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L'adaptation "surnaturelle" qui a ressuscité la carrière de Gasly

Un début de saison 2019 cauchemardesque a entraîné la rétrogradation de Pierre Gasly chez Toro Rosso, mais il a superbement rebondi avec notamment cette victoire surprise à Monza. Gasly et son ingénieur de course Pierre Hamelin expliquent comment ils ont obtenu de si bons résultats récemment.

Le vainqueur Pierre Gasly, AlphaTauri fête sur le podium

Le vainqueur Pierre Gasly, AlphaTauri fête sur le podium

Glenn Dunbar / Motorsport Images

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"Oh mon dieu ! On a gagné la course !" Pierre Gasly a crié et remercié l'équipe, manifestement au bord des larmes. Mais au lieu d'être félicité à la radio, on lui a communiqué des nombres. "84 !" a répété la voix avec insistance. "Fail 84. Tu as fait 82. Fail 84, s'il te plaît."

Cette voix était celle d'un autre Pierre : Pierre Hamelin, ingénieur de course de Gasly chez AlphaTauri. Il essayait alors de corriger la seule erreur commise par son pilote ce jour-là.

"C'est quelque chose dont je suis un peu frustré", sourit Hamelin. "En gros, dans le tour d'honneur, il faut faire les ajustements, juste pour la fiabilité. C'est vraiment important. Jusqu'à ce que la voiture soit éteinte, il faut vraiment y faire attention. J'ai demandé un ajustement, mais avec l'émotion il en a fait un autre, et celui qu'il a fait était assez mauvais pour la voiture."

"Je voulais vraiment être heureux et lui dire plein de choses sympa. Mais c'était un peu crucial, car cela aurait pu endommager quelques éléments de la boîte de vitesses..." Cependant, tout était parfait pour Pierre Gasly, ce jour-là, à Monza. Grâce au soutien de l'équipe.

The AlphaTauri team celebrate victory with Pierre Gasly, AlphaTauri, 1st position, after the race

La première rencontre

Ce n'était pas la première fois que Toro Rosso réintégrait dans ses rangs un pilote déchu par Red Bull. C'est l'équipage de Hamelin qui avait reçu Daniil Kvyat au printemps 2016 lors de l'échange de baquets avec Max Verstappen. Hamelin a travaillé avec le Russe pendant un an et demi, jusqu'à ce que celui-ci soit remplacé par Gasly.

Hamelin n'a toutefois pu être présent pour les débuts du Français au Grand Prix de Malaisie 2017 en raison d'un heureux événement, et lorsqu'il a fait son retour, Gasly était assigné à l'autre côté du garage, précédemment celui de Carlos Sainz. Ils ont toutefois fini par travailler ensemble près de deux ans plus tard, lorsque Gasly a été rétrogradé comme Kvyat l'avait été. Que l'écurie soit mieux préparée à un tel scénario a peut-être permis au tricolore de s'adapter plus facilement. Après tout, il était entouré par ceux qui avaient vécu quelque chose de similaire avec Kvyat.

"Le préparateur physique de Pierre, Pyry [prononcez Puru] Salmela, était celui de Daniil quand Daniil est revenu chez nous", souligne Hamelin. "Il avait déjà traversé cette phase une fois, et je pense que ça a aidé Pierre d'être avec quelqu'un qui savait plus ou moins déjà à quoi s'attendre."

"Bien sûr, quand Daniil est revenu de chez Red Bull, peut-être qu'il a été un peu plus affecté personnellement. Alors que Pierre, pour moi, avait l'approche de vouloir prouver ce dont il était capable. Je ne l'ai jamais vu triste ou déçu. Il travaillait vraiment dur et voulait aller de l'avant. Quand il est revenu, il était vraiment professionnel."

La première course après le retour

Pierre Gasly, Toro Rosso STR14

Lors de ce Grand Prix de Belgique, la première course de Gasly pour son retour chez Toro Rosso, l'équipe a choisi une approche sérieuse. "C'était très inhabituel", se remémore Hamelin. "Ce que nous avons fait, en somme, est d'essayer de ne pas évoquer le sujet. Nous avons essayé de ne pas lui parler de ce qu'il ressentait. Nous avons fait en sorte que ça reste vraiment professionnel."

"C'est assez difficile de savoir comment gérer ça. Forcément, on ne sait pas vraiment comment peut réagir un sportif psychologiquement. L'approche était de faire en sorte que ça reste toujours professionnel, de parler d'ingénierie en premier lieu. Puis, si Pierre voulait nous parler de toute cette situation, nous avions une bonne discussion à ce sujet."

Ce dimanche-là, Gasly a fini neuvième. "Pour moi, évidemment, c'était vraiment important", souligne l'intéressé. "C'était un moment difficile mentalement, même si je sais que je suis fort mentalement. J'ai été très critiqué par des gens qui ne savaient pas, qui parlaient sans connaître la situation. J'ai trouvé ça vraiment injuste. S'il y a une chose que je n'aime pas dans la vie, c'est l'injustice. Pour moi, il était donc important de mettre les choses dans le bon contexte."

"Je savais que ça allait s'arranger. C'était juste une question de temps, de la rapidité avec laquelle je pouvais m'adapter à la voiture et de tirer le meilleur de mon équipe et des gens autour de moi. Je voulais vraiment être performant, parce qu'il fallait aussi que je démontre ce dont j'étais capable. Je pense que c'était la meilleure manière de le montrer : trois semaines plus tard, je n'ai pas changé, je reste la même personne. Quand tout le monde pense que je vais être nulle part. Je ne suis pas ce genre de gars. Je me bats pour ce que je veux. Et je ne suis pas du genre à abandonner. Je redouble plutôt d'efforts."

"Comme s'il n'était jamais parti"

Pierre Gasly, Toro Rosso STR14, and Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 W10, race towards the chequered flag

Gasly a aisément repris ses marques chez Toro Rosso, malgré la découverte d'une toute nouvelle voiture en cours de saison. Avoir le même moteur Honda et les mêmes systèmes que chez Red Bull a forcément aidé, mais Hamelin a quand même trouvé l'adaptation de son pilote "surnaturelle, comme s'il n'était jamais parti" : "Il est vraiment travailleur, il pose toujours beaucoup de questions. Nous n'avons pas eu grand-chose de spécial à faire, il était sur le coup direct."

Pour sa troisième course depuis son retour chez Toro Rosso, Gasly a dépassé les attentes de son équipe en finissant huitième à Singapour, avant cet incroyable podium au Brésil... "Le Brésil, pour moi, c'est peut-être encore mieux que Monza dans la mesure où nous étions présents tout le temps", souligne Hamelin. "Nous sommes partis septième et avons tenu cette position à partir du départ. Nous étions toujours à l'avant du milieu de peloton. C'était une qualif' solide, une course solide, un bon rythme. Nous avons pris de bonnes décisions concernant quoi faire avec les ajustements des réglages pour pouvoir battre Hamilton sur la ligne. Nous avons vraiment eu ce que nous méritions."

"Et pour toute l'équipe, c'était un sentiment fantastique. Parce que si l'on veut donner un podium à quelqu'un dans la pitlane, c'est vraiment Pierre, car il est tellement sympa. Il a traversé une période difficile et a essayé de rebondir. C'est la récompense de tout son dur travail. Il a prouvé ce dont il était capable et il méritait vraiment cette position."

Des leçons apprises

Pierre Gasly, Toro Rosso

La rétrogradation chez Toro Rosso n'ayant pas tué Gasly, elle ne pouvait que le rendre plus fort. "À vrai dire, je n'ai jamais douté de moi-même", clarifie-t-il. "C'est plutôt que tout le monde disait 'il risque de faire comme Daniil, perdre les pédales'. Mais je ne suis pas ce genre de gars, et je savais que ça irait. Je n'ai pas changé mon pilotage. Je n'ai pas changé d'approche. Je me pousse dans mes retranchements de la même manière, parce que j'ai l'esprit de compétition."

Mais il y a quand même eu une période de transition pour Gasly. Se remettre de cette demi-saison troublée chez Red Bull n'allait pas se faire du jour au lendemain. "Quand nous avons commencé les essais hivernaux cette année, c'était assez étrange..." se rappelle Hamelin. "Peut-être qu'il y avait quelques souvenirs des essais hivernaux précédents avec Red Bull. Il avait eu des accidents à Barcelone à l'époque, et c'était une période difficile pour lui."

"Ce moment pendant les essais hivernaux avec nous, je l'ai trouvé... comment dire ? Il était un peu conservateur dans son pilotage et dans son approche. Parce qu'il voulait vraiment bien faire. Mais une fois les courses arrivées, il est monté d'un cran et a retrouvé le rythme où il attaque tout le temps."

Le bon environnement

Pierre Gasly, AlphaTauri AT01, leaves his pit box

La ténacité de Gasly est remarquable. Depuis son retour chez Toro Rosso/AlphaTauri, il s'est montré constamment plus performant que son coéquipier Kvyat, avec 107 points à 42. Qu'est-ce qui lui convient si bien à Faenza ? Selon Hamelin, ce sont la transparence technique et la patience de l'équipe avec ses pilotes (l'héritage de son statut de junior team) qui ont permis à Gasly de se sentir en contrôle de la situation.

"Je reste le même", ajoute Gasly, qui refuse toujours de s'épancher sur les raisons de son départ prématuré de Red Bull Racing. "Bien sûr, c'était une situation difficile. Mais j'ai déjà eu des difficultés plus jeune, que ce soit en karting, en formules de promotion ou dans ma vie privée."

"Vous savez, pour moi, [la rétrogradation] n'a pas été un énorme revers. Au contraire, ce qui s'est passé l'an dernier m'a donné encore plus de force et d'énergie pour rebondir et montrer que les choses ne se passaient pas vraiment comme il faut pour certaines raisons à l'époque."

"Non, je ne pense pas que j'étais brisé, du tout. Cela m'a juste donné encore plus de force. Et je dois dire que je suis aussi entouré par les bonnes personnes chez AlphaTauri, qui me donnent aussi la chance d'être à mon meilleur niveau. J'ai toujours de l'énergie positive. Je pense qu'il faut se débarrasser de toute l'énergie négative, des personnes négatives autour de soi, par qui on n'est pas toujours tiré vers le haut. Je pense que cela s'applique à n'importe quel environnement dans lequel on travaille, que ce soit le business, le sport, la vie privée ou les relations."

On pourrait bien entendre ici l'influence d'un certain Lewis Hamilton, à qui Gasly a demandé conseil quand il était au plus bas. Pierre a parfaitement rebondi depuis sa rétrogradation et est conservé par AlphaTauri pour 2021. Comme le dit Hamelin, il a prouvé au monde extérieur qu'il avait sa place en Formule 1, même avant cet incroyable dimanche après-midi à Monza.

"Si vous êtes au bureau avec lui, je pense que vous voyez vraiment qu'il n'a pas changé", indique Hamelin. "Je suis sûr qu'il était le même chez Red Bull qu'avec nous. Ce qui a dû changer, c'est la perception que les autres avaient de lui. Comment faire changer ça ? En étant très fort ou toujours présent. Et je pense que c'est ce qu'il a réussi."

Pierre Gasly, AlphaTauri, 1st position, sits down on the podium

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