Quand Laffite et Ligier se prenaient à rêver du titre F1

L’écurie française Ligier créa une énorme surprise en remportant les deux premiers Grands Prix de la saison 1979 de F1. Le premier succès fut décroché en Argentine il y a 44 ans, jour pour jour.

Jacques Laffite, Ligier JS11

David Phipps

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Rien ne prédestinait Ligier à un tel succès. La saison précédente avait été marquée par la domination de la première F1 à effet de sol, la Lotus 79, et l'écurie française n'avait pas remporté de course depuis la Suède en 1977. Tout le monde s'attendait donc à ce que Lotus ou Ferrari s'impose en ce début d'année. Alors voir Ligier gagner les Grands Prix d'Argentine et du Brésil coup sur coup fut une sacrée surprise !

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Il faut préciser qu'au cours de l'hiver 1978-1979, bien des choses avaient changées chez Ligier, écurie basée à Abrest, dans l'Allier. En effet, le moteur V12 Matra avait été abandonné en faveur du Ford Cosworth DFV et, pour la première fois (en dehors de l'épisode du GP du Japon 1977), l'équipe du colérique Guy Ligier allait faire rouler deux voitures : une pour Jacques Laffite et l'autre pour Patrick Depailler.

"La JS9-Matra de 1978 était longue et étroite. Avec l'introduction de l'effet de sol en F1, il a fallu tout revoir et concevoir une voiture munie de pontons très larges", racontait Éric Lauger, mécanicien chez Ligier à cette époque, à Motorsport.com. "Gérard Ducarouge a donc conçu la JS11 [de 1979] plus courte et plus large que la JS9. Le passage du moteur Matra au Cosworth nous a beaucoup aidé. Le DFV était plus compact, plus court et plus léger. Ça nous a permis de concevoir un train arrière plus court et des pontons très larges."

Jacques Laffite lors du GP d'Argentine 1979.

Jacques Laffite lors du GP d'Argentine 1979.

Ducarouge et Michel Beaujon ont aussi corrigé un gros défaut de la Lotus 79 : le manque flagrant de rigidité de son châssis. Grâce à sa vaste expérience de l'aéronautique, Ducarouge a su concevoir un châssis en feuilles d'aluminium très rigide et léger, capable d'encaisser les formidables forces aérodynamiques sans se tordre ni se déformer.

Une boîte de vitesses Hewland, fiable et performante, fut boulonnée au moteur. La suspension avant éliminait autant que possible ce qui pouvait nuire à la pénétration de l'air dans les pontons. Les ressorts et amortisseurs, logés dans la coque, étaient activés par des basculeurs.

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L'aérodynamique de la JS11 fut peaufinée par Robert Choulet, du laboratoire SERA à Paris. Il en résultait, entre autres, des pontons profonds munis d'un aileron de requin à l'arrière devant les pneus. La rotation des pneus servait à aspirer l'air des pontons, ce qui générait un meilleur effet de sol. Ducarouge a assis le pilote beaucoup plus à l'avant de la voiture, ce qui permettait de mieux ajuster le centre de pression aérodynamique et de réduire l'angle d'attaque de l'aileron arrière, ce qui entraînait moins de traînée.

"On a bien travaillé durant l'intersaison. On savait que la voiture marchait bien durant les essais, car presque toutes les autres équipes utilisaient le moteur Cosworth. Il était facile de faire des comparaisons", poursuivait Lauger.

En ouverture de la saison, en Argentine, Laffite et Depailler se qualifièrent en première ligne. Le premier remporta la course avec 14"9 d'avance sur Carlos Reutemann (Lotus 79). Deux semaines plus tard au Brésil, les Ligier monopolisaient l'avant de la grille encore une fois et le duo français terminait la course dans cet ordre. Laffite était alors premier au Championnat du monde !

Puis, tout a basculé...

Jacques Laffite sur le podium après sa victoire au Brésil en 1979.

Jacques Laffite sur le podium après sa victoire au Brésil en 1979.

"Laffite a marché très fort en début de saison. Les courses étaient organisées sur des circuits courts et sinueux sur lesquels la voiture était à l'aise", ajoute Lauger. "Par contre, en début de saison comme ça, c'est un peu la loterie. Il faut que les équipes prennent leurs marques. Au Brésil, on a fait fabriquer des pièces spéciales sur place. Ça nous a coûté cher, mais ça en valait la peine ! Toutefois, lors de la course suivante à Kyalami, en Afrique du Sud, le vent a changé de direction."

Les Ligier ont alors mystérieusement perdu de leur superbe ; les Williams FW07 et Ferrari 312 T4 ont alors commencé à rafler les victoires. Laffite n'a plus gagné du reste de l'année. Depailler s'est imposé en Espagne, sur le tourniquet de Jarama, avant de se fracturer les jambes dans un accident de deltaplane, lui faisant rater toutes les courses après Monaco.

"Un peu après la mi-saison, Guy Ligier nous a confirmé qu'il n'investissait plus d'argent dans la JS11. On a stoppé son développement, mais on s'est quand même classés troisième au championnat des constructeurs derrière Ferrari et Williams", précisait Lauger.

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Reste un point à éclaircir, celui du fameux clapet secret. En effet, la rumeur dit que les pontons des JS11 étaient munis de clapets très bien dissimulés, qui auraient permis à l'air de s'échapper en cas de surpression aérodynamique. Avec ce dispositif, les Ligier n'auraient pas pompé en ligne droite ou talonné violemment (marsouiné, dirait-on aujourd'hui) quand l'effet de sol devenait trop puissant.

"Un clapet ? Non, pas du tout. C'est une légende", rétorquait Lauger avec conviction. "Ça ne serait jamais passé à l'inspection technique. Gabriele Cadringher [le délégué technique de la FISA à cette époque] était un excellent ingénieur. Il aurait constaté ça tout de suite et l'aurait interdit [car cela aurait constitué un appendice aérodynamique mobile]. Non, la JS11 ne possédait aucune pièce coulissante ou mobile." Bon, puisqu'il le dit…

Reste que la modeste équipe de Guy Ligier avait néanmoins stupéfait le petit monde de la F1 en ce début de saison 1979. 

Jacques Laffite lors du GP de Monaco 1979.

Jacques Laffite lors du GP de Monaco 1979.

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