Pourquoi les muscles de Mercedes n'ont pas supporté la gonflette

La victoire surprise de Max Verstappen lors du Grand Prix du 70e Anniversaire a démontré que la Red Bull était plus douce avec ses pneus que la dominante Mercedes W11, alors qu'une combinaison entre des virages à haute intensité, la chaleur et des pressions augmentées a créé le parfait concours de circonstances.

Lewis Hamilton, Mercedes-AMG Petronas F1, dans le parc fermé

Lewis Hamilton, Mercedes-AMG Petronas F1, dans le parc fermé

Steve Etherington / Motorsport Images

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"Ce sont des ballons maintenant", déclarait Lewis Hamilton à propos de ses pneus après le Grand Prix du 70e Anniversaire. "Ce sont les pressions les plus élevées que nous ayons jamais eues sur une piste comme celle-là. Je ne serais pas surpris si c'était un problème pour nous. Mais je ne sais pas si quelqu'un d'autre a souffert de cloques comme nous, donc c'est quelque chose que nous allons examiner."

Et c'est vrai. Entre les deux week-ends, et peut-être en réponse à l'utilisation d'une gamme de pneus plus tendre et des trois défaillances lors du GP précédent, les pneus ont gonflé après une modification des pressions imposées.

Pour la première course de Silverstone, Pirelli avait imposé des pressions minimales de 25 psi à l'avant (approximativement 1,7 bar) et 21 psi à l'arrière ; pour la seconde épreuve, ces pressions ont respectivement grimpé à 27 et 22 psi. Il s'agit d'un sacré gonflement ajouté dans le mélange de paramètres, surtout si l'on tient compte du fait que les même pneus, l'an passé, pouvaient descendre à 23 psi à l'avant et 20,5 à l'arrière.

Il y a plusieurs raisons à cette hausse importante des pressions, l'une d'entre elles étant un héritage des tests pneumatiques d'Abu Dhabi l'an passé. À l'époque, Pirelli avait mis à disposition une nouvelle construction de pneus à l'ensemble des écuries – avec un profil plus carré – qui serait capable de supporter les plus importantes charges aérodynamiques liées à l'infatigable développement qui a lieu en F1 entre chaque saison.

Mais les équipes, qui avaient largement opté avec leurs monoplaces 2020 pour des configuration aéro qui seraient forcément affectées par le changement de forme des pneus, les ont refusés. En conséquence, Pirelli a donc été forcé d'augmenter les pressions de ses vieux pneus pour qu'ils puissent mieux résister.

Lewis Hamilton, Mercedes F1 W11, in the pits

Pour des gommes plus tendres, les basses pressions font que le pneu peut générer plus de chaleur car il peut se déformer plus facilement sous la charge. L'énergie transmise par les élastomères dont est constitué le pneu permet à ce dernier de s'étirer et d'utiliser cette énergie sous forme de chaleur.

Quand vous étirez à répétition une bande de caoutchouc, vous constatez qu'elle est de plus en plus chaude, et cet effet est le même pour la gomme des pneus quand elle se déplace. Mais sur une distance de course, cela gonfle significativement (pardonnez le jeu de mots) le niveau d'usure rencontré par les pneus. Pour se prémunir contre cela, augmenter la pression des pneus réduit la quantité de mouvement au niveau de la carcasse du pneu et le protège de la dégradation thermique.

C'est le premier aspect scientifique, mais le Chapitre 2 de "La physique des pneus pour les Nuls" est plus pertinent dans le cadre de la comparaison de Hamilton avec les ballons. Quand on augmente les pressions au moment où les pneus sont froids, en injectant plus d'air, il y a désormais plus de particules de gaz – les équipes utilisent de l'azote en raison de sa réactivité plus faible et de sa plus grande constance par rapport à l'air – dans le pneu.

Avec la chaleur, ces particules de gaz sont maintenant plus mobiles grâce à leur énergie supplémentaire, et de ce fait augmentent encore plus la pression interne. Si la pression devient trop élevée, le pneu aura beaucoup plus de mal à conserver son adhérence en raison de la réduction de la surface de contact qui en résulte.

En comparant les Mercedes et les Red Bull, il est facile de savoir quelle voiture a le plus d'appui. En effet, la Mercedes a roulé avec un aileron arrière offrant un plus fort appui à Silverstone, car l'écurie sait que l'avantage que son unité de puissance possède sur le reste du peloton annulera l'inconvénient de la traînée dans les lignes droites.

Mais lorsque le climat est plus chaud, ce surplus d'appui, associé aux virages à droite à haute énergie, augmente encore plus la pression, gonflant donc le pneu de façon bien plus importante que ne le faisait le Red Bull, qui roulait plus déchargée. Et avec les températures plus élevées, cela a aussi ouvert la porte au phénomène de cloquage (ou blistering).

En qualifications, cela a donné à Mercedes un avantage colossal sur Red Bull. Le temps de pole de Bottas (1'25"154) était plus d'une seconde plus rapide que le meilleur temps de Verstappen en Q3, ce qui laissait présager une déroute face à Mercedes le dimanche. Mais Mercedes a immédiatement dû gérer ses pneus pour maintenir les températures et les pressions dans une certaine fenêtre, Bottas recevant un message indiquant que la situation était "critique" dès le sixième tour de la deuxième course de Silverstone.

Valtteri Bottas, Mercedes F1 W11 and Max Verstappen, Red Bull Racing RB16 battle for the lead of the race

Le Red Bull de Verstappen, en revanche, impose une charge moindre aux pneus. Le moteur Honda, bien qu'il soit nettement amélioré par rapport à l'itération qui lui a valu une myriade d'abandons chez McLaren, est loin d'avoir atteint le niveau du Mercedes dans les lignes droites. Pour remédier à cela, l'aileron arrière a été un peu réduit pour maximiser les performances de la RB16 dans les passages les plus rapides. Dans les virages à haute intensité, les pneus gauches n'ont pas subi le massacre des pneus Mercedes – et Verstappen semblait incroyablement agile lors des relais en durs.

D'où les commentaires de Hamilton sur la pression à la radio. Lorsque le sextuple Champion a suggéré que Red Bull roulait avec un niveau de pression plus faible, il ne s'agissait pas d'une attaque dirigée contre une équipe dont il soupçonnait qu'elle était en faute. Au contraire, il avait immédiatement compris que les pneus de la Red Bull fonctionnaient dans une fenêtre de températures plus adaptée aux pneus, ce qui n'entraînait pas une trop forte augmentation de la pression.

Sur les W11, c'est sans doute l'appui que la voiture est capable de générer qui a le plus nui à ses chances, et l'augmentation de la pression de gonflage a fait subir aux pneus une véritable agression. Le fait qu'Hamilton ait pu continuer à utiliser son deuxième train de pneus et à maintenir un rythme régulier à un dixième ou deux de celui de Verstappen témoigne de son talent pour la gestion des pneus, mais n'a pas pu détourner le regard de l'équipe de l'arme que Verstappen avait entre les mains.

"Nous avons vu par le passé que les conditions chaudes ne conviennent pas à notre voiture", mais comme je l'ai déjà dit, c'est beaucoup plus complexe que cela. En fait, je suis prêt à relever le défi.

"Nous avons vu par le passé que les conditions chaudes ne conviennent pas à notre voiture", a déclaré le directeur exécutif de Mercedes, Toto Wolff. "Mais comme je l'ai déjà dit, c'est beaucoup plus complexe que cela. Nous avons probablement le package le plus rapide, mais le package le plus rapide implique aussi le plus d'appui, et ce dernier fait plus travailler les pneus. À cet égard, nous devons apprendre à régler la voiture pour que les pneus survivent un peu."

Wolff a également expliqué que l'écurie avait pu mieux comprendre les limites des pneus Pirelli en course en examinant le premier train de pneus durs de Bottas et qu'il y avait encore de la vie dans ces gommes.

Valtteri Bottas, Mercedes F1 W11 and Max Verstappen, Red Bull Racing RB16 battle for the lead of the race

"Il est évident que [Valtteri] n'est pas heureux d'être en P3 et que Lewis soit en P2, mais c'est ce que nous avons appris quand nous avons changé les pneus de Valtteri. Nous avons vu qu'il restait en fait beaucoup de gomme et nous avons prolongé le relais de Lewis, même s'il y avait de grosses vibrations mais beaucoup de gomme. Par conséquent, il était de plus en plus rapide à mesure que la gomme diminuait, et c'est pourquoi nous avons pu prolonger le relais, et finalement Lewis a dépassé Valtteri."

Mercedes aurait pu, sans doute, prolonger le difficile second relais de Bottas, mais bien sûr, le recul est une chose merveilleuse.

Ce dont Mercedes dispose, c'est d'une possibilité de se venger de son échec lors du GP du 70e Anniversaire. Forte de cette connaissance, et suite à son habituelle investigation d'après-course, l'équipe pourrait se voir offrir une nouvelle chance de gagner la partie avant la prochaine manche à Barcelone. Quiconque a eu la chance de sillonner les côtes espagnoles au mois d'août aura certainement connu les conditions étouffantes qui y règnent, et le déplacement de la course de Barcelone en plein été va probablement s'accompagner de températures similaires à celles de Silverstone.

Les pneus seront plus durs pour le Grand Prix d'Espagne, le C1 offrant une fois de plus ses services en tant que composé dur, mais les leçons que Mercedes a maintenant en mémoire pourraient aider à juguler une situation analogue.

"Ce que nous devons faire, c'est nous lever demain tout excités à l'idée de nous réunir et de résoudre ce problème", a déclaré Andrew Shovlin, responsable de l'ingénierie de piste chez Mercedes, "parce qu'en fait, ce sont des problèmes vraiment intéressants et bons, amusants, quand on peut les surmonter."

"Il y a une certaine urgence dans ce cas parce que nous allons à Barcelone, nous prenons l'avion mardi, nous courons vendredi, il est prévu qu'il fasse 30°C, la piste sera un peu comme ici. C'est un circuit à haute énergie. Nous avons conscience que si nous ne surmontons pas ces problèmes, nous allons à nouveau passer pour des idiots dimanche." 

Comme Copse, Abbey et Stowe à Silverstone, Barcelone a des virages à droite à haute vitesse (3 et 8) qui pourraient également faire trébucher Mercedes si l'équipe se reposait sur ses lauriers. Quant à Red Bull, il devrait s'agir d'un circuit qui donnera à l'équipe une autre occasion de se distinguer lors de la course, même si la qualification en pole est hors de portée.

Mais qu'importe la manière dont vous le découvrirez, attendez-vous à ce que Verstappen et Christian Horner se livrent à une sorte de danse du soleil avant la course de Barcelone.

Valtteri Bottas, Mercedes-AMG Petronas F1 et Lewis Hamilton, Mercedes-AMG Petronas F1 dans le parc fermé

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