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Hamilton vs Schumacher : le verdict de leurs (anciens) collègues

Au Nürburgring, Lewis Hamilton a égalé le record de 91 victoires établi par Michael Schumacher en 2006, relançant l'éternel débat : qui est le plus grand pilote de l'Histoire ?

Michael Schumacher, Mercedes GP W02, Lewis Hamilton, McLaren MP4-26

Photo de: Steve Etherington / Motorsport Images

Quand l'on en vient à comparer le Britannique et le Baron Rouge, certains acteurs du paddock sont idéalement placés pour donner leur avis, pour la simple et bonne raison qu'ils ont travaillé avec ces deux pilotes. Il ne s'agit pas forcément de dresser une hiérarchie entre eux mais aussi de confronter leur personnalité et leurs compétences, pouvant être diamétralement opposées.

Ross Brawn, par exemple, a été l'un des architectes des sept titres mondiaux de Schumacher chez Benetton puis Ferrari en tant que directeur technique, avant de convaincre l'Allemand de sortir de sa retraite pour rejoindre Mercedes en 2010. Il a ensuite joué un rôle clé dans le recrutement de Hamilton par la marque à l'étoile, même si sa collaboration avec l'intéressé n'a duré que lors de la saison 2013. Il est enthousiasmé par la 91e victoire de l'Anglais.

"C'est une prouesse remarquable", estime Brawn dans sa chronique pour le site de la F1. "Michael a toujours dit que les records étaient là pour être battus, mais je reconnais que je ne m'attendais pas à ce que celui-là soit battu si tôt. Et je ne peux imaginer que Lewis s'arrête là. Vu comme il est parti, il va placer la barre à un niveau époustouflant dans les prochaines années."

"Michael est un pilote qui était très spectaculaire en piste, de bien des manières, et qui avait une personnalité très discrète en dehors. Lewis est presque l'opposé : calme mais impitoyable en piste, tandis que son extravagance se révèle en dehors de la piste. On ne pourrait pas avoir deux personnages plus différents. Tous deux jouissent d'un palmarès stupéfiant."

Michael Schumacher, Mercedes AMG F1, Lewis Hamilton, McLaren

"Ces deux personnages ne pourraient être plus différents", confirme Andrew Shovlin, directeur de l'ingénierie piste chez Mercedes, qui a passé l'intégralité de sa carrière au sein de la structure de Brackley et a donc travaillé avec Schumacher (dont il était l'ingénieur de course en 2010) pendant trois ans et avec Hamilton depuis huit ans. "Si l'on regarde la manière dont ils pilotent, quand Michael est arrivé dans notre équipe, ce que l'on remarquait de lui était la manière dont il était toujours en quête de l'ultime fraction de seconde. Peu importe si c'était un centième de seconde, il tentait d'aller le chercher. Et il le faisait."

"Michael avait également la capacité de piloter avec l'équilibre le plus compétitif, quel qu'il soit. S'il fallait une voiture sous-vireuse, il faisait avec. S'il fallait mettre à l'épreuve les pneus avant, il en était capable. Il était donc très flexible dans son style de pilotage. Et ce sont certainement deux caractéristiques qu'a Lewis. Beaucoup de bons pilotes n'ont pas un style particulier, ils s'adaptent simplement à ce qui est rapide, quoi que ce soit."

Un autre point commun entre ces deux champions est manifestement leur capacité à gérer tous les facteurs se présentant à eux lorsqu'ils sont au volant – élément peut-être devenu encore plus prépondérant à l'ère des unités de puissance hybrides et des pneus à dégradation rapide.

"Avec Michael, peu importe combien de choses on lui disait de faire pendant un tour", poursuit Shovlin. "Que ce soit changer la répartition du freinage ou gérer les pneus, ce qu'il devait faire pour les placer dans la bonne fenêtre, il arrivait à faire tout ça. Encore une fois, c'est quelque chose que fait Lewis. Souvent avec beaucoup de discrétion, mais on peut continuer de lui demander des choses en plus des autres, et il ne les oublie pas. Il les fait, c'est tout. Dans la voiture, ils sont donc plus similaires qu'on pourrait le croire. C'est juste qu'en dehors, ce sont deux personnes très différentes."

La progression "exaltante" de Hamilton

Shovlin est tout particulièrement impressionné par l'évolution de Hamilton depuis son arrivée chez Mercedes, survenue début 2013 après six saisons passées chez McLaren pour 21 victoires et le titre mondial 2008.

"Si l'on repense au moment où il est arrivé en 2013, c'est un personnage très, très différent, ainsi que très différent dans la voiture par rapport à en dehors", analyse-t-il. "Bien sûr, notre écurie a beaucoup évolué, nous avons progressé, mais c'est surtout que nous avons changé notre manière de travailler avec Lewis pour exploiter son potentiel au mieux. Et il a compris comment tirer le meilleur de l'équipe. Quand il nous a rejoints, il a été rapide d'emblée, il gagnait des courses avec brio, il avait cette capacité à puiser au fond de lui-même et à faire le nécessaire le dimanche pour garder l'espoir d'une victoire."

Michael Schumacher, Mercedes GP W02, Lewis Hamilton, McLaren MP4-26

"Maintenant, il est bien plus stratégique dans la manière dont il voit l'année et sa façon de travailler, il ne cherche pas simplement les points à améliorer dans son pilotage. Cela relève de tout son mode de vie et de son approche du métier de pilote professionnel. D'une année sur l'autre, il revient avec une version légèrement meilleure du gars que l'on avait vu pour la dernière fois à Abu Dhabi. Son niveau actuel est franchement impressionnant – simplement de par sa constance et la manière implacable dont il engrange les points et contrôle les championnats."

Directeur de l'écurie Mercedes depuis janvier 2013, Toto Wolff approuve : "Je pense que ce qui m'impressionne le plus, c'est son développement personnel d'une année sur l'autre. Le Lewis Hamilton que nous voyons aujourd'hui n'a rien à voir avec le Lewis Hamilton que j'ai rencontré en 2013. C'est particulièrement impressionnant pour quelqu'un qui a ce niveau de performance et demeure capable de s'améliorer chaque année, de devenir quelqu'un de meilleur, de s'améliorer en dehors de la voiture ainsi que dans la voiture. C'est quelque chose de véritablement exaltant."

À son époque, Schumacher a élevé le professionnalisme du métier de pilote à un niveau inédit, toujours prêt à parfaire sa préparation physique, à passer du temps à Maranello au siège de la Scuderia ou à aller faire des essais, lesquels étaient alors illimités. Hamilton, en revanche, n'a pas forcément la réputation d'être travailleur, et est même parfois critiqué pour ses activités extérieures au sport automobile… à tort ?

"Il travaille très dur", insiste Andrew Shovlin. "Peut-être que beaucoup de ses rivaux aiment penser que ce pilote est simplement rapide dans la voiture mais ne travaille pas autant qu'il le faudrait. Or, il est l'un des pilotes les plus travailleurs que nous ayons jamais connus. Plus il comprend les pneus, le fonctionnement de la voiture, comment utiliser tous les outils disponibles, plus il est simplement capable d'utiliser ça et de l'incorporer dans son pilotage."

"C'est juste cette manière en quelque sorte implacable qu'il a de considérer chaque opportunité manquée comme quelque chose qui doit être résolu avant la course suivante. Il travaille avec ses ingénieurs Bono [Peter Bonnington] et Marcus [Dudley], et avec toute l'équipe, pour essayer de comprendre tout problème. Et c'est la manière dont il développe constamment ses compétences. Après une si longue carrière, on imagine que les pilotes sont à l'apogée de leurs compétences. Mais Lewis ne cesse de trouver de nouvelles choses à faire et comment tirer le meilleur de la voiture et des pneus."

Quel mérite quand on a la meilleure voiture ?

Comme Schumacher en son temps, Hamilton voit son succès minimisé par certains car il a clairement la meilleure monoplace de la grille ainsi qu'un coéquipier qui peine à se hisser à son niveau. Toto Wolff s'en insurge et ne manque pas d'adresser une pique aux pilotes qui pourraient être tentés de relativiser le mérite du sextuple Champion du monde.

"Dans ce sport, remporter des courses et des championnats est toujours un exercice d'équipe", rappelle Wolff. "Mais il faut se mettre en position de se retrouver dans la meilleure voiture. On voit qu'il y a beaucoup de talents, de pilotes doués, qui ont pris des mauvaises décisions, qui ont été mal conseillés. C'est [Hamilton] qui a rejoint Mercedes en 2013, c'est lui qui est dans la voiture et est capable de faire le nécessaire en piste avec l'outil que nous lui fournissons."

Le vainqueur Lewis Hamilton, Mercedes-AMG F1, avec le casque de Michael Schumacher qui lui a été offert par Mick Schumacher pour avoir égalé son père à 91 victoires

"Mais c'est toujours une question d'outil ; nous ne pourrions pas établir les records que nous avons et il ne pourrait probablement pas établir ces records sans la bonne voiture. Un point c'est tout. Je ne veux pas laisser certains dire : 'Il pilote une Mercedes, il gagne forcément plein de courses'. Les pilotes qui disent ça devraient se demander pourquoi ils ne sont pas dans une Mercedes."

Hamilton et Schumacher partagent également l'émotion qu'ils éprouvent au moment de battre certains records mais aussi le fait qu'ils ne sont pas pour autant obsédés par les statistiques. Le Baron Rouge le disait lui-même : "Les records sont faits pour être battus." Quant à Hamilton, il se concentre sur la saison en cours et sur le fait de remporter le titre, indépendamment du fait que ce soit le septième.

"Quand on pense trop aux [statistiques de] points, victoires ou championnats, on se laisse distraire", estime Toto Wolff. "Je pense qu'il faut être aussi bon et aussi proche de la perfection que possible dans chaque séance et essayer de marquer autant de points que possible en course. C'est pourquoi il ne faut pas tirer trop de plans sur la comète et simplement se concentrer sur la tâche devant soi."

"Pour moi personnellement, Michael sera toujours le pilote le plus emblématique. Je me rappelle avoir assisté à ces années avec Ferrari et Michael. Qui aurait cru que son record pouvait être battu ? Et pourtant, nous y sommes ; 91 victoires, c'est un motif de fierté mais ce n'est pas quelque chose qui pourrait ou devrait entraîner trop de suffisance. Ce risque n'existe pas dans notre équipe, car nous recherchons la perfection sans relâche et sommes tournés vers demain au lieu de regarder dans le rétroviseur."

Le fin de mot de l'histoire est que Lewis Hamilton comme Michael Schumacher sont des légendes de la Formule 1, sport qu'ils ont marqué de leur empreinte. Les débats sur la grandeur de chacun, eux, se perpétueront inlassablement lors des décennies à venir.

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