Opinion

Peut-on vraiment parler de suffisance chez Mercedes ?

À Sotchi, pour la deuxième fois en trois courses, Lewis Hamilton a été pénalisé. Red Bull laisse entendre que la suffisance pourrait s'installer chez Mercedes, mais notre consultant technique, Tim Wright, ne partage pas cet avis.

Lewis Hamilton, Mercedes-AMG F1, dans son stand

Photo de: Steve Etherington / Motorsport Images

Le Grand Prix de Russie s'est avéré intéressant, pas tant par la course en elle-même que par les pénalités infligées aux pilotes. Les pénalités de cinq secondes les plus évidentes ont été infligées aux pilotes qui n'ont pas respecté les limites de la piste au virage 2 et n'ont pas respecté le parcours pour rejoindre le tracé en toute sécurité. Quoi que l'on pense de ce virage, les notes du directeur de course Michael Masi avant le Grand Prix ne laissaient aucune place à l'interprétation, ce qu'a d'ailleurs souligné Daniel Ricciardo, lui-même pénalisé après avoir manqué le virage quand il a dépassé son coéquipier Esteban Ocon.

En revanche, Lewis Hamilton a reçu deux pénalités de cinq secondes pour une infraction plus inhabituelle : il a effectué deux simulations de départ dans une zone différente de celle spécifiée dans les notes de la direction de course. Comme lors du Grand Prix d'Italie à Monza, quand il s'est arrêté au stand alors que la pitlane était fermée, cela a eu des conséquences désastreuses pour sa course. L'idée du pilote britannique était judicieuse : l'asphalte en bout de pitlane n'est pas représentatif de celui que l'on trouve sur la grille. Mais son équipe aurait dû être davantage consciente de ses intentions d'aller beaucoup plus loin que la voie des stands, et peut-être vérifier ainsi ce qui était autorisé par les commissaires.

Mercedes se défend en prétendant que les notes ne spécifiaient pas exactement quelle était la zone désignée pour les simulations de départ. Un argument toutefois léger, surtout qu'après coup Andrew Shovlin a reconnu que l'écurie s'attendait à se faire réprimander par la FIA. Cette deuxième affaire de pénalité à l'encontre de Lewis Hamilton en trois Grands Prix laisse-t-elle penser qu'une forme de suffisance peut émerger chez Mercedes, comme le suggère Christian Horner ? "Ils [Mercedes] ont naturellement rencontré des problèmes, et quand on est constamment aux avant-postes, c'est parfois plus facile d'être l'équipe qui a l'étiquette de challenger", a confié le directeur de Red Bull Racing. "Parfois, quand vous connaissez une telle période de domination, la suffisance peut s'installer."

James Allison, Directeur Technique F1, Mercedes AMG F1, sur le muret des stands

Il est vrai que cela soulève certainement des questions quant à savoir qui dans l'écurie devrait être responsable des questions de réglementation. En F1, elles sont divisées en deux parties, technique d'un côté, sportive de l'autre. Le Règlement Technique détermine ce à quoi doit ressembler la voiture, et le Règlement Sportif évoque le reste, de l'attribution des points aux conférences de presse, en passant par le déroulement des essais libres, des qualifications et des courses. La réglementation technique relève du directeur technique, avec sous ses ordres les ingénieurs et le personnel chargé du design. De son côté, le directeur sportif devrait être conscient de tous les détails qui se trouvent dans la réglementation sportive.

Bien sûr, les ingénieurs de course doivent avoir connaissance des deux parties du règlement, mais leur tâche essentielle est de gérer le roulage de la voiture et de relayer les informations au pilote. Pendant les essais libres, il s'agit des réglages de la monoplace et de l'exploitation des pneus. De nos jours, compte tenu de la manière dont le pilote doit faire monter les gommes en température, l'ingénieur de course l'informe également des autres voitures qui approchent, de celles qui sont dans un tour rapide et celles dans un tour lent. Mais il y a d'autres ingénieurs chargés de vérifier l'électronique et l'hydraulique. Ils fournissent également des informations à l'ingénieur de course, ce qui fait beaucoup de données à digérer. Par conséquent, il incombe au directeur sportif de s'assurer que l'équipe agit dans le respect des règles édictées par la FIA.

Sur chaque Grand Prix, les commissaires peuvent aussi imposer des restrictions supplémentaires, auxquelles les équipes doivent se conformer. Chaque écurie dispose de nombreuses personnes haut placées qui observent les nombreux écrans afin d'être prêt à réagir à ces messages. En plus du directeur sportif, on trouve un ingénieur de piste en chef, un chef ingénieur, un team manager, un team principal, et bien souvent un chef designer. La plupart d'entre eux doit bien connaître les règles. On trouve ensuite des équipes en soutien à l'usine, qui sont en dialogue permanent avec les membres présents sur le circuit.

La Mercedes W11 de Lewis Hamilton dans son stand

Je me permets une petite digression pour évoquer une situation similaire récemment survenue en British GT, mais à une plus petite échelle. Le team manager est en liaison radio directe avec les commissaires, qui fournissent toutes les informations liées au chronométrage, aux pénalités et, si nécessaire, aux convocations de la direction de course. Ils relaient également ces informations via des écrans de contrôle.

Lors d'une course de trois heures sur le circuit de Donington, la voiture dont j'étais l'ingénieur a reçu trois avertissements car le pilote avait dépassé les limites de la piste au virage 7. Cela s'est produit durant la dernière heure de course, quand les pilotes commencent à avoir des difficultés avec la pédale de frein. Nous sommes une petite équipe de moins de dix personnes, mais au moins trois d'entre nous – y compris moi-même – observions les écrans de contrôle, et nous avons complètement manqué tous les avertissements importants. Nous avons donc reçu une pénalité de 30 secondes qui nous a coûté deux places. Était-ce une question de suffisance ? Je veux croire que non !

Après l'erreur commise par Mercedes à Monza, on aurait pu penser que l'équipe soit en alerte maximale quant aux questions de réglementation afin de ne pas se faire prendre à nouveau. Au lendemain de ce week-end rocambolesque, il est apparu qu'AlphaTauri disposait d'un système d'intelligence artificielle surnommé "la blonde américaine", permettant à l'équipe d'être notifiée de tous les messages de la direction de course. Ce système n'aurait pas aidé Mercedes à Sotchi, où il s'agissait principalement d'un problème de communication entre l'équipe et le pilote. Toutefois, l'écurie s'est à nouveau fait prendre sur un point de détail.

Comme le montre l'exemple que j'ai donné avec le British GT, les erreurs surviennent malheureusement quand la pression est forte. C'est tout aussi vrai pour les équipes victorieuses que pour celles qui ne gagnent pas. Souvenez-vous qu'à Monza, Alfa Romeo avait fait la même erreur que Mercedes en appelant Antonio Giovinazzi aux stands. Mais l'accusation de suffisance n'a pas pu être formulée à l'encontre de l'équipe suisse… La marque d'une équipe qui réussit, c'est lorsqu'elle apprend de ses erreurs. Il ne fait aucun doute que Mercedes apprendra et redoublera d'efforts pour éviter que cela ne se reproduise.

Lewis Hamilton, Mercedes F1 W11, dans les stands

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