Kovalainen et la pression d'être "l'anti-Alonso"
Marcher sur les traces d'un double Champion du monde n'a rien d'un défi aisé. Heikki Kovalainen s'y est cassé les dents.
Photo de: Charles Coates / Motorsport Images
"Avec [Fernando] Alonso, nous avons trouvé l'anti-Schumacher. Avec Kovalainen, j'espère trouver l'anti-Alonso." Fin 2006, après deux titres mondiaux consécutifs remportés avec son prodige espagnol, Flavio Briatore ne cachait pas les espoirs placés sur les épaules de sa nouvelle trouvaille, un certain Heikki Kovalainen. Ce dernier, pur produit du programme de jeunes pilotes Renault F1 Team, avait un beau palmarès en formules de promotion : il avait été couronné en World Series by Nissan puis vice-Champion de la saison inaugurale de GP2 en 2005, avant de passer la campagne suivante à limer le bitume en tant que pilote de réserve.
Or, la Renault R27 était bien loin du niveau de sa devancière, reléguée derrière McLaren et Ferrari, qui jouaient le titre, ainsi que BMW Sauber. De surcroît, le premier Grand Prix de Kovalainen, à Melbourne, s'est avéré particulièrement médiocre, avec deux sorties de piste et la dixième place, à près d'une minute de son coéquipier Giancarlo Fisichella. À tel point qu'après la course, Flavio Briatore a suggéré que c'était peut-être son frère au volant !
"Je sentais la pression", relate Kovalainen dans le podcast Beyond The Grid, interrogé sur cette fameuse désignation de l'anti-Alonso. "Bien sûr, sauter dans la voiture du double Champion du monde en titre, quand on est rookie... Je n'étais probablement même pas conscient du challenge que cela représentait, je me disais : je suis prêt, je suis un jeune pilote, j'ai gravi toutes ces formules de promotion, je suis la nouvelle star. Le réveil a été brutal, à Melbourne ! J'étais complètement hors de contrôle tout le week-end, je n'arrivais pas à me concentrer sur le nécessaire. C'était un avertissement."
"À ce stade, celui qui me guidait le mieux chez Renault, c'était Pat Symonds [directeur de l'ingénierie, ndlr]. Flavio me disait d'attaquer, disait aux ingénieurs de me dire d'attaquer, mais ce n'est pas ce dont j'avais besoin à l'époque ! Mon équipe d'ingénieurs me guidait très bien, et j'ai fini par trouver mes marques."
"Je suis sûr que Flavio voyait beaucoup de potentiel en moi : tous les ans, en formules de promotion, j'obtenais les résultats attendus. Je gagnais des courses, je remportais des championnats, jusqu'à devenir pilote d'essais. Il avait investi dans ma carrière, donc ils avaient forcément de grands espoirs. S'il a parlé de l'anti-Alonso, c'est peut-être qu'il pensait que je pouvais empêcher Fernando de gagner ou essayer de me battre avec lui au sommet."
Renault avait effectivement bien préparé Kovalainen pour ses débuts. Si le Finlandais était resté à l'écart de la compétition en 2006, il avait parcouru jusqu'à 30 000 kilomètres en essais privés au volant de la Renault R26 qui allait remporter le titre mondial des pilotes comme des constructeurs. Avec des performances flatteuses qui, de son propre aveu, lui ont fait prendre la grosse tête.
"En fait, j'avais assez souvent de très bons programmes", explique-t-il. "J'avais 22 trains de pneus neufs pour la journée, et Fernando faisait des comparaisons d'ailerons avant ou des tests de fiabilité moteur, donc mes chronos avaient souvent l'air très bons. Je ne me rendais probablement pas compte, je n'étudiais probablement pas suffisamment les données pour vraiment voir la vérité. Car je trouvais souvent mes chronos vraiment compétitifs par rapport à ceux de Fernando ou de Fisichella, mais j'avais un peu oublié le fait qu'[Alonso] avait quatre trains de pneus quand j'en avais 22..."
Une victoire inattendue à la Race of Champions
C'est en tout cas la Course des Champions 2004, au Stade de France, qui avait révélé Kovalainen au public, deux mois après son sacre en World Series by Nissan. Cette compétition rassemblant des pilotes stars au volant de divers bolides avait vu le jeune homme de 23 ans vaincre Sébastien Loeb en finale... au volant d'une Peugeot 307 WRC !
"À l'époque, j'étais un jeune pilote inconnu au bataillon, membre du programme Renault", se remémore-t-il. "En fait, on m'a choisi pour participer à cette course car les stars habituelles en Finlande – Kimi [Räikkönen] et les deux Mika, Salo et Häkkinen – n'étaient pas disponibles ou intéressées. Et dès la journée d'essais, l'un des commissaires français, chargé du chronométrage, est venu me dire que j'étais le plus rapide dans toutes les voitures."
Inutile de dire que Kovalainen ne s'attendait pas à de tels résultats. "C'était la première fois que je rencontrais la plupart de ces gars-là ; j'étais dans le même vestiaire que Michael [Schumacher], Sébastien Loeb, Jean Alesi, David Coulthard... Ils n'avaient aucune idée de qui j'étais. J'étais à deux doigts de leur demander des autographes ! J'ai battu Alesi, j'ai battu Coulthard, puis j'ai battu Michael dans une Ferrari, ce qui était assez marrant, très inattendu. Je n'arrivais pas à croire que j'aie gagné cette course. Flavio m'a appelé après l'événement. Pat Symonds m'a également parlé, et toute l'équipe Renault m'a félicité, ils étaient absolument ravis. Je ne pensais pas que ça allait prendre cette ampleur, mais ça a eu un impact très positif, non négligeable sur ma carrière."
"Une autre anecdote, c'est qu'après la course, nous sommes allés dans le centre-ville de Paris, et nous nous sommes retrouvés dans le même ascenseur que Jean Todt, qui était le directeur de Ferrari à l'époque. Il m'a un peu regardé et m'a demandé : 'C'est quoi ton nom, déjà ?'. J'ai répondu : 'Je m'appelle Heikki Kovalainen, enchanté'. C'est la première fois que j'ai reçu une vraie attention de la part de grands noms du sport automobile, et je suis sûr que cela a fait beaucoup de bien à ma carrière, même si ce n'était pas un événement important."
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