Interview

Michèle Mouton - Je ne vois pas une femme au top en F1

Qui de mieux que Michèle Mouton pour parler des femmes en sport automobile ?

Susie Wolff stoppée sur le circuit en EL1

Photo de: XPB Images

Michèle Mouton en Audi Quattro S1
Michèle Mouton
Simona de Silvestro teste pour Sauber
Susie Wolff, Williams
Carmen Jorda, Lotus F1 Team
Beitske Visser
Danica Patrick, Stewart-Haas Racing Chevrolet
Tatiana Calderon, Arden International
Susie Wolff, Williams
Carmen Jorda, Lotus F1 Team
Beitske Visser, Teo Martin Motorsport
Simona de Silvestro teste pour Sauber
Susie Wolff, Williams FW35
Michèle Mouton fait des tonneaux en Audi Quattro S1
Tatiana Calderon, Arden International
Carmen Jorda
Beitske Visser, Teo Martin Motorsport
Danica Patrick, Stewart-Haas Racing Chevrolet
Susie Wolff, pilote de développement Williams FW37
Tatiana Calderon, Arden International

Âgée de 65 ans, Mouton a connu une belle carrière dans notre sport, avec quatre victoires et un titre de vice-championne en WRC, une victoire aux 24 Heures du Mans 1975 dans la catégorie S 2.0 ainsi que deux succès à Pikes Peak en 1984 et 1985.

La Française est désormais présidente de la Commission des femmes en sport automobile de la FIA, et s'est confiée à nous dans un entretien exclusif.

Motorsport.com - Que pensez-vous des jeunes filles qui courent actuellement en formules de promotion ?

Michèle Mouton - Elles progressent beaucoup, mais tout comme les garçons, elles ont besoin de budget et d'un matériel égal pour réussir, et ce n'est pas facile. Ce n'est pas en monoplace qu'il y a le plus de femmes, mais je suis convaincue que Marta García, qui vient de débuter en Formule 4, peut aller bien plus loin. Elle a eu beaucoup de succès en karting, elle reste très jeune, et je la trouve prometteuse.

Jusqu'où García peut-elle aller ?

C'est difficile à dire, mais elle a très bien commencé. Nous avons organisé trois événements de CIK [en karting, ndlr] l'an dernier, et elle s'est classée deuxième du troisième, ce qui n'est pas mal. C'est un bon début, et nous allons voir comment elle se débrouille en Formule 4.

Qu'en est-il des concurrentes plus expérimentées ?

C'est difficile pour elles. On n'a pas de si bons résultats en ce moment, mais c'est difficile aussi pour les garçons. Si l'on regarde le nombre de garçons qui commencent [en karting], très peu atteignent le sommet. Et pour les femmes, c'est encore plus dur, car la base est très petite. Mais il y a davantage de femmes et de filles qui veulent s'impliquer, et je pense que c'est le meilleur moyen : plus de volume.

Êtes-vous satisfaite du nombre de filles qui ont couru en formules de promotion ces dernières années ?

Elles sont plus nombreuses, mais ce sont surtout des filles qui manquent de budget. On a Lucile Cypriano, par exemple, qui a gagné en SEAT León Eurocup l'an dernier contre 34 garçons. Cette année, elle n'a pas réussi à trouver le budget pour la saison. Elle a le potentiel, mais que peut-on y faire ?

La FIA devrait-elle financer les jeunes filles prometteuses ?

Non. Nous sommes là pour les promouvoir et les soutenir, mais nous ne pouvons pas les sponsoriser. Nous pouvons les aider à trouver du budget, mais d'un angle différent : en parlant aux constructeurs, avec une couverture médiatique. Mais nous ne pouvons pas soutenir toutes les filles financièrement.

Susie Wolff se demande s'il y aura bientôt une femme en F1. Qu'en pensez-vous ?

Il faut être ambitieux et espérer que ce sera le cas. Mais personnellement, je pense que c'est difficile de donner une date. Il faut commencer à la base, et ce sur quoi Susie travaille avec Dare To Be Different est vraiment fantastique, cela ouvre l'esprit des petites filles. Mais il faut qu'elles aient les mêmes possibilités que les hommes, et cela dépend du budget autant que de trouver la bonne personne. Ce n'est pas facile.

On vu des femmes en F1 il y a longtemps, mais personnellement, je n'ai jamais été complètement sûre que l'on verrait une femme au top en F1. Je pense que l'on verra des femmes en milieu de peloton, mais pas tout devant.

Nous sommes différentes des hommes, et il y a une différence quand on sent la vitesse. Donc je ne suis pas encore convaincue. Et ça n'a rien à voir avec la prise de risques ; pour moi, c'est juste une sensibilité différente. Physiologiquement, nous sommes différentes, et cette différence se fait sentir quand on parle de vitesses extrêmes.

Si l'on a quatre garçons et une fille qui testent une F1 sur un certain circuit, et qu'on leur dit tous qu'un certain virage se prend à fond, je suis sûre que les quatre garçons le prendront à fond d'emblée. La fille essaiera de voir s'il peut être pris à fond. Cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas capable de le faire, cela signifie juste qu'il y a une petite différence quand on atteint des vitesses extrêmes.

Pensez-vous que cela s'applique également au rallye ?

La vitesse de pointe qu'on atteint en rallye est d'environ 200 km/h, ce n'est pas ce que j'appellerais une vraie vitesse de pointe. Quand on parle de 320, 330 km/h, c'est un peu différent.

Je dis ça car j'ai connu Le Mans, et à mon époque, la ligne droite des Hunaudières faisait presque sept kilomètres. Je n'ai jamais eu aussi peur qu'en ligne droite, parce qu'on le sent quand on va à ces vitesses-là ; on sait qu'on ne peut rien faire si quelque chose se produit.

Cette année-là, il pleuvait, et j'ai adoré ça dans les virages. Mais en ligne droite, ne rien faire à part attendre, je n'aimais pas ça. Il n'est pas question de type de voiture, juste de vitesse de pointe.

Si un directeur d'équipe F1 vous disait qu'il voulait absolument faire courir une femme, que lui diriez-vous ?

Je dirais : donnez-moi du temps ! Car il faudrait que je trouve la bonne personne, et on ne peut pas simplement mettre une fille en F1 pour mettre une fille en F1. Il faut qu'elle parte d'en bas et fasse ses preuves en monoplace, comme les garçons. Il faut qu'elles montrent leur talent.

Un championnat uniquement féminin, comme suggéré par Bernie Ecclestone, serait-il utile ?

Selon moi, non. Quand on a la possibilité d'être au même niveau, je ne vois pas l'intérêt. De toute façon, quand on est au volant, qui peut dire si on est un homme ou une femme, à part si on porte un casque rose ? Je ne vois pas l'intérêt d'isoler les filles. En fin de compte, on court sur le même circuit, et même s'il y a un championnat de femmes, les gens continueront à comparer les temps au tour avec ceux des hommes.

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