Ocon attend Alonso : comment le Français se prépare

Pour devenir un pilote couronné de succès en Formule 1, il n'y a pas d'autre possibilité que travailler avec acharnement et ne rien laisser au hasard afin de dénicher le moindre fragment de performance. C'est aussi vrai pour un Champion du monde comme Lewis Hamilton que pour un jeune pilote qui débute sa carrière en Grand Prix. Seulement parfois, les efforts consentis pour mettre tous les atouts de son côté peuvent s'éloigner des standards habituels que sont l'étude des données, le pilotage au simulateur ou les longues réunions avec les ingénieurs. Par exemple, on peut désormais ajouter à la liste un peu de binge-watching.

Car Esteban Ocon, qui a travaillé très dur pour être au top de sa forme cette saison chez Renault, s'est retrouvé chez lui, dans son canapé et devant la télévision pour tenter de préparer le terrain contre son coéquipier l'an prochain. Il sait qu'il fera peut-être face au défi le plus difficile de sa carrière lorsque Fernando Alonso débarquera chez Renault. Alors pour l'aider à mieux comprendre celui-ci, il s'est mis à regarder la récente série-documentaire consacrée à l'Espagnol. De quoi se préparer à ce qui l'attend.

Ocon le sait, toute performance qui ne sera pas maximale en 2021 sera insuffisante s'il veut continuer sur la dynamique qu'il est en train de construire chez Renault. "En Formule 1, il faut être en permanence à son meilleur niveau", rappelle-t-il dans une interview exclusive accordée à Motorsport.com. "Il n'y a pas de marge pour être un niveau en dessous, à aucun moment. Fernando va être, c'est certain, un coéquipier extrêmement fort comme l'est Daniel [Ricciardo]. Il s'est énormément impliqué récemment. Fernando a testé la voiture et il est de plus en plus proche d'un retour dans le baquet. Alors il arrivera prêt, c'est certain. Il est comme ça, c'est un compétiteur. Et je regarde sa série sur Amazon, pour me renseigner sur le personnage lorsqu'il est en compétition et sous pression, pour voir comment il est. C'est très intéressant…"

La compréhension qu'a Ocon du niveau qu'il doit atteindre l'an prochain s'inscrit dans le cadre des progrès qu'il a affichés ces dernières semaines. De retour en F1 cette saison après une année sur la touche dans le rôle de réserviste chez Mercedes, il admet qu'il lui a fallu du temps pour retrouver le rythme et s'intégrer aussi bien que nécessaire à Enstone. Son coéquipier Daniel Ricciardo a trouvé le déclic en matière de set-up à partir du rendez-vous de Silverstone, l'Australien se sentant ainsi enfin très à l'aise dans sa monoplace. Pendant ce temps, Ocon a davantage peiné. Il n'y avait pas de problème majeur, simplement le besoin de temps pour comprendre la méthode de travail de Renault, la manière de communiquer avec les ingénieurs, et la méthode idéale pour que chacun soit efficace.

"Après une année d'inactivité et en arrivant dans une nouvelle équipe, je dirais que ça a pris un petit peu plus de temps pour s'intégrer ici", explique Ocon. "Il s'agissait juste de travailler et de se comprendre les uns les autres, aussi bien de mon côté que du côté de l'équipe, pour travailler étroitement et extraire le meilleur de la voiture. Ça a pris un peu plus de temps. Les dernières courses correspondent beaucoup plus à là où je veux être. Si nous mettons tout bout à bout, il y a eu de bons moments mais pas totalement. Nous n'avons jamais maximisé tout le potentiel d'un week-end. Quand nous l'avons fait, c'était à 90%. Je pense qu'il manque ces 10% qui sont encore nécessaires. Il y a encore des détails que nous devons régler, mais ça vient."

La situation d'Ocon n'a pas non plus été facilitée par l'intensité de cette saison 2020, qui ne laisse aucune respiration aux équipes et aux pilotes pour prendre du recul et analyser chaque week-end. Les neuf premiers Grands Prix ont eu lieu sur onze semaines, ne laissant que peu de temps à l'analyse et à l'identification des secteurs dans lesquels il fallait progresser.

"Ce n'est pas du tout une saison normale", souligne Ocon. "Ce n'est pas une saison durant laquelle on fait une course, puis ensuite on a le temps de l'analyser et de regarder les détails, ou de revenir travailler dans le simulateur pour essayer de se concentrer à nouveau sur la course suivante. Ce n'est pas du tout comme ça cette année. Nous devons enchaîner les courses et essayer de régler tous ces détails, mais dans un laps de temps très court. C'est dur. Avec Daniel, au début de l'année, j'ai dû passer par un processus d'apprentissage de la compréhension avec l'équipe. Ça concerne la façon de travailler avec l'équipe, la manière dont ils me comprennent et le traduisent ensuite au niveau de la voiture. C'était beaucoup mieux de mon côté récemment. Je suis plutôt satisfait de ça. Mais ça a pris un peu plus de temps que prévu."

Les choses se sont en effet calmées désormais, et les récents résultats en qualifications ont été encourageants, avec très peu d'écart entre Ocon et Ricciardo. Mais il n'y a pas que les résultats qui sont en progrès : d'autres signaux positifs sont là. "Je ne suis pas sûr que le Portugal fût mon meilleur week-end, mais je dirais que c'était la meilleure collaboration que nous ayons connue [avec l'équipe]", a confié Ocon après avoir devancé Ricciardo en course à Portimão. "Laissez-moi juste vous donner un exemple : parfois en course, je pensais à certaines informations, et dix secondes plus tard je les obtenais sans les demander. C'est un point sur lequel nous constatons beaucoup d'améliorations, et nous travaillons beaucoup mieux. Sur l'ensemble d'un week-end, même si notre performance n'était pas aussi bonne que ce que nous espérions, je pense vraiment que c'était plus costaud."

Le calme d'Ocon et sa volonté d'écouter et d'apprendre l'ont aidé jusqu'à présent. Il a parfois fait preuve d'un peu d'impatience, à l'image de son tête-à-queue en qualifications au Mugello, mais il n'est jamais tombé dans le piège de vouloir briller à tout prix. "Quand on n'est pas où on le souhaite au niveau de la performance, ce n'est pas facile, mais j'essaie toujours de trouver des solutions", dit-il. "J'essaie toujours d'emmener les gens de mon côté puis de leur demander de me dire ce que je devrais améliorer. Ou de mon côté, j'essaie de leur donner un conseil sur ce que nous devrions mieux faire. Ce n'est pas en pensant à moi, à impressionner ou quoi que ce soit. Ce que je veux, c'est extraire le meilleur de la voiture et je n'ai pas le sentiment que nous l'ayons fait toute l'année. Nous en étions plus proches récemment, mais pas encore à 100%. Nous l'avons peut-être fait sur certaines séances, mais pas sur l'ensemble d'un week-end."

Il reste quelques opportunités pour confirmer en cette fin de saison, puis viendra l'heure du nouveau défi, celui d'avoir Fernando Alonso pour coéquipier l'année prochaine. La dynamique pourrait être fascinante en 2021, quand Ocon sera celui avec qui l'équipe aura expérience et compréhension du travail, aux côtés d'un nouvel équipier qui devra rattraper le retard sur ce point.

"J'espère, évidemment", sourit Ocon. "De ce que j'ai ressenti entre 2017 et 2018 chez Force India, ma seconde année était beaucoup plus facile, tout était bien plus fluide. Nous savions à quoi nous attendre, quoi faire avec la voiture, et c'était beaucoup mieux. Mais Fernando a 20 ans d'expérience, alors je ne sais pas s'il devra rattraper du retard ou si son expérience fera qu'il sera immédiatement dans le coup. Mais je me concentre sur moi-même, sur ma progression personnelle. Et je crois vraiment que l'année prochaine sera meilleure dans la compréhension du travail, dans la connaissance de l'équipe. L'objectif est d'améliorer dès le début de saison prochaine les détails que nous n'avons pas abordés cette année."