Vendre Woking : bonne décision ou jeu dangereux pour McLaren ?

Vous avez 220 millions d'euros de côté ? Si oui, le McLaren Technology Centre pourrait vous appartenir. La société a en effet désigné un agent immobilier pour mettre l'infrastructure sur le marché, bien qu'elle n'ait aucune intention de quitter les lieux où elle est installée depuis 17 ans. Après 1200 licenciements et la contraction d'un emprunt de 165 M€ auprès de la banque de Bahreïn en début d'année, McLaren doit de toute urgence consolider son bilan comptable et réduire ses dettes. Lors de la publication des comptes la plus récente, le MTC était estimé à 220 M€. Si une vente est conclue, McLaren en deviendra le locataire.

"Nous allons procéder à une vente traditionnelle puis à une location", explique Zak Brown, PDG de McLaren. "Je crois que la majorité des entreprises dans ce monde ne sont en fait pas réellement propriétaires des lieux qu'elles occupent. Ce bâtiment bloque beaucoup de liquidités, et ce n'est pas une manière très productive d'utiliser nos fonds alors que nous cherchons à investir dans nos affaires. Donc nous le vendrons à quelqu'un puis nous mettrons en place une location très longue durée. Nous utiliserons cet argent pour nous aider à faire croître nos affaires. C'est un exercice de restructuration financière assez classique."

Brown a raison de dire que les accords de cession-bail sont de plus en plus courants, et cela s'est développé dans le monde entier en raison de la pandémie de coronavirus qui a mis les entreprises en difficulté avec les financements traditionnels. La cession-bail permet à une entreprise de transformer un capital bloqué en liquidités qui peuvent être utilisées immédiatement, et de supprimer du bilan comptable les emprunts contractés pour des biens immobiliers. Mais ce procédé n'est pas sans embûches.

Le point majeur est que l'entreprise n'est plus propriétaire et ne bénéficiera plus d'une éventuelle augmentation de la valeur de son bien. La valeur du bien ne fera plus partie non plus de la valeur globale de la société. Et même si les loyers sont déductibles d'impôt, le fait est que l'entreprise continue à en payer un. Ces accords sont souvent décrits comme étant "quasiment des dettes". Lorsque la chaîne de magasins Woolworths s'est effondrée en 2008, certains ont pointé du doigt la décision qui avait été prise en 2001 de passer 182 magasins en cession-bail. Cela avait permis de lever 676 millions d'euros, mais avait fait peser des charges permanentes à la société. Le Financial Times affirme qu'en sept ans, le loyer annuel était passé de 77 à 176 millions d'euros.

En outre, lorsqu'une entreprise est en difficulté financière, il est peu probable qu'elle atteigne la valeur de ses actifs en les vendant. McLaren a dépensé une somme estimée à 330 millions d'euros pour construire le MTC, et 55 millions de plus pour l'usine automobile voisine. Et ce sera une chance de réussir à faire une vente à hauteur de 220 millions d'euros, soit à la valeur actuelle du marché. Brown assure que la trajectoire de croissance de l'entreprise débloquera des revenus qui équilibreront les coûts des loyers. Il précise également que le besoin de liquidités n'est pas la raison première de cette vente.

"Du point de vue trésorerie, nous sommes en bonne santé financière", insiste-t-il. "Évidemment, lorsque le COVID a frappé et mis en pause la Formule 1, le marché automobile et dans une certaine mesure nos activités technologiques, cela a consommé une quantité d'argent immédiate. Nous avons désormais réglé cela [via le prêt de la banque de Bahreïn]. Et nous avons maintenant beaucoup de pistes pour prendre des décisions commerciales judicieuses. Je pense que la cession-bail est une très bonne décision. Avec ces ressources et en les investissant, la croissance que nous allons pouvoir générer devrait nous permettre de multiplier cette somme que nous allons obtenir, car elle portera notre business à un niveau supérieur. Je pense donc que c'est la bonne décision."

Pour McLaren, la prochaine étape ne consiste pas seulement à réaliser une bonne évaluation de ses biens, mais aussi à s'assurer que la location lui soit favorable. Les infrastructures spécialisées – comprendre les usines plutôt que les bureaux – sont considérées comme des investissements à risque car il est plus difficile pour le propriétaire de trouver un nouveau locataire si l'actuel s'en va. Et les installations de McLaren sont la définition parfaite des infrastructures spécialisées. Le site en lui-même est un atout précieux, mais avec peu de marge de développement. Lorsque McLaren a acquis le terrain – une ferme abandonnée couplée à un petit chemin de fer –, il a fallu entreprendre de nombreux travaux, dont un important aménagement paysager et d'accessibilité. Une fois cela achevé, un pacte restrictif a été imposé, limitant toute expansion future.

Quand l'ancien patron Ron Dennis a décidé d'agrandir la branche automobile de la société et de construire une autre usine sur le site, la population locale s'y est opposée et McLaren a dû s'adapter. Le bâtiment est en partie souterrain et à l'abri des regards. McLaren a également fait l'acquisition d'une champignonnière à proximité et l'a cédée à la société de sauvegarde Horsell Common Protection Society. Par la suite, les demandes d'agrandissement du MTC et de construction d'un nouveau site dédié à McLaren Applied Technologies de l'autre côté de la route ont toutes été bloquées. McLaren est même allé jusqu'à proposer que les deux lieux soient reliés par un système de transport souterrain, surnommé le "Ronorail".

Est-ce que les investisseurs mordront ? Si oui, cela signifiera le début d'une nouvelle ère pour l'équipe et éloignera un peu plus son présent de son passé. Car quel est cet endroit, sinon la maison construite par Ron ?