Opinion

Le timing cauchemardesque qui pourrait entraver Mercedes

Même s'ils n'avaient pas la voiture la plus rapide, Mercedes et Lewis Hamilton ont remporté le Grand Prix de Bahreïn de Formule 1. Toutefois, un développement poussé de la W12 afin de surpasser la Red Bull RB16B ne pouvait pas tomber au plus mauvais moment.

Max Verstappen, Red Bull Racing RB16B, Lewis Hamilton, Mercedes W12

Photo de: Mark Sutton / Motorsport Images

La partie ne fait que débuter. C'est ce qui ressort très nettement du Grand Prix de Bahreïn et de la lutte alléchante mêlant Red Bull et Mercedes. Si Lewis Hamilton a triomphé en lever de rideau de la saison, il est assez clair que Mercedes ne dispose pas de la monoplace la plus rapide. À aucun moment du week-end les Flèches d'Argent ont été les plus véloces, en témoigne la prestation XXL de Max Verstappen le samedi : pole position autoritaire avec quatre dixièmes de seconde d'avance sur Hamilton et six dixièmes sur Valtteri Bottas.

Plus nuancée, la bataille du dimanche a été particulièrement influencée par une stratégie agressive de la part de Mercedes, aidée par un surplus de pneus durs et par la présence des deux monoplaces dans le trio de tête. Ainsi, Red Bull a été gêné dans sa capacité à répondre. Au final, la course s'est résumée au dépassement de Verstappen au virage 4. Le Néerlandais est sorti large après avoir effacé Hamilton et a été dans l'obligation de rendre la position.

À court de capital pneu et de tours disponibles, le pilote Red Bull a dû s'incliner. Dimanche soir, Mercedes a célébré son succès. Mais dès le lendemain matin, la réalité a fait déchanter l'écurie septuple Championne du monde en titre : la Red Bull RB16B est la meilleure monoplace de la saison.

 

Par le passé, Mercedes a toujours eu un as dans sa manche lui donnant l'avantage sur les autres équipes, qu'il s'agisse de puissance moteur, d'appui aérodynamique, de vitesse de passage en courbe ou encore d'innovations comme le DAS. Or, pour l'instant, la W12 n'est la référence dans aucun de ces domaines.

"Pendant beaucoup d'années, nous avons pu compter sur notre vitesse en ligne droite, dans les virages rapides ou les virages intermédiaires", indique Andrew Shovlin, ingénieur course en chef de Mercedes, à propos de la lutte avec Red Bull. "Mais [à Bahreïn], nous n'avons pas gagné de temps sur [Red Bull]. Il y avait quelques endroits où [Red Bull] nous a vraiment fait mal en qualifications : les parties à grande vitesse et également le virage 9/10."

"Et c'est vraiment le plus gros problème", poursuit-il. "En qualifications, nous atteignons leur rythme dans les virages qui nous conviennent le mieux et ils sont plus rapides que nous dans tous les autres virages. Donc, nous avons besoin d'une voiture plus rapide. C'est aussi simple que ça."

Certes petite, Mercedes a déjà une expérience sur le fait d'être à la traîne en Formule 1. Durant ses années de domination de l'ère du moteur turbo hybride, la marque à l'étoile a aussi connu des périodes où elle ne détenait pas la voiture la plus rapide. Red Bull a parfois été en tête, Ferrari l'a été plus longtemps, bien aidée par les performances de son groupe propulseur. Systématiquement, dès que Mercedes a perdu son statut de numéro un, l'écurie a été en mesure de répondre, soit avec une voiture évoluée, soit avec un moteur amélioré. Or, cette fois-ci, la situation est différente. Le timing est source de cauchemars du côté de Brackley.

Dans l'immédiat, le problème majeur concerne les restrictions imposées suite à la crise du COVID, plafonnant les dépenses des équipes et limitant les développements coûteux. De ce fait, il n'y a aucune possibilité d'introduire une unité de puissance améliorée cette saison car elle a déjà été homologuée. Une fois que Mercedes aura résolu les problèmes d'adhérence dont elle a souffert à Bahreïn, rien de plus ne pourra être fait.

Du côté des monoplaces, les améliorations sont également limitées. Alors que dans le passé, les équipes pouvaient aller jusqu'au bout de leur démarche et introduire une "version B" de leur châssis si elles le souhaitaient, les règles introduites en 2021 limitent les modifications aux surfaces aérodynamiques puisque les autres pièces ont été toutes homologuées avant le début de la saison.

 

Otmar Szafnauer, directeur d'Aston Martin, déplore les difficultés rencontrées par son équipe en raison de l'impact causé par les modifications des fonds plats sur les monoplaces à angle faible : "En 24 ans de carrière, et pour la première fois dont je me souvienne, nous avons dû homologuer la suspension en raison de la réglementation COVID", explique-t-il. "On ne pouvait la modifier qu'en utilisant nos jetons de développement. Donc, même si nous voulions une hauteur de 150 mm à l'arrière, nous ne pourrions pas le faire."

La situation à laquelle Mercedes est confrontée est d'essayer de trouver les solutions les plus faciles pour gagner en rythme. Comment obtenir les meilleures performances le plus rapidement possible sans avoir à changer grand-chose ? Pour Shovlin, cela signifie que l'accent n'est plus mis sur le travail à l'usine pour trouver les pièces permettant d'augmenter le niveau d'appui mais simplement sur la garantie que, lorsque la W12 entre en piste, elle puisse fonctionner au maximum de son potentiel.

"D'habitude, on se tourne vers la soufflerie pour essayer de gagner un peu d'appui aérodynamique au cours de l'année", révèle-t-il. "On se penche également sur le moteur pour tenter de trouver un peu de puissance. Ces deux points sont très limités par la réglementation actuelle, nous avons très peu de temps à disposition en soufflerie et sur le banc d'essai. Cette année, nous ne pouvons pas développer le moteur pour booster la performance."

"Nous devons donc nous pencher sur des aspects plus subtils, comme les sensations au volant et le fait d'arriver sur le circuit avec une voiture bien préparée, bien équilibrée, en faisant bien nos devoirs et en connaissant la durée de vie des pneumatiques. Ce championnat va se jouer sur des petites marges, bien plus que d'habitude. Je ne nous vois vraiment pas progresser au point de prendre une nette avance. Et j'espère que Red Bull ne progressera pas à un point où ils seront clairement en tête."

 

Il y a également une autre complication pour Mercedes via la future entrée en vigueur du nouveau Règlement Technique. Les opportunités pour 2022 doivent être saisies dès aujourd'hui et les écuries savent que plus vite elles se concentreront sur le développement des monoplaces de l'année prochaine, mieux elles seront récompensées plus tard.

En bouclant la première course de la saison avec une avance aussi nette que l'an dernier, Mercedes se serait assurée de mettre un terme au développement 2021 pour tout miser sur sa future monoplace de Formule 1. Aujourd'hui, il est hors de question de stopper le développement de la W12 mais le fait de moins se concentrer sur une voiture ne garantit pas obligatoirement que l'autre sera meilleure.

"Il est très difficile de tomber juste en voulant sacrifier 2021 dans l'espoir d'avoir une voiture plus compétitive l'année suivante, ce n'est pas comme ça que ça marche", précise Toto Wolff, directeur de Mercedes. "Je pense que tout le monde va équilibrer ses ressources entre la voiture de 2021 et celle de 2022, y compris les unités de puissance. Nous allons faire de même. En ce moment, nous devons mettre l'accent sur le projet de cette année car nous avons du retard."

"Imaginez que nous ayons commencé à développer la voiture de 2021 plus tard, cela aurait été encore pire !", rétorque l'Autrichien, en référence à l'arrêt du développement de la Mercedes W11 de 2020 dès le mois de juillet. "La question d'un arrêt précoce afin d'être plus performants l'année prochaine est délicate. Il faut tout optimiser et, surtout avec le nouveau Règlement Technique, il est difficile de trouver un équilibre. Nous ne voulons pas perdre cette année mais nous ne voulons pas perdre l'année prochaine non plus. Commencer le développement 2022 plus tard signifie que nous pourrions potentiellement figurer derrière les leaders pendant un certain temps, pas seulement une saison."

En revanche, pour nuancer la situation, rappelons que malgré les maux de tête que vit Mercedes à l'heure actuelle, la saison 2021 est loin d'être une cause perdue pour l'écurie allemande. Une telle situation en lever de rideau n'est pas synonyme de titre. Les usines de Brackley et Milton Keynes sont en mesure de décrocher la couronne mondiale, il sera simplement bien plus difficile d'obtenir des gains significatifs cette année.

Comme nous l'avons dit précédemment, la partie ne fait que débuter.

 

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