Ces polemen d'un jour qui ont marqué la Formule 1

Kevin Magnussen a endossé le costume de héros du jour à Interlagos vendredi soir, décrochant une pole position surprise dans des conditions particulières au Grand Prix de São Paulo. Bien d'autres avant lui ont connu le même bonheur, sans jamais renouer avec par la suite.

Kevin Magnussen et l'équipe Haas célèbrent leur pole position

Photo de: Sam Bloxham / Motorsport Images

Kevin Magnussen a signé vendredi soir à Interlagos une pole position inattendue. Il devient le 106e poleman différent dans l'Histoire de la Formule 1, intégrant une liste dans laquelle – en excluant les 500 Miles d'Indianapolis ayant compté pour le Championnat du monde de 1950 à 1960 – plusieurs n'ont jamais pu confirmer ensuite. Tout le mal que l'on souhaite au Danois est de goûter à nouveau à ce bonheur à l'avenir, mais dans une année également marquée par les premières poles de Sergio Pérez (Djeddah) et George Russell (Budapest), il est certainement celui dont le profil se rapproche le plus de celui du "héros d'un jour", ne serait-ce que par les qualités modestes de sa Haas. On se souvient également que Lance Stroll (Istanbul 2020) et Lando Norris (Sotchi 2021) n'ont pas encore doublé la mise depuis leur première pole. Carlos Sainz, lui, en compte aujourd'hui trois après avoir ouvert à Silverstone son compteur chez Ferrari.

Parmi les pilotes n'ayant signé qu'une pole, Kevin Magnussen rejoint notamment un Champion du monde – Denny Hulme – et de nombreux vainqueurs en Grand Prix. Il est difficile de tous les évoquer en détail : nous pourrions vous parler de Wolfgang von Trips et Lorenzo Bandini, qui ont tous deux perdu la vie peu après leur première pole, ou de Robert Kubica et Heikki Kovalainen, sans oublier l'anomalie Pastor Maldonado, puisque le Vénézuélien a hérité de la pole position à la suite d'une pénalité infligée à Lewis Hamilton au Grand Prix d'Espagne 2012. Quoi qu'il en soit, voici huit pilotes qui ont marqué l'Histoire avec leur unique pole.

Eugenio Castellotti, Grand Prix de Belgique 1955

Voiture : Lancia D50
Écart : 0"5

Eugenio Castellotti, Lancia D50

Après la mort du champion Alberto Ascari, Gianni Lancia a délaissé le sport automobile. Mais il a autorisé le pilote d'usine Eugenio Castellotti à engager personnellement une D50 au GP de Belgique. Pour sa première fois sur les redoutables 14 kilomètres de Spa-Francorchamps, Castellotti a battu le record du circuit de Juan Manuel Fangio d'une demi-seconde dès les essais du vendredi. C'était suffisant pour la pole position, la pluie ayant perturbé les festivités le samedi.

Le célèbre pilote et journaliste belge Paul Frère a qualifié cette performance de surhumaine et digne d'Ascari, mais Castellotti l'a attribuée à sa Lancia : "Je ne suis pas complètement satisfait", a-t-il indiqué à Frère. "La Lancia évolue de manière suffisamment merveilleuse pour être légèrement supérieure à la Mercedes. Avec sa classe et son expérience, Ascari aurait été capable de faire largement mieux."

S'il était d'accord pour dire qu'Ascari était un plus grand pilote, Stirling Moss a trouvé l'analyse de Castellotti un peu trop autocritique : "Il était comme Peter Collins, il était très rapide." Il n'empêche que Fangio et Moss ont doublé Castellotti dès le premier tour, et ce dernier a ensuite été trahi par sa boîte de vitesses, même si d'autres bons résultats l'ont hissé de justesse à la troisième place du championnat des pilotes… avec 12 points. En revanche, il n'est jamais parvenu à s'imposer en Grand Prix avant sa mort dans un accident en essais à Modène en 1957.

Peter Revson, Grand Prix du Canada 1972

Voiture : McLaren M19C
Écart : 0"3

Peter Revson, McLaren M19C Ford

Peter Revson était un habitué des avant-postes en sport automobile au début des années 1970 : il a remporté le titre 1971 de Can-Am, fini deuxième des 500 Miles d'Indianapolis la même année et remporté deux victoires en F1 en 1973 avant de perdre la vie quand un bris de suspension l'a expédié dans le mur lors d'essais à Kyalami.

Revson a également signé une pole position en F1 à Mosport en 1972. L'Américain a établi un nouveau record du circuit au volant de sa McLaren en 1'13"6, trois dixièmes devant son coéquipier Denny Hulme. "Les M19 convenaient manifestement bien au circuit", a écrit Pete Lyons pour Autosport. "Leur largeur, peut-être associée à davantage d'angle que la plupart sur l'aileron, les aide dans les longues courbes, et leurs suspensions sont réglées pour passer sur les bosses de manière fluide."

Handicapés par un problème d'accélérateur, Revson et Hulme ont chuté aux troisième et treizième rangs au premier tour, avant de signer un double podium derrière un Jackie Stewart dominateur.

Denny Hulme, Grand Prix d'Afrique du Sud 1973

Voiture : McLaren M23
Écart : 0"13

L'ingénieur Phil Kerr, Jody Scheckter, McLaren M23 Ford, et Denny Hulme, McLaren M23 Ford

Denny Hulme a la particularité d'être le seul des 33 Champions du monde de Formule 1 à n'avoir signé qu'une seule pole position, ce total étant le plus bas avec Jody Scheckter (trois) et Mike Hawthorn (quatre). Celui qu'on surnommait l'Ours a eu beau remporter huit victoires, cette pole à Kyalami demeure la seule qu'il ait obtenue. Et elle est significative, ayant marqué les débuts de l'une des meilleures F1 de tous les temps : la McLaren M23.

"Dès notre première journée d'essais, nous sommes allés plus vite qu'avec la M19, malgré les milliers de kilomètres parcourus sur cette piste ces deux dernières années", a déclaré Hulme à Autosport. Révélant qu'il a initialement trouvé difficile de juger ce que faisaient les roues arrière, il a rapidement atteint le stade "où je pouvais la régler survireuse et la maîtriser bien davantage que je ne le pouvais avec la M19. La nouvelle voiture survire et se maintient dans une glisse bien confortable."

La monoplace était également très rapide en ligne droite, avec une pointe enregistrée à 298 km/h. "Comme nous l'avions espéré, la nouvelle M23 était fabuleuse", a poursuivi Hulme, seul pilote McLaren à disposer du nouveau bolide ce week-end-là. "Pour notre première journée, nos Yardley McLaren ont fait le triplé ! Cela doit faire longtemps qu'aucune équipe n'a fait le spectacle ainsi en Grand Prix avec une nouvelle voiture."

Malgré la rumeur d'un tour en 1'16"1 pour Ronnie Peterson (Lotus), Hulme était en pole position en 1'16"28, juste devant Emerson Fittipaldi (Lotus) et un nouveau pilote McLaren, Jody Scheckter, au volant de l'ancienne M19C. Hulme a mené la course pendant quatre tours avant de subir deux crevaisons qui l'ont relégué au 19e rang ; il est ensuite remonté cinquième.

Patrick Depailler, Grand Prix de Suède 1974

Voiture : Tyrrell 007
Écart : 0"318

Patrick Depailler, Tyrrell 007 Ford

Lors des six premiers Grands Prix de l'imprévisible saison 1974, cinq pilotes représentant quatre écuries différentes ont gagné. Puis la Formule 1 s'est rendue pour la deuxième fois en Suède, à Anderstorp, où l'avantage allait aux Tyrrell. Jody Scheckter n'avait été battu par son coéquipier Patrick Depailler qu'à Monaco en qualifications, mais le Français a devancé son partenaire et a signé la pole position avec trois dixièmes d'avance. Et il comptait initialement repartir pour améliorer sa marque, ce à quoi Ken Tyrrell s'est opposé !

En course, Depailler a toutefois eu trop de patinage au départ, et il a chuté au troisième rang derrière Scheckter et Ronnie Peterson. Le local de l'étape a été trahi par sa Lotus dès le neuvième tour, et Depailler est revenu sur les talons de Scheckter, mais il a été fermement demandé au Clermontois d'assurer le doublé.

Aucune Tyrrell ne s'est qualifiée dans le top 2 lors du reste de la saison. Habitué des podiums, Depailler a dû attendre longtemps pour remporter ses deux victoires, avec Tyrrell puis Ligier en 1978 et 1979, avant de perdre la vie en essais à Hockenheim avec Alfa Romeo l'année suivante.

Tom Pryce, Grand Prix de Grande-Bretagne 1975

Voiture : Shadow DN5
Écart : 0"14

Tom Pryce, Shadow DN5 Ford

Tom Pryce était sur une belle lancée en 1975. Le Gallois a commencé la saison avec la vieille Shadow DN3B, tandis que son coéquipier Jean-Pierre Jarier créait la surprise avec deux pole positions au volant de la nouvelle DN5. Une fois qu'il a mis les mains sur celle-ci, Pryce s'est retrouvé aux avant-postes, vainqueur de la Race of Champions (hors championnat) à Brands Hatch puis qualifié en première ligne à Monaco. À Silverstone, il a même réalisé deux tours suffisamment bons pour être en pole.

En début de course, Pryce a chuté au troisième rang avant de récupérer la tête, mais c'est alors qu'il est sorti de la piste à Becketts, surpris par une averse. Il n'a plus jamais mené une course avant son terrible accident mortel au Grand Prix d'Afrique du Sud 1977, où il a percuté un commissaire qui traversait la piste.

Bruno Giacomelli, Grand Prix des États-Unis Est 1980

Voiture : Alfa Romeo 179B
Écart : 0"789

Bruno Giacomelli, Alfa Romeo 179

La saison 1980 de Bruno Giacomelli avait été gâchée par les problèmes de fiabilité, mais il a au moins pu s'illustrer lors de la dernière course, à Watkins Glen : il a largement signé la pole et mené un Grand Prix en championnat du monde pour la première et dernière fois. Avant que l'Alfa Romeo ne rende l'âme une nouvelle fois.

"Après tous les problèmes que nous avions eus au fil de l'année, tout semblait rentrer dans l'ordre", a-t-il déclaré dans une interview en 2013. "Nous avions eu une mauvaise fiabilité, une voiture trop tendre pour la plupart des circuits, puis nous avons perdu Patrick Depailler. Nous avions besoin de quelque chose pour nous remonter le moral."

"Watkins Glen était un circuit fantastique avec beaucoup de virages rapides et beaucoup de dénivelé. Parce que notre voiture était si tendre mais avait un énorme effet de sol, elle convenait au circuit. De plus, nous avions trouvé des solutions à nos problèmes, et elles avaient complètement transformé la voiture. Le moteur, en particulier, était si souple ; la puissance était bien moins agressive qu'auparavant."

"Dès le premier tour, j'ai pu faire tout ce que je voulais avec la voiture. Elle était rapide en ligne droite, se comportait de manière neutre dans tous les virages et avait une motricité et un freinage fantastiques. C'est la meilleure voiture que j'aie jamais pilotée en F1 – si rapide dans les longs virages que je suis arrivé à user un train de pneus qualificatifs en moins d'un tour, j'ai donc dû me qualifier avec des pneus de course. Et je suis quand même parvenu à prendre le dernier virage en quatrième dans mon tour de pole. Les autres le prenaient en troisième ! C'était une journée de rêve."

Thierry Boutsen, Grand Prix de Hongrie 1990

Voiture : Williams FW13B
Écart : 0"036

Le vainqueur Thierry Boutsen, Williams devant Ayrton Senna, McLaren

"Pardonne-moi Thierry, j'avais tort", a écrit Nigel Roebuck pour Autosport. "Je doutais que tu puisses jamais remporter une course ainsi, en partant devant, sur le sec, sous la pression. Mais en Hongrie, tu as signé la pole, as mené dès le départ et n'as commis aucune erreur."

Rejoindre Williams en 1989 était une belle opportunité pour Thierry Boutsen, qui a remporté deux victoires sous la pluie. Mais en 1990, la Williams FW13B était compétitive sur le sec au Hungaroring. Jean Alesi (Tyrrell) et Gerhard Berger (McLaren) ont donné le ton avec des chronos en 1'18, puis Boutsen est sorti de nulle part avec un 1'17"919, devançant son coéquipier Riccardo Patrese d'un souffle. Même Ayrton Senna n'est pas parvenu à menacer les Williams.

"La voiture est bien meilleure ici qu'à Hockenheim", a alors déclaré le Belge. "Nous avons bien amélioré le châssis, mais Renault a aussi trouvé de nouvelles choses pour le moteur, nous permettant d'avoir pas mal de puissance en plus pour les qualifications. La première fois que je suis sorti des stands, j'ai senti une différence."

"Je me rappelle chaque seconde de ce tour", s'est rappelé Boutsen par la suite. "Je savais que notre voiture n'était pas si bonne avec les pneus de course, mais très bonne avec ceux de qualifications. J'ai commencé le tour plus lentement que ce que j'aurais pu faire afin de maintenir les pneus en bon état sur l'ensemble du tour. Je savais que c'était ma chance de faire la pole. Je suis allé doucement dans les deux premiers virages et je crois que j'étais bien plus rapide que tout le monde dans le dernier secteur. Je savais que je ne pouvais pas gagner la course sans partir de la pole."

Boutsen a pris un bon envol et a résisté aux attaques de Gerhard Berger, d'Alessandro Nannini et d'Ayrton Senna pour remporter la troisième et dernière victoire de sa carrière.

Nico Hülkenberg, Grand Prix du Brésil 2010

Voiture : Williams FW32
Écart : 1"049

Nico Hulkenberg, Williams FW32

"Eh bien, il nous a tous donné l'air très moyen aujourd'hui. Il a trouvé un circuit différent du nôtre."

Certains décrivent la pole position sensationnelle de Nico Hülkenberg pour une modeste écurie Williams comme la chance d'être le dernier à franchir la ligne d'arrivée sur une piste humide en train de s'assécher. Mais comme le laisse entendre Mark Webber, le rookie allemand était sur une autre planète ce jour-là, ayant signé deux tours suffisamment bons pour la pole.

Un tour de préparation rapide a été la clé de ce succès, Hülkenberg ayant maintenu la température des pneus d'une manière inégalée par ses rivaux plus prudents. Rubens Barrichello était passé en slicks un demi-tour plus tôt que son coéquipier, mais le vétéran brésilien a fait un tour de sortie des stands 17 secondes plus lent que Hülkenberg, à cause du trafic et d'une sortie de piste.

Sachant déjà qu'il n'allait pas pouvoir rester chez Williams à cause de l'arrivée imminente du Champion GP2 Pastor Maldonado, ce dernier très bien soutenu financièrement, Hülkenberg a simplement réalisé un tour aussi agressif que parfait, à la limite tout du long, pour signer la première pole position de Williams depuis 2005, devant le duo Red Bull.

Rares sont ceux qui auraient prédit que Hülkenberg ne réitère jamais cette performance, mais il n'a jamais vraiment eu le matériel pour le faire. Cela ne l'a pas empêché de se qualifier troisième à trois reprises avec Sauber (Italie 2013), Force India (Autriche 2016) et Racing Point (70e Anniversaire). Le podium, en revanche, lui a toujours échappé.

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