Analyse

Livrées "carbone" : comment retrouver des couleurs en F1 ?

La F1 traverse une période durant laquelle les optimisations réalisées par les équipes se font au détriment de l'apposition de peinture sur les carrosseries.

Pierre Gasly, Alpine A524

Alors qu'autrefois, le plateau F1 était rempli de livrées qui se démarquaient vraiment, la dernière ère de la réglementation technique faisant la part belle à l'effet de sol a vu les équipes réduire le plus possible l'apposition de peinture sur les carrosseries. Le but de laisser toute cette fibre de carbone à nu ? Economiser du poids critique sur des autos globalement déjà excessivement lourdes.

Cette tendance ne semble pas vouloir s'atténuer – comme l'a montré le début de saison 2024. L'Alpine A524 est particulièrement noire – excessivement, diront certains –, au point de susciter des discussions sur la nécessité ou non pour les dirigeants de la F1 d'intervenir et de faire quelque chose à ce sujet. Il est cependant amusant de constater que l'un des buzz de l'intersaison a concerné la verdoyante livrée Stake, alors que l'auto est pourtant l'une de celles qui affichent le plus de noir carbone !

Faut-il, par exemple, introduire une règle obligeant les équipes à peindre l'intégralité de leur voiture pour s'assurer d'avoir une grille remplie de belles machines peintes ? Cela pourrait être une bonne idée sur le papier. Mais, comme toujours en F1, le diable se cache dans les détails et il serait très, très difficile d'élaborer un règlement obligeant les équipes à peindre leurs voitures.

Esteban Ocon, Alpine A524

Esteban Ocon, Alpine A524

Difficile de régir sur le sujet

Le premier problème, évident, est simple : les F1 ne sont pas standardisées niveau aéro. Cela signifie donc qu'il ne pourrait factuellement pas y avoir de standardisation des zones à peindre de manière imposée.

L'un des principaux experts en peinture de la F1 estime qu'il est difficile d'envisager une telle mesure, car il pense qu'une réglementation dans ce domaine entraînerait des complications à n'en plus finir. Mark Turner a participé à la création de Silverstone Paint Technology en 2008. L'entreprise travaille aujourd'hui avec la majorité des écuries de F1, même si elle ne peut pas préciser avec quelles équipes elle travaille.

Interrogé par Motorsport.com sur la question de savoir si un changement de règlement est le bon moyen de résoudre le problème des livrées en F1, Mark Turner déclare : "Je ne sais pas comment on peut changer le règlement. Je ne sais pas comment on pourrait facilement réglementer cet aspect, parce qu'il est évident que la surface et le choix de la conception de la livrée, [comme] l'endroit où l'on peint et l'endroit où l'on ne peint pas, si on le réglemente au minimum, pourrait rendre difficile la standardisation de la livrée sur toutes les voitures."

La raison est simple : chaque équipe dispose de designs différents, et par conséquent, de surfaces différentes sur son auto. Cela est particulièrement vrai à l'heure où les pontons et les zones d'entrées d'air et refroidissement évoluent d'une manière significative.

Valtteri Bottas, Kick Sauber C44

Valtteri Bottas, Kick Sauber C44

Photo de: Andy Hone / Motorsport Images

Vers la fin des livrées peinture ?

Si obliger les équipes à peindre les voitures ne semble pas envisageable, cela ne veut pas dire que la F1 est désormais piégée dans un monde où les livrées dominées par le carbone sont là pour durer. Turner est ainsi convaincu qu'il s'agit d'un problème purement lié à la génération actuelle de voitures, qui devrait donc disparaître de lui-même lorsque la F1 passera à des machines plus petites à partir de 2026. Selon lui, il est important de comprendre que le problème de la peinture n'est pas seulement dû au fait que les équipes se battent pour s'approcher de la limite de poids minimale imposée.

C'est aussi parce que, les F1 étant devenues beaucoup plus grandes, les peindre nécessite beaucoup plus de peinture, ce qui commence à devenir un véritable facteur de performance.

"La masse de la peinture a toujours été à l'ordre du jour, mais elle n'a jamais été une priorité", estime ainsi Turner. "Curieusement, je pense qu'elle a probablement évolué au fil du temps parce que la taille des voitures a considérablement augmenté. La surface est nettement plus grande qu'au début des années 2000, lorsqu'il y avait les moteurs atmosphériques. La surface a donc un effet direct sur le coût global de la peinture et de la livrée. Nous ne pouvons pas parler d'une équipe en particulier, mais il y a probablement trois ans, nous avions certaines des livrées les plus lourdes avec environ trois kilos de peinture et de sponsors."

Lorsque l'on sait que 10 kg représentent grossièrement trois dixièmes de seconde au tour, la masse totale de peinture présente sur une F1 peut influencer la performance de celle-ci à hauteur de près d'un dixième au tour, soit cinq à sept secondes sur une distance de course.

Carlos Sainz, Ferrari SF-24

Carlos Sainz, Ferrari SF-24

Photo de: Zak Mauger / Motorsport Images

L'avantage commercial de rester bien identifiable

Depuis que cet aspect est devenu un vrai facteur de préoccupation pour les équipes, la technologie de la peinture a beaucoup évolué (comme celle, par exemple, des combinaisons des pilotes) et le poids d'une livrée complète a été ramené à un peu plus d'un kilo. Alors que les plans de la F1 pour 2026 prévoient des voitures plus légères qui pourraient contribuer à résoudre le problème, Turner pense que d'autres progrès et des relations plus étroites avec les équipes ramèneront les glorieuses peintures que nous avons connu dans le passé.

"Je pense qu'en fin de compte, il y aura de l'innovation", estime-t-il. "Parfois, il s'agit de collaborer avec les équipes d'ingénieurs pour comprendre où il y a un potentiel de développement. Il y a une sorte d'avantage technique si vous pouvez innover dans le domaine de la peinture et des revêtements afin de produire une finition globale plus légère dont l'équipe commerciale est satisfaite."

"C'est en quelque sorte ce que représente la F1 : innover et repousser les limites. Il est parfois agréable d'être récompensé pour son innovation plutôt que d'être standardisé. C'est donc une question de pression et d'attractivité. Mais encore une fois, si nous voulons des livrées emblématiques que les fans peuvent identifier et reconnaître lors d'une course, c'est important. Je pense qu'il y aura également des gains marginaux à obtenir en collaborant plus étroitement avec l'équipe de conception technique et l'équipe de conception commerciale. Et cela permettra en fin de compte de retrouver un peu de couleur."

Lire aussi :

Rejoignez la communauté Motorsport

Commentez cet article
Article précédent Pour Williams et Aston Martin, le Règlement Technique n'est pas un échec
Article suivant Succession de Hamilton : Wolff "coupable" d'avoir trop parlé d'Antonelli

Meilleurs commentaires

Abonnez-vous gratuitement

  • Accédez rapidement à vos articles favoris

  • Gérez les alertes sur les infos de dernière minute et vos pilotes préférés

  • Donnez votre avis en commentant l'article

Édition

France France