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Kubica et les éternels regrets d'avoir manqué le titre en 2008

Le temps n'efface pas un avis tranché : Robert Kubica reste convaincu que BMW a pris une décision fatale à ses espoirs de titre mondial en 2008.

Robert Kubica, BMW Sauber F1.08 célèbre sa première victoire

Photo de: LAT Images

Douze ans plus tard, Robert Kubica éprouve toujours des regrets quand il évoque la saison 2008. À l'époque, le Polonais aurait pu se battre pour le titre mondial mais BMW avait fait le choix de stopper le développement de sa F1.08 à la mi-saison. Pourtant, il avait décroché au moins de juin sa première – et finalement unique – victoire en Grand Prix, prenant du même coup la tête du championnat. À mi-parcours, il n'accusait que deux longueurs de retard sur Lewis Hamilton, Kimi Räikkönen et Felipe Massa, alors tous les trois à égalité de points. 

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Après la trêve estivale, BMW avait orienté la majorité de ses ressources vers la monoplace 2009 et l'introduction du KERS, laissant son modèle 2008 être peu à peu dépassé par une McLaren et une Ferrari recevant encore des évolutions. Avec trois podiums seulement en deuxième partie de saison, Kubica perdait définitivement le contact pour boucler sa campagne au quatrième rang, à 23 points d'un Hamilton sacré pour la première fois de sa carrière. Un an plus tard, sur fond de crise économique et de saison 2009 ratée, BMW quittait la F1. 

"J'ai exactement le même point de vue que j'avais il y a 12 ans, car j'étais impliqué et j'étais dans la situation où, malheureusement, j'avais le sentiment que c'était peut-être notre seule chance de nous battre [pour le titre]", confie aujourd'hui Robert Kubica à GP Racing"Nous n'avions pas la voiture la plus rapide, c'est un fait. Normalement, la voiture la plus rapide gagne le championnat, mais pas toujours. Pour quelque raison que ce soit – les erreurs des autres, le fait de mieux travailler au début de la saison – nous étions en tête du championnat sans avoir la voiture la plus rapide. Il faut saisir les opportunités, car dans la vie on ne sait jamais quand il y aura une seconde chance. Dix ans plus tard, j'ai rencontré des mécaniciens qui étaient là-bas avec moi, et ils ont exactement le même avis. Ils le regrettent, car au bout du compte, nous n'avons pas eu d'autre chance."

J'ai encore des regrets à ce jour, mais j'ai aussi le sentiment d'avoir eu la chance de me retrouver dans cette position.

Robert Kubica

Jusqu'à l'antépénultième course, disputée à Shanghai, Kubica est resté mathématiquement en lice pour le titre 2008. En Chine, sa sixième place ne lui avait finalement pas permis de garder le droit d'espérer. Le duel entre Hamilton et Massa avait pourtant fait des étincelles et ouvert la brèche pour un outsider. 

Robert Kubica, BMW Sauber F1.08

"C'est la course, personne ne dominait", se souvient le pilote polonais. "Ferrari et McLaren étaient plus forts sur certains circuits mais ils rencontraient des problèmes techniques et faisaient des erreurs. C'est comme ça que je me suis retrouvé en tête du championnat et que j'ai pu me battre si longtemps, sans avoir la voiture la plus rapide. Je me souviens m'être qualifié sixième à Fuji, et Nick [Heidfeld, son coéquipier] 16e. Nous étions perdus au niveau de la performance. Mais j'ai mené un tour et j'ai terminé deuxième. Je suis certain que si nous avions utilisé les pièces que nous avions testées trois mois plus tôt, j'aurais gagné cette course. J'ai encore des regrets à ce jour, mais j'ai aussi le sentiment d'avoir eu la chance de me retrouver dans cette position, car de nombreux pilotes talentueux n'ont jamais eu cette opportunité."

Le remède miracle resté au placard

Ce développement avorté de la F1.08, Robert Kubica l'a pour toujours en travers de la gorge. Dans un entretien récemment accordé à Motorsport.com, il a apporté davantage de détails, notamment au sujet des évolutions validées mais non utilisées. Se disant "sûr à 100%" qu'il aurait pu gagner plus de courses en 2008, il se justifie ainsi : "Je le sais, j'ai testé la pièce de la voiture qui était, non pas un peu meilleure, mais 100 fois meilleure. Ce genre de choses qui vous fait dire 'wow', qui vous mène à un autre rythme." Avant de raconter l'anecdote avec des souvenirs très précis...

"Sur les tests, on roulait énormément et souvent on testait des choses qui ne fonctionnaient pas, mais si quelque chose apporte une amélioration, on l'entend tout de suite à la manière dont le pilote parle à la radio. Imaginez 20 runs, avec 20 choses testées dont vous savez d'avance qu'elles ne fonctionneront pas, mais que les ingénieurs voulaient absolument vous faire tester ; quand vous testez quelque chose pour la troisième fois, vous rentrez au stand et vous répétez 'ça ne fonctionne pas, c'est pire ici, c'est pire là'… Mais quand vous rentrez au stand après avoir ressenti une amélioration, c'est comme une unité de puissance d'aujourd'hui face à un V8 du passé."

Robert Kubica, BMW Sauber F1.08

"Le moteur BMW, quand on l'allumait au stand, son minimum était à 5800 tours. Je me souviens très bien de ce jour-là, car c'était un défaut du moteur BMW. Au fil des ans, la FIA a abaissé les tours : de 20'000 tours en 2006, on est passé à 18'500, puis 18'000 ; le BMW était très en haut, mais en enlevant ces 1500 tours, on était beaucoup plus bas en sortie de virage, parce qu'il fallait ensuite ajuster les rapports, on ne pouvait pas tout le temps rester haut dans les tours ; et puis l'usure des pneus est beaucoup plus difficile à gérer si on est tout le temps en haut et que les rapports sont courts, donc c'est une suite de choses. En 2008, ils ont enlevé le traction control et changé les pneus, et nous nous sommes retrouvés avec une maniabilité qui n'était plus bonne, et pour réussir à rouler à 18'000 tours/minute, avec des vitesses élevées, nous devions utiliser des rapports courts dans les virages, mais des rapports très longs pour atteindre certaines vitesses, avec donc une baisse très forte dans les tours et tout était chamboulé."

"Avant le test, ils m'ont montré les graphiques et je leur ai dit : 'C'est impossible ! À qui voulez-vous faire croire que cette chose-là va à ce point améliorer les choses ?' […] Mais c'était un truc incroyable, c'était vrai ! À ce moment-là, j'étais deuxième du championnat et je me suis vu… [il ne finit pas sa phrase] Car ce n'était pas seulement un gain sur ces régimes-là, nous pouvions aussi utiliser des rapports plus longs à vitesse basse, donc une meilleure maniabilité, moins d'usure de pneus, moins de consommation de carburant car c'était aussi un de nos problèmes avec BMW. J'étais celui qui usait le plus les pneus et qui consommait le plus de carburant, et quand je suis passé chez Renault, je prenais le départ de la course avec 8 kg [de carburant] en moins, ce qui est un bel avantage, je consommais moins de gomme que tout le monde – juste pour vous faire comprendre à quel point cela change d'une voiture à l'autre. Cette chose-là, c'était notre remède pour beaucoup de nos problèmes."

"Mais ce qu'il y a de bien dans cette expérience, c'est que je m'en souviens comme si c'était hier, parce que c'était presque un conte de fées. C'est bien de recroiser quelqu'un qui te dit qu'il était ce jour-là à Jerez, et qui te dit 'Ah, et si on avait mis cette chose-là ?' On l'a mise en 2009, quand on était derniers ou presque."

Propos recueillis par Stuart Codling et Roberto Chinchero  

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