Le match de football qui s'est disputé sur un circuit

Alors que les voitures de F1 devaient prendre la piste pour les essais du Grand Prix d'Espagne 1980, des manœuvres politiques ont fait taire les moteurs… mais rien ne pouvait arrêter le football.

Des mécanciens Willaiams et Brabham jouent au football sur la grille. Nelson Piquet assis sur le muret des stands les regarde

Photo de: LAT Images

La saison 1980 aurait très bien pu être la dernière du Championnat du monde de Formule 1 tel que nous le connaissons aujourd'hui. Cette année-là, une guerre d'influence faisait rage entre la FISA, responsable des championnats de la FIA, et la FOCA, l'association des constructeurs de la F1. L'une était dirigée par Jean-Marie Balestre, l'autre par Bernie Ecclestone, et ces deux hommes ont maintes et maintes fois prouvé dans leur carrière qu'ils n'étaient pas du genre à céder facilement.

Pour comprendre les raisons de cette forte tension, il faut remonter le temps, jusqu'à l'accession de Balestre à la présidence de la FISA, à la fin des années 1970. À l'époque, la FOCA d'Ecclestone faisait valoir ses revendications un peu plus énergiquement tout en lorgnant sur le potentiel commercial énorme de la discipline, au point de remettre en question l'autorité de la FISA. Et afin de réduire l'influence de l'organe adverse sur les équipes, les organisateurs, les chaînes de télévision et les sponsors, Balestre s'est immédiatement efforcé de la combattre.

Plusieurs mesures ont été mises en place par le Français, dont l'obligation pour les pilotes d'assister à un briefing lors de chaque Grand Prix en 1980. En représailles, les équipes membres de la FOCA, qui étaient 12 sur les 15 engagées, ont ordonné à leurs pilotes de boycotter ces réunions.

C'est ainsi que sur le circuit espagnol de Jarama, théâtre de la septième épreuve de la saison 1980, plus d'une dizaine de pilotes devaient payer des amendes en raison de leur absentéisme et ne pouvaient pas s'attendre à une autre issue, puisque leur licence était en jeu ! Balestre avait posé un ultimatum, et ni la FISA ni la FOCA ne se préparaient à baisser les armes, puisque les négociations se sont rompues à la veille des premiers essais.

Ainsi, le vendredi à 10h, pour le coup d'envoi de la première séance d'essais, seules les équipes affiliées à la FISA étaient en piste : Renault, Ferrari et Alfa Romeo. Les équipes FOCA, elles, étaient au garage.

Craignant la fin du Grand Prix d'Espagne 1980 avant même qu'il ne commence, le Royal Automobile Club d'Espagne (RACE), propriétaire du circuit de Jarama, a décidé de contester l'autorité de l'organisateur de l'épreuve affilié à la FISA, la Fédération espagnole de l'automobile (FEA), avec la déclaration suivante : "Le RACE organise le dimanche 1er juin 1980, sous sa propre responsabilité, le 26e Grand Prix d'Espagne à Jarama, et de ce fait n'est plus restreint par le règlement de la FISA."

Le conflit prenait alors une autre tournure. Le drapeau rouge a été présenté peu après la publication de ce communiqué et les moteurs se sont tus pendant de longues heures. Il fallait bien passer le temps pendant que FISA, FOCA, RACE et FEA se déchiraient, alors les mécaniciens de Brabham et Williams ont sorti un ballon de football et se sont mis à faire quelques passes sur la ligne droite de Jarama !

Très vite, l'esprit de compétition a repris le dessus et c'est un match qui a été improvisé, avec de gros pneumatiques en guise de poteaux de but. Le score de ce match demeure un mystère, espérons néanmoins que les spectateurs présents dans les tribunes et déçus par l'absence des voitures en ont eu pour leur argent.

Des mécaniciens Williams et Brabham jouent au foot.

Des mécaniciens Williams et Brabham jouent au foot.

Pendant ce temps, la FOCA écrivait son propre communiqué, et s'alignait sur le RACE : "La FOCA a été informée qu'après une nuit de négociations, le RACE a informé la FISA que le Grand Prix d'Espagne ne serait pas couru sous l'autorité de la FISA et que la présence de la FISA et de ses officiels ne serait pas nécessaire à Jarama. La FOCA soutient pleinement la position du RACE et participera à la course. Le Grand Prix d'Espagne comptera pour le Championnat du monde de Formule 1 1980. La course n'étant pas régie par les règles de la FISA, aucune licence FISA n'est requise."

Les essais ont repris dans la foulée, assez logiquement sans la présence des équipes FISA cette fois-ci. D'autres longues négociations ont suivi, mais puisque la question des amendes restait sans réponse, la conséquence tant redoutée s'est finalement produite, avec le départ de Jean-Marie Balestre et des équipes FISA le samedi.

La course verra Alan Jones l'emporter après un accrochage entre Jacques Laffite et Carlos Reutemann et les abandons de Nelson Piquet et Didier Pironi. Ce succès lui offrait les commandes du Championnat du monde… mais après l'intervention de la FIA, qui a en toute logique soutenu la FISA, l'épreuve a été déprogrammée du calendrier. Les résultats ne comptaient donc pas pour le championnat.

Les relations entre la FISA et la FOCA ont continué à se tendre tout au long de la saison 1980, mais ont fini par aboutir à la signature des premiers accords Concorde l'année suivante, qui sont encore en place aujourd'hui.

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