense pas que ce soit forcément sous-estimé. Ce qui est sous-estimé, c'est peut-être le travail global. Forcément, le dimanche, quand on regarde la course, on voit le pilote dans la voiture et on se dit que la performance, quand on gagne ou quand on perd, vient majoritairement du pilote. On sous-estime un peu tout le travail de l'équipe, ce qu'elle peuvent apporter – que ce soit les gens à l'usine, les gens sur la piste, l'ingénieur de course, l'ingénieur performance...

Au final, c'est un vrai sport d'équipe. Sans le pilote, l'équipe n'a pas les résultats, mais pour un pilote sans l'équipe, c'est impossible d'avoir les résultats également. Je pense que cela va dans les deux sens, et c'est là où tous les succès arrivent avec une très bonne relation, un très bon lien entre pilote et équipe.

Pierre Gasly, AlphaTauri AT01, dans les stands

Voilà trois ans que vous êtes avec le motoriste Honda en Formule 1. Comment évaluez-vous leur progression ? N'avez-vous pas l'impression qu'ils plafonnent quelque peu dans leur quête de rejoindre Mercedes ?

Non, pas forcément. Il faut donner le temps au temps. En 2018, c'était leur première année avec Toro Rosso. C'est vrai qu'ils sortaient d'une période compliquée avec McLaren. Nous avons réussi à obtenir des bons résultats, une quatrième place dès notre deuxième course, à Bahreïn. L'année dernière était leur première saison de retour aux avant-postes, à se bagarrer pour des victoires, des podiums. Je pense qu'ils ont atteint leur premier objectif, qui était de gagner des courses. Ils ont réussi à développer un moteur qui est capable de gagner. On sait que Mercedes a beaucoup d'avance depuis 2014 et l'arrivée de ces moteurs hybrides. L'avance qu'ils ont déjà construite dès le début, c'est quelque chose qui prend du temps à rattraper, parce qu'ils ne stagnent pas non plus. Ils sont toujours en train de s'améliorer. Même cette année, ce qu'ils ont réussi à faire en termes de performance est assez impressionnant.

Nous avons une bonne courbe de développement comparé à Ferrari ou à Renault. On voit que nous progressons plus rapidement, même si nous partions certainement d'un peu plus loin. Honda a encore gagné le week-end dernier, ce qui montre que même s'il reste encore de la performance à chercher, ils ont quand même très, très bien évolué sur les dernières années.

D'après des mesures phonométriques faites à Silverstone, le moteur Honda aurait 28 ch de retard sur le Mercedes. Cette donnée vous paraît-elle cohérente ?

Je ne vais pas mettre de chiffre car je ne sais pas exactement. Cependant, on voit effectivement que Mercedes est clairement le moteur à battre. Cette année, ils ont bien progressé. Cela dit, c'est compliqué de voir ce qui vient de la voiture ou non en termes d'appui aéro, de traînée. Ce que l'on peut voir, c'est que la Racing Point avec le moteur Mercedes, la Mercedes et même la Williams ont progressé en partie grâce à l'amélioration de leur moteur cette année. Mercedes est vraiment le motoriste à abattre cette année.

Comment voyez-vous l'avenir de la Formule 1 avec les mesures de réduction des coûts qui arrivent ? Imaginez-vous qu'AlphaTauri puisse se battre avec Red Bull grâce au plafond budgétaire de 145 M$ ?

C'est quelque chose de très bien pour le futur de la Formule 1. Aujourd'hui, et on le voit bien avec les résultats, il y a un fossé assez grand entre les top teams et les écuries de milieu de peloton. Je pense que tous les fans de F1 et les spectateurs, aimeraient bien que ça se réduise. Nous, en tant que pilotes, aimerions bien que cela se réduise, et que l'accent soit plus sur la performance du pilote en lui-même, que ce soit nous qui puissions faire la différence plus que la voiture. Je pense que c'est la direction que la F1 essaie de prendre avec son règlement.

Pierre Gasly, AlphaTauri AT01

Bien sûr, toute l'expérience et les données accumulées par les top teams sur les dernières saisons, ainsi que leur savoir, ne vont pas disparaître. Je pense qu'ils auront quand même toujours un temps d'avance, notamment sur ce qu'ils ont développé, les outils qu'ils utilisent. Mais cela devrait réégaliser les choses en partie, et j'espère que l'on pourra avoir une grille avec des écarts bien moindres entre chaque voiture pour pouvoir, nous en tant que pilotes, savoir que nous avons des chances – peut-être pas pour la victoire, ce seront sûrement toujours les mêmes qui se battront pour la victoire, mais au moins d'aller chercher un podium de temps en temps. En tout cas, c'est ce que nous espérons.

Vous qui faites partie d'une écurie qui pourrait quand même bénéficier d'une philosophie où la copie serait largement autorisée, que pensez-vous de l'affaire Racing Point ?

Ce que j'en pense, c'est qu'à partir du moment où c'est légal, pour moi, c'est : bravo, vous avez utilisé le règlement au maximum. À partir du moment où c'est illégal, pour moi, ça devrait être sanctionné. Dans ce cas-là, ce n'est pas juste pour les autres écuries, qui dépensent de l'argent et qui essaient de développer leur voiture au maximum.

C'est clair, l'année dernière, nous nous battions avec eux. Nous sommes arrivés à finir juste devant eux au championnat des constructeurs. Cette année, ils sont sur une autre planète. C'est vrai qu'ils ont une évolution assez impressionnante. Ce n'est pas à moi de savoir si ce qu'ils ont fait est légal ou illégal, je pense qu'il y a des personnes qui sauront le déterminer. J'espère simplement qu'ils seront traités de manière juste.

Enfin, quel est votre objectif pour le reste de la saison ? Vous êtes actuellement 12e du championnat devant Sebastian Vettel, auriez-vous l'espoir de rester devant lui, bien que cela paraisse assez improbable ?

Plus que d'avoir des objectifs sur des pilotes ou des places précises, il s'agit de continuer à montrer ce que nous montrons depuis le début de la saison. Nous avons réussi à être très, très performants chaque week-end, à obtenir des résultats meilleurs que ce que nous attendions avec notre niveau de performance. Toujours montrer des belles choses, avoir la vitesse, être constant, aller chercher des opportunités dès qu'elles se présentent à nous. Nous les avons bien saisies ; nous en avons raté une le week-end dernier, c'est un peu dommage.

Il faut continuer de cette manière-là, je pense que nous travaillons bien. Si nous arrivons à trouver un petit peu plus de performance, je pense que cela pourra même nous mettre sur un pied d'égalité avec les Renault et les McLaren, qui sont juste devant pour l'instant. Cela pourrait nous donner de vraies chances de marquer des points un peu plus régulièrement. Nous allons essayer de continuer à travailler comme ça.

Des étincelles sous l'AT01 de Pierre Gasly, AlphaTauri

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