Opinion

Pourquoi le manque de spectacle n'était pas le plus gros souci à Abu Dhabi

La saison 2020 de Formule 1 s'est terminée de façon plutôt terne au Grand Prix d'Abu Dhabi, malgré la brillante victoire de Max Verstappen et Red Bull. En fait, la course restera peut-être dans les mémoires pour une opportunité perdue avant même qu'elle commence.

Valtteri Bottas, Mercedes-AMG F1, et George Russell, Mercedes-AMG F1

Valtteri Bottas, Mercedes-AMG F1, et George Russell, Mercedes-AMG F1

Steve Etherington / Motorsport Images

Sur le papier, la première défaite de Mercedes au Grand Prix d'Abu Dhabi depuis 2013 est un résultat choc. Mais, depuis le centre médiatique caverneux et presque vide du circuit de Yas Marina – avec vue sur la RP20 abandonnée par Sergio Pérez après sa dernière course malheureuse avec Racing Point –, je ne l'ai pas ressenti comme ça.

Une fois que Max Verstappen a bien géré la relance à la suite de l'abandon de Pérez, il était clair qu'il allait l'emporter, à moins d'un événement vraiment inattendu. Son rythme était encore meilleur qu'auparavant, malgré la résolution des problèmes de sous-virage rencontrés par Valtteri Bottas lors du premier relais en mediums.

Verstappen et Red Bull ont été des vainqueurs méritants, démontrant une fois de plus leur classe. Battre Mercedes est de toute manière impressionnant, encore plus en menant chaque tour depuis la pole. Mais la finale de la saison 2020 de Formule 1 a surtout été insipide et peu enthousiasmante ; presque l'opposé total du GP de Sakhir une semaine auparavant.

Bien entendu, toutes les courses de F1 ne peuvent pas être des blockbusters, et la saison 2020 a déjà eu son lot d'épisodes ennuyeux. Mais certaines courses du passé avec peu de dépassements – les GP de Saint-Marin 2005 et 2006, par exemple – sont tout de même considérées comme des classiques. Même la visite surprise à Imola en 2020 a produit une course correcte, en dépit de la difficulté à dépasser qui a abouti sur seulement six manœuvres réussies pendant la course.

Mais, à moins d'être Verstappen ou Red Bull, la course d'Abu Dhabi n'a tout simplement pas été brillante. Une fois la bataille pour la tête effectivement terminée, les projecteurs se sont tournés vers la lutte pour la troisième position au classement constructeurs.

Max Verstappen, Red Bull Racing RB16, 1st position, takes the chequered flag

Mais la belle performance de McLaren en qualifications et la décision de Racing Point de changer le moteur de Pérez – qui n'a pas payé du tout – a fait que cet affrontement avait d'ores et déjà lui aussi un vainqueur clair. Daniel Ricciardo a fait de son mieux pour maintenir Renault dans le combat lors de sa dernière sortie avec l'équipe, mais n'a pas pu les devancer.

L'accomplissement le plus significatif de la course – c'est discutable, nous en sommes conscients – fut le retour de Lewis Hamilton après avoir été touché par le COVID-19. Il ne s'agit pas d'un soutien chauviniste (ce n'est jamais le cas, Twitter !), tout pilote revenant après avoir été un temps "alité" à cause d'une terrible maladie mérite le respect. Et tout pilote battant presque quelqu'un d'aussi rapide que Bottas en qualifications et signant un podium en mérite encore plus.

Mais le retour d'Hamilton a privé la finale de la saison d'une histoire potentiellement plus importante.

Il ne s'agit pas de dénigrer le Champion du monde. Il a réalisé une nouvelle saison magistrale, égalant le record de titres en le faisant suffisamment rapidement pour pouvoir se permettre de manquer une course en raison de la déculottée subie par chacun des pilotes cette année.

On peut dire qu'il n'avait pas besoin de revenir du tout – sa place au centre de l'histoire de la saison est assurée, tout ce qui compte vraiment est déjà atteint. Mais ce n'est tout simplement pas comme cela que fonctionne Hamilton.

"Je suis vraiment désolé pour ceux qui en ont souffert, ceux qui ont perdu des proches, et je comprends comment car c'est un vilain virus", soulignait Hamilton après les qualifications le week-end.

"Je ne suis pas à 100%. Je le sens encore dans mes poumons. Mais en temps normal, je piloterais même si je devais me passer d'un bras. C'est ce que nous faisons, nous pilotes. Heureusement, ce n'est pas le cas. Ce ne sera clairement pas la plus facile des courses, d'un point de vue physique, mais je vais gérer ça et absolument tout donner."

Les efforts de Hamilton ont été récompensés par une troisième place – un résultat mineur pour lui cette année, mais un beau retour tout de même compte tenu des circonstances.

Mais en revenant, Hamilton a mis fin aux chances de donner à la F1 le deuxième round d'une nouvelle et fascinante bataille : Bottas contre George Russell. Les deux hommes n'auront eu qu'une seule course comme coéquipiers Mercedes en 2020 – ce thriller de Sakhir. Et chacun est reparti avec un certain sentiment d'inachevé après la bévue de Mercedes au stand, qui leur a coûté des places et a mis fin à la course-poursuite du deuxième relais qui n'a jamais pu se conclure.

Lewis Hamilton, Mercedes-AMG F1, 3rd position, sprays Champagne on the podium

Bien qu'il ait représenté Hamilton lors des interviews du jeudi avec les médias à Abu Dhabi, Russell a été renvoyé chez Williams, où il est arrivé 15e, notamment doublé par la voiture dans laquelle il avait presque gagné la course précédente.

"Je ne dirais pas que c'était mentalement difficile [de retourner chez Williams], parce que la semaine dernière était inattendue", a-t-il déclaré après coup. "C'était prévu."

"Pour ma part, j'ai tellement essayé de m'améliorer en tant que pilote tout au long de l'année et demie passée [que] quand on est à l'arrière, on ne sait jamais vraiment. On a l'impression de faire parfois du bon travail, mais on ne sait jamais, car on est toujours à l'arrière."

"Mais c'était génial pour moi d'avoir eu cette chance la semaine dernière d'affronter Valtteri et d'avoir une bonne référence contre quelqu'un qui a poussé Lewis au fil des ans. Et je pense qu'il y a de quoi être fier de cette année."

Bottas a fait tout ce qu'il a pu à Abu Dhabi : il a vaincu Hamilton en qualifications et en course, mais Mercedes n'a jamais pu rivaliser avec Red Bull, étant donné ses problèmes pour faire fonctionner les pneus normalement. Le Finlandais se trouvait dans une situation où il était pratiquement impossible de gagner : s'il battait Hamilton, ce serait contre un Champion du monde en difficulté qui se remettait d'une maladie, et s'il perdait, ce serait encore pire pour la même raison.

Quelque chose a clairement changé chez Mercedes depuis la course de Sakhir, Toto Wolff ayant décidé de s'exprimer à la radio avant le dernier tour de Q3 pour encourager davantage son pilote. Selon Bottas, c'est le résultat d'une conversation que les deux hommes ont eue "sur différentes choses", qui lui a permis d'obtenir davantage de soutien de la part de son directeur d'équipe.

Ainsi, Bottas a fait ce qu'il a pu dans ces circonstances difficiles, ce qui ne veut pas dire qu'il a mal piloté. Le problème qu'il a maintenant est intrinsèquement lié à la décision de Hamilton de revenir pour la finale de la saison et au retour de Russell chez Williams.

La F1 aborde l'intersaison après une course totalement oubliable. Pour beaucoup, le souvenir le plus durable sera l'épreuve de Sakhir avec Russell en vedette ; les spéculations sur ce que cela signifiera pour le line-up de Mercedes en 2022 abonderont sans doute au cours de l'hiver.

Tout comme Russell a perdu une seconde chance de montrer ce dont il est capable et de prouver que ses débuts téméraires n'étaient pas un cas isolé sur un circuit court et peu compliqué, Bottas a perdu la chance de gagner la revanche et de recadrer les choses alors que la saison 2020 touchait à sa fin.

 

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