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Les Poulidor de la Formule 1 : Stirling Moss

Il n'est pas rare de retrouver des noms propres utilisés dans le langage courant pour illustrer une situation

Il n'est pas rare de retrouver des noms propres utilisés dans le langage courant pour illustrer une situation. On parle par exemple d'un Apollon pour une personne très attirante physiquement. En France, on parle souvent d'un Poulidor pour qualifier un éternel second. Raymond Poulidor était en effet l'archétype du "perdant magnifique" dans le sens où il n'a jamais réussi à remporter le Tour de France, malgré ses nombreuses tentatives. Ce qui l'a paradoxalement rendu plus populaire et plus célèbre que certains vainqueurs de la Grande Boucle.

Le sport regorge de "Poulidor", et la Formule 1 ne fait pas exception. Certains grands noms de ce sport n'ont jamais été couronnés Champion du Monde, tout en restant plus reconnus que d'autres pilotes qui ont inscrit leur nom sur les tablettes. Revenons ainsi sur ces pilotes qui ont perdu "avec les honneurs" et qui n'auraient pas volé un championnat ou deux.

Le Champion sans Couronne

La majorité des observateurs le dira : si un nom devait ressortir dans la longue liste des "champions sans couronne", ce serait celui de Stirling Moss. Ce surnom est d'ailleurs revenu à l'Anglais, tant il illustre parfaitement le paradoxe de sa carrière. Plus d'une fois, le titre aurait pu lui revenir et peut-être même lui revenir. Ce ne fut jamais le cas : Moss a terminé quatre fois consécutivement deuxième du championnat (de 1955 à 1958) et trois fois troisième (de 1959 à 1961). L'année suivante, un grave accident à Goodwood (aujourd'hui haut lieu des rassemblements de F1 historiques) mit prématurément fin à sa carrière et l'empêcha de corriger cette injustice.

Comment l'expliquer ? Trois raisons ressortent aujourd'hui; trois facteurs qui reviendront souvent pour justifier les échecs des autres pilotes qui méritaient d'inscrire leur nom au palmarès. Tout d'abord, la concurrence! Moss n'a eu qu'un vrai rival sur la piste, mais de taille : Juan Manuel Fangio. L'Argentin a dominé son époque et si certains noms comme le regretté Jack Brabham étaient persuadés que Moss lui était supérieur, celui-ci n'a jamais été en mesure de le prouver concrètement.



Au mauvais endroit au mauvais moment

Le second facteur explicatif rentre alors en ligne de compte : être au bon endroit au bon moment. Un talent que Fangio possédait et qui lui a grandement servi : il débuta chez Alfa Romeo qui disposait de la meilleure monoplace en 1950 et 1951 puis il rejoignit Mercedes qui écrasa 1954 et 1955. Il cohabita ensuite avec Ferrari qui avait récupéré le soutien technique de Lancia, avant de revenir chez Maserati où l'ambiance familiale lui convenait bien mieux que celle plus politique chez la Scuderia.

Les "mauvais" choix de Moss

A côté, Moss ne disposa de la meilleure monoplace que deux fois : en 1955 et en 1958. En 1955, il était le coéquipier de Fangio mais était encore un peu vert pour le concurrencer. Néanmoins, Fangio mesura le talent de l'Anglais et l'estima capable de lui succéder. Ainsi, Moss remporta le Grand Prix de Grande Bretagne 1955 devant son aîné, mais il suspecta toujours l'Argentin de ne pas avoir cherché le dernier dixième et de lui avoir fait un cadeau. Le Maestro affirma toujours le contraire mais le doute subsiste encore aujourd'hui : beaucoup estiment qu'il a bien offert la victoire tout en ayant eu l'élégance de ne pas l'avouer...

Trois ans plus tard, Fangio prit sa retraite, laissant ainsi Moss seul maître à bord sur une Vanwall, au point pour viser le titre. Du moins le pensait-il, car la Ferrari de Mike Hawthorn lui mena la vie dure en étant certes moins conquérante mais plus régulière. Ce qui n'aurait pas dû être un handicap si Moss n'avait pas eu un esprit trop chevaleresque. Car c'est là le troisième facteur!

Un esprit trop chevaleresque

La soif de vaincre à tout prix et l'égoïsme sont des caractéristiques communes des champions du Monde, surtout aujourd'hui. Gerhard Berger avoua tout net qu'il n'avait pas ce caractère et que cela lui avait coûté face à des cadors comme Senna. Or à une époque où il était moins question d'égos, Moss eut une réaction impensable aujourd'hui : il contesta une pénalité donnée à son rival !

En effet, Hawthorn avait fini deuxième du Grand Prix du Portugal, après avoir effectué un tête-à-queue et s'étant aidé de la déclivité de la piste pour se relancer en marche arrière. Les commissaires le disqualifièrent pour cela jusqu'à ce que Moss leur explique que c'était lui qui avait donné ce conseil à Hawthorn et qu'il l'avait fait dans l'échappatoire, ce qui était légal!

Ainsi, Hawthorn fut couronné champion pour un point après que son équipier Phil Hill lui ait laissé le champ libre lors de la dernière course au Maroc, ce malgré une nouvelle victoire de Moss! Lequel avait gaffé lors du même Grand Prix du Portugal, puisqu'il prit l'indication "Hawthorn REC" de son équipe pour "Hatwthorn REG". Le REC désignait le record du tour, qui valait à l'époque... un point. Ayant compris qu'Hawthorn tournait "régulièrement" et qu'il ne représentait donc pas une menace, Moss n'augmenta pas sa cadence en conséquence...

Les années suivantes, Cooper imposa son moteur arrière avant que Ferrari ne prenne le bon train en marche au moment de la réduction de la cylindrée en 1961. Moss ne récupéra que les miettes, non sans remporter des victoires de prestige à Monaco et au Nurburgring qu'il ne devait qu'à son seul talent. Hélas, Goodwood le stoppa en pleine gloire. Au moins, Moss resta en vie, ce qui n'était pas si courant à cette époque. Il reste aujourd'hui un des derniers témoins de cette période où, déjà, le talent seul ne suffisait pas...

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