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Une vie de F1 en 12 photos, par Mika Häkkinen

Au tournant du siècle, la Formule 1 a offert un duel de titans entre Mika Häkkinen et Michael Schumacher. Le Finlandais a remporté deux titres mondiaux face à l'Allemand. Devant des photos qui retracent sa carrière, il partage avec Maurice Hamilton quelques souvenirs chers à son cœur en évoquant son ascension, Ayrton Senna, Alain Prost, ou encore ce fameux dépassement à Spa-Francorchamps…

Mika Hakkinen

Photo de: Drew Gibson

Le premier test de Mika en Formule 1, avec Benetton

C'était une journée super intéressante. Remporter une course de F3 en Angleterre m'avait donné l'opportunité de tester la Benetton en 1990 sur le tracé sud de Silverstone. Dans ma tête, je suis le meilleur pilote du monde, j'ai le plein de confiance. Tout le monde dit : "Fais attention, c'est une Formule 1". Je me dis : "Pas question de faire attention !".

Il y a une longue ligne droite avec un virage à droite super rapide au bout. Derrière ce virage, il y a le paddock qu'ils utilisent pour le tracé sud. Il y a juste une barrière entre les mécaniciens et toi. J'ai fait mon tour d'installation et puis j'ai pris la ligne droite absolument à fond, à pleine puissance, car la voiture se comportait très bien. J'ai vu les mécaniciens qui commençaient à s'enfuir ! Ils pensaient que ce fou allait se crasher dans le paddock !

Tour après tour, mes chronos s'amélioraient. J'ai fait un tête-à-queue. Ce n'était pas de ma faute. Je suis rentré au stand et j'ai dit qu'il y avait un problème sur la voiture. Ils ont répondu "Oui, on sait". Ils étaient très contents que j'aie remarqué que quelque chose n'allait pas. C'était tout simplement une superbe journée, très importante pour moi. Peter Collins était le team manager et, quand il a repris Lotus en 1991, j'y ai fait mes débuts en F1.

La Formule 1 avec Lotus

Häkkinen a fait ses débuts en F1 avec la Lotus 102B en 1991 à Phoenix.

Häkkinen a fait ses débuts en F1 avec la Lotus 102B en 1991 à Phoenix.

Mon premier Grand Prix [à Phoenix en mars 1991]. À la mi-course, le volant de ma Lotus s'est soudainement détaché. Boîte de vitesses manuelle, naturellement, et un circuit assez bosselé, donc j'ai glissé et j'ai touché un peu la barrière. J'ai réussi à rentrer au stand pour avoir un autre volant. Le seul volant de rechange qu'ils avaient était pour mon coéquipier, Julian Bailey, et les boutons étaient disposés différemment. J'ai de grandes mains, et à chaque fois que je prenais un virage à gauche, j'appuyais sur le bouton de la bouteille d'eau : j'ai failli me noyer à chaque tour !

Comme c'était mon premier Grand Prix, j'avais l'impression que ça ne se terminerait jamais. La Lotus était très lourde, environ 40 kg au-dessus du poids minimum, et le Grand Prix a paru durer une éternité. J'étais vraiment crevé. J'ai regardé dans le rétroviseur et je me suis dit : "Cette course est si longue que le soleil se couche déjà, incroyable". Mais en fait la voiture était en feu ! Un premier Grand Prix où il s'en est passé des choses.

D'essayeur à titulaire chez McLaren

Häkkinen a fait sensation pour ses débuts chez McLaren à Estoril en 1991, au milieu de Prost et Senna.

Häkkinen a fait sensation pour ses débuts chez McLaren à Estoril en 1991, au milieu de Prost et Senna.

Je m'en souviens très bien [Portugal, septembre 1993]. Ce gars-là [il pointe la Williams d'Alain Prost] n'était pas très content ! Il se battait pour le titre et il était largement plus rapide. Mais je n'allais pas le laisser prendre la tête, donc je lui ai vraiment donné du fil à retordre au départ.

On en a discuté après et tout allait bien. Mais on ne peut pas en dire autant avec Ayrton [Senna] ! C'était mon premier Grand Prix avec McLaren [où il remplaçait Michael Andretti] et j'avais devancé Ayrton en qualifications ! C'était énorme car Ayrton était très rapide, surtout en qualifications. Tout s'est passé en un seul virage, où j'étais peut-être un dixième de seconde plus rapide, donc presque rien.

Après, il est venu me demander : "Mika, comment as-tu fait ?". Je me suis levé et je lui ai dit que c'était parce que j'en avais une sacrée paire. Ayrton était vraiment fâché. Il ne m'a pas parlé pendant deux semaines ! Je l'ai compris. Ayrton avait le dernier moteur [Ford], avec les soupapes pneumatiques, ou quelque chose comme ça, donc il pouvait utiliser un régime beaucoup plus élevé et je ne pouvais pas m'approcher de lui en course. Mais son moteur a ensuite explosé. C'était amusant.

La première fois sur le podium

Pour son deuxième GP chez McLaren, Häkkinen a terminé 3e au Japon.

Pour son deuxième GP chez McLaren, Häkkinen a terminé 3e au Japon.

C'était au Japon en 1993. J'étais vraiment en confiance avec la McLaren : on avait l'assistance au freinage, la suspension active, la direction assistée. Tout aurait dû être parfait. Et pourtant, je n'étais pas satisfait de ce week-end. J'ai eu une défaillance des freins en essais libres, donc on n'a pas pu amener la voiture à un niveau optimal. C'est pour ça qu'Ayrton m'a bien calmé en qualifications. Il y a toujours quelque chose, une excuse – les pilotes de course sont très bons pour ça !

Lors du Grand Prix précédent, j'ai eu un accident. C'était donc très important pour moi de faire le boulot et de ne rien faire d'insensé. J'ai pu finir troisième pour non seulement monter sur le podium pour la première fois, mais aussi être avec deux Champions du monde [Senna et Prost]. C'était un grand moment pour moi, un énorme boost pour la confiance.

J'ai senti qu'il y avait beaucoup de respect. On était bien ensemble, tous les trois. Ayrton me tient la main. Ouais, c'était chouette.

L'accident qui a menacé sa vie

L'équipe McLaren a manifesté son soutien à son pilote meurtri après l'accident de 1995 à Adélaïde.

L'équipe McLaren a manifesté son soutien à son pilote meurtri après l'accident de 1995 à Adélaïde.

[Pendant les qualifications du Grand Prix d'Australie 1995 à Adélaïde, Mika a été victime d'une crevaison à l'arrière gauche alors qu'il abordait un virage à droite à 175 km/h. La McLaren a été projetée par un vibreur avant de heurter latéralement une rangée de pneus placée devant un mur en béton. L'impact a été si violent que le harnais de sécurité s'est détendu, la tête de Häkkinen a heurté le volant et il s'est fracturé le crâne. Sans une trachéotomie d'urgence pratiquée sur place, il n'aurait pas survécu.]

C'est bien que vous ayez choisi cette photo plutôt que l'accident. C'est important pour moi, car toute l'équipe a vraiment pris soin de moi. Ils ont fait tout ce dont j'avais besoin. Josef [Leberer, l'entraîneur de Mika] était avec moi à l'hôpital. Mon manager [Didier Coton] était là aussi. Ma petite amie est arrivée par avion. Je suis resté environ cinq semaines à l'hôpital.

J'avais tellement mal, ce n'était vraiment pas top. Ron [Dennis] et Mansour [Ojjeh] ont organisé le vol pour que je rentre en Angleterre. C'était un énorme accident, quelque chose de choquant, mais l'équipe n'y pouvait rien. Tous ces gens – et certains ne sont malheureusement plus là – ont été tout simplement incroyables. Je n'oublierai jamais ce qu'ils ont fait.

La tant attendue première victoire en F1

En 1997 à Jerez, Häkkinen a profité du duel Villeneuve-Schumacher pour décrocher sa première victoire.

En 1997 à Jerez, Häkkinen a profité du duel Villeneuve-Schumacher pour décrocher sa première victoire.

Ah, ma première victoire en F1 [GP d'Europe à Jerez, 1997]. Je suis au téléphone, mais à qui je parle ? Mes parents étaient là. Donc qui était-ce ? C'est une bonne question.

En tout cas, j'ai eu beaucoup de chance d'avoir reçu un peu d'aide de la part de David [Coulthard]. Il s'est passé quelque chose pendant la course, un arrêt au stand qui a mal tourné pour moi [Coulthard était ressorti devant après la première salve d'arrêts]. L'équipe a dit : "David, tu dois laisser Mika passer". Il l'a fait. Et j'ai gagné.

Il y a eu beaucoup de discussions à l'époque. Mais j'ai gagné, et c'était important pour moi. Je n'ai pas tout de suite eu l'impression d'avoir gagné, car on n'était pas les plus rapides et on a eu besoin d'un peu d'aide. Mais je ne me suis pas dit qu'il ne fallait pas la fêter ou que l'on n'avait pas gagné. Non, non ! La seule chose qui m'embête là, tout de suite, c'est de savoir : à qui je parle au téléphone ?!

Le premier titre mondial décroché au Japon

C'est au GP du Japon 1998 que Mika Häkkinen a décroché son premier titre mondial.

C'est au GP du Japon 1998 que Mika Häkkinen a décroché son premier titre mondial.

C'est Suzuka 1998. Mon premier titre mondial. C'est tellement cool. C'était un magnifique week-end, même si la pression était énorme et que Michael [Schumacher] était en pole, ce qui était vraiment, vraiment ennuyeux. J'avais besoin de gagner cette course et, encore une fois, l'équipe a été absolument fantastique. Ils m'ont vraiment laissé tranquille, sans trop de choses marketing ou de ce genre. Ron était excellent quand il s'agissait de ce genre de détails.

Et les gars de l'équipe, mes ingénieurs et tous les autres, m'ont dit que l'on avait un nouvel aileron avant qui apporterait plus d'appui à basse vitesse. Je pense qu'ils m'ont peut-être menti, ils voulaient simplement me donner confiance quant au fait d'avoir une meilleure voiture, ce qui était de toute manière vrai. Mais ça montre à quel point l'équipe a été incroyable avec moi psychologiquement.

Le sentiment, c'était qu'il était hors de question que Ferrari puisse nous battre. Absolument hors de question. On était si forts ensemble. Personne n'a merdé, on était totalement concentrés. Et on l'a fait. On l'a fait !

Les larmes après la sortie de piste à Monza

En tête du GP d'Italie 1999, Häkkinen part à la faute et abandonne la victoire à Frentzen.

En tête du GP d'Italie 1999, Häkkinen part à la faute et abandonne la victoire à Frentzen.

OK, je m'y attendais à celle-ci ! Je menais le Grand Prix d'Italie [1999] et je suis parti en tête-à-queue, c'était terriblement embarrassant. Il y avait des soucis : j'étais sous antibiotiques avant ce week-end-là, j'étais assez malade, donc mon niveau de performance n'était pas optimal. Cela dit, tu es professionnel et tu fais ton boulot.

On se battait à nouveau contre Ferrari au championnat et on a décidé d'adopter une tactique différente. J'ai eu l'opportunité d'être super rapide à chaque tour car je devais m'échapper suffisamment pour m'arrêter au stand et rester devant. J'attaquais comme une bête à chaque tour. Tout se passait comme prévu.

Pendant les qualifications, on tombait jusqu'au premier rapport dans la [première] chicane. En course, on utilisait le deuxième rapport car on avait besoin de la première au départ. À fond dans la ligne droite, j'ai descendu les rapports pour la chicane et, oh merde, je suis descendu jusqu'en première ! J'ai bloqué les roues arrière et je suis parti dans les graviers.

J'étais vraiment énervé car je n'étais pas à 100% et j'avais fait une erreur. Il y avait une troisième chose. On avait eu un petit problème avec l'impulsion automatique sur l'accélérateur quand on descend un rapport. Ça a empiré les choses quand je suis tombé au premier rapport.

On n'a pas parlé de ça après la course. Si j'avais dit à tout le monde "Oh, on a fait une erreur dans les réglages de l'accélérateur", ça n'aurait rien changé. Je me suis mis dans le gravier et on a perdu la course. Il fallait passer à autre chose. Mais c'était vraiment fâcheux.

Le deuxième titre durement acquis

En 1999, c'est face à Irvine que le Finlandais s'assure un deuxième sacre, encore à Suzuka.

En 1999, c'est face à Irvine que le Finlandais s'assure un deuxième sacre, encore à Suzuka.

Là, c'est Suzuka en 1999, quand j'ai gagné la course et le titre mondial pour la deuxième fois. C'était bien, naturellement. Mais ma première pensée quand je vois cette photo c'est : gagner le championnat signifie qu'il va y avoir un travail de marketing incroyable [pour l'équipe]. En 1998, on avait fait une énorme tournée auprès des différents partenaires de McLaren. C'était trois ou quatre semaines non-stop. C'était fou et très épuisant.

Et la même chose allait recommencer en 1999. C'est comme quand tu es dans un sauna. Tu es là, il fait chaud, tu rajoutes de l'eau et ça fait de la vapeur. Quand tu gagnes le titre, il fait chaud ! Tu dois ajouter de l'eau et faire tout le boulot marketing pour en tirer le meilleur parti. Si tu perds, ça ne sert à rien, qui s'en soucie ? Ron Dennis était très dur sur ce point. Au moment où cette photo a été prise, je savais que j'allais avoir beaucoup de travail !

Mano a mano avec Michael Schumacher

Häkkinen, malgré son dépassement d'anthologie à Spa en 2000, avait trouvé dangereuse l'attitude de Schumacher.

Häkkinen, malgré son dépassement d'anthologie à Spa en 2000, avait trouvé dangereuse l'attitude de Schumacher.

En 1990, j'avais eu un accident avec Michael Schumacher en Formule 3 au Grand Prix de Macao. Je le suivais dans la ligne droite et j'étais sur le point de le doubler à 230 ou 240 km/h. Je voyais ses yeux dans le rétroviseur, il a tourné comme ça [il indique la droite] et je l'ai percuté. Qu'est-ce que je pouvais faire ? Rien. Il a gagné. C'est la course. Mais je me disais que ce n'était pas terrible de sa part.

Ici, c'est donc Spa 2000, et Michael a fait la même chose. Je le rattrapais et j'allais beaucoup plus vite. Il est allé à gauche, puis à droite. Allez mec ! La discussion ici, je lui dis : "Michael, tu ne peux tout simplement pas faire ça. On va à 320 ou 330 km/h. On pourrait se tuer. Si je te touche, je m'envole".

Michael m'a regardé et m'a dit : "Mika, c'est la course". C'était il y a longtemps et je ne vois pas ça d'un mauvais œil aujourd'hui. C'était le caractère de Michael, sa manière de faire du sport automobile. On est tous différents. C'est ce qui rend la compétition passionnante.

Jo Ramírez, un personnage central

Häkkinen célèbre sa victoire au GP des États-Unis 2001, sa dernière en F1.

Häkkinen célèbre sa victoire au GP des États-Unis 2001, sa dernière en F1.

Oh, c'est vraiment chouette. C'était ma dernière victoire et je suis avec Jo Ramírez, quelqu'un de super important dans ma carrière. Lorsque j'ai rejoint McLaren en 1993, j'étais perdu. J'étais dans une grande équipe et mon anglais n'était pas assez bon pour communiquer correctement. J'étais très timide et Jo [alors coordinateur chez McLaren] s'est vraiment occupé de moi. Il allait dîner avec moi, me présentait à des gens, alors qu'il n'avait pas à le faire.

L'avoir ici, sur cette photo, est très important pour moi. Mais je dois aussi dire que cette course [le GP des États-Unis 2001 à Indianapolis] était émouvante pour une autre raison, car c'était juste [deux semaines] après le 11 septembre. La F1 s'était demandé s'il fallait y aller ou pas. C'était une très bonne décision d'y aller. Les gens sur place ont vraiment apprécié.

L'année sabbatique devenue retraite

Häkkinen a quitté la F1 à l'issue de la saison 2001 mais a ensuite rejoint le DTM.

Häkkinen a quitté la F1 à l'issue de la saison 2001 mais a ensuite rejoint le DTM.

C'est mon dernier Grand Prix [Japon 2001]. Vous voulez savoir à quoi je pense quand je vois ça ? Je me dis que l'humour anglais est vraiment bizarre ! Me donner un ballon de plage dans un paddock F1 ? Bizarre ! Quand tu quittes la F1, ça ne veut pas dire que tu vas aller à la plage boire de la bière du matin au soir.

La F1 a été une partie de ma carrière. Mais après la F1 il y a la vie, les affaires et différentes expériences. On a parlé de la possibilité que je revienne un an plus tard ou quelque chose comme ça, et j'ai beaucoup apprécié que l'équipe soit prête à me donner cette opportunité. Mais au bout de quatre mois je me suis dit : "Pas question !".

Le niveau de travail qu'il faut fournir en F1 est juste… Disons que j'étais passé par-là et je savais exactement ce que ça impliquait. Ça a été un chapitre fantastique de ma vie. Et il était terminé.

Mika Häkkinen commente les 12 photos choisies pour retracer sa carrière.

Mika Häkkinen commente les 12 photos choisies pour retracer sa carrière.

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