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Pourquoi Williams devrait faire rouler Kubica à Abu Dhabi

"Le problème, quand on retarde ses emplettes pour le repas de Noël, c'est qu'on risque de se retrouver avec la dinde que personne n'a voulu acheter..."

Robert Kubica, Renault Sport F1 Team RS17

Robert Kubica, Renault Sport F1 Team RS17

Sutton Motorsport Images

Cette métaphore, prononcée par un personnage connu du paddock F1, résume à souhait le dilemme auquel fait face l'écurie Williams, face à la pénurie de candidats pour occuper le second baquet aux côtés de Lance Stroll en 2018 – une saison cruciale pour la légendaire équipe britannique, car son contrat avec Martini prend fin dans un an.

L'impératif commercial s'ajoute à une autre nécessité aux conséquences financières majeures : celle de faire mieux au championnat des constructeurs. Ayant fini troisième en 2014 et 2015, Williams a chuté à la cinquième place en 2016 et est désormais mathématiquement assuré de ne pas faire mieux cette saison. Chaque place perdue est un coup dur au niveau des revenus.

Le problème, c'est que tous les pilotes de pointe sont pris. Ne restent que les miettes dont les autres n'ont pas voulu : Robert Kubica, Paul Di Resta, Pascal Wehrlein et Daniil Kvyat. L'équipe a tiré un trait sur le développement de sa voiture actuelle et se concentre sur sa monoplace 2018 depuis septembre, ce qui est prudent, mais en retardant la signature d'une star pour la piloter, Williams s'est mis dans une situation délicate.

Daniil Kvyat, Scuderia Toro Rosso STR12, Pascal Wehrlein, Sauber C36-Ferrari, Lance Stroll, Williams FW40

Massa, deuxième retraite

Felipe Massa, jusqu'à ce samedi, en faisait partie. Ayant "pris sa retraite" de la F1 l'an dernier quand Williams lui avait préféré Valtteri Bottas pour faire équipe avec Stroll en 2017, il avait fait ses adieux à ses fans dans l'émotion générale à Interlagos, mais avait à peine eu le temps de réchauffer le coussin de son rocking chair qu'il a été rappelé lorsque Mercedes s'est emparé de Bottas, suite à la retraite surprise du Champion du monde en titre Nico Rosberg.

Alors que certains artistes comme Johnny Hallyday multiplient les tournées d'adieu, Massa était convaincu d'avoir trouvé une deuxième jeunesse et d'être l'homme de la situation pour la saison prochaine.

Cela n'a pas empêché de circuler pendant le Grand Prix du Mexique des rumeurs selon lesquelles Massa pourrait ne pas terminer la saison, si Williams décidait d'évaluer l'une de ses options au Grand Prix d'Abu Dhabi et lors des essais Pirelli qui le suivront.

"D'où est-ce que vous sortez ça ?" a répondu Massa lorsque la question lui a été posée lors d'un point presse. "Je fais toutes les courses de mon contrat, et avec plaisir. Quant à l'avenir, je ne peux rien dire pour l'instant, mais c'est complètement..." Il a conclu sa réponse par un "bip" très significatif sur son sentiment.

Mettant de côté les émotions, j'ai rebondi sur la question de mon collègue : "Si vous aviez l'opportunité de continuer, le feriez-vous ?"

"J'ai fait un tour parfait aujourd'hui", a-t-il répondu sans équivoque. "J'ai fait un tour parfait à la course d'avant. Je fais du très bon travail. Parfois, vous [journalistes] ne regardez que les chiffres [Massa n'a que 36 points au compteur contre 40 pour Stroll]. Est-ce que vous dites qu'Alonso ne mérite pas d'être en Formule 1 parce qu'il est derrière son coéquipier au championnat ? Cela veut-il dire qu'il ne fait pas du bon travail ?"

"Franchement, de mon point de vue, je fais une excellente saison. Malheureusement, je n'ai pas les points que je suis censé avoir, mais ce n'est pas ma faute, c'est clair. En Russie, j'ai eu une crevaison en fin de course alors que j'étais sixième, 15 secondes devant le septième. À Barcelone, j'ai pris un très bon départ, j'ai passé Fernando, puis il a touché mon pneu. À Bakou, si je n'avais pas eu de problème mécanique, j'aurais même pu gagner la course."

"Mais les gens oublient ça très vite. Je suis un professionnel et je serai le premier à le dire si je ne fais pas une bonne saison, mais je suis content de mon rythme récent."

Il s'agissait là d'un argument suffisamment convaincant de la part d'un pilote qui a prouvé, au fil des années, être un sportif extraordinaire. Il a également prouvé sa rapidité, battant Stroll 15-2 en qualifications et se montrant trois à quatre dixièmes plus rapide le samedi après-midi, et est convaincu qu'il aurait pu doubler ses 36 points sans une certaine dose de malchance – mais même dans ce cas, Williams serait bien loin du total de Force India, qui occupe la quatrième place.

Quoi qu'il en soit, cela négligeait un facteur aussi malheureux qu'évident dans un sport qui est également un business : un sacrifice humain est souvent nécessaire lorsqu'un projet est considéré comme un échec. Il fallait que quelqu'un trinque, et c'est Massa qui a trinqué.

Felipe Massa, Williams FW40

Déconseillé aux -25 ans

Stroll a un contrat de trois ans et apporte un budget ; malgré son manque de confiance quand le train arrière est instable et le fait qu'il ne soit pas encore constant en qualifications, quand il est bien placé et dispose d'une bonne stratégie, il exécute très bien les courses.

Stroll est donc un atout fixe, dont l'équipe doit tirer une valeur maximale. Par conséquent, elle doit créer un environnement qui lui permet de tirer son plein potentiel du Canadien, au moins pour les deux années restantes de son contrat. Cela signifie qu'il ne faut pas l'associer à une influence potentiellement déstabilisante de l'autre côté du garage.

Évaluons donc les possibilités restantes. Daniil Kvyat et Pascal Wehrlein apportent leur propre bagage et doivent tous deux être maniés avec précaution. Après tout, c'est une frustration mutuelle qui a mené Kvyat à son départ du Red Bull Junior Team, celle du Russe générée par le manque de fiabilité et les performances en dents de scie de sa monoplace, celle de Toro Tosso par son apparente incapacité à faire plus de quelques tours de course sans accident.

Wehrlein fait partie de la famille Mercedes, mais n'a pas encore confirmé ses promesses. Williams n'a pas manqué de remarquer que Mercedes et Force India ont tous deux écarté Wehrlein lorsque l'opportunité d'un baquet s'est présentée, lui préférant Valtteri Bottas et Esteban Ocon. Force India a évalué Wehrlein et Ocon, et bien que le choix fût cornélien, l'éminence grise de l'équipe a conclu qu'Ocon avait davantage de potentiel et plus de soif de victoire. C'est peut-être une question de perception, mais la perception fait tout en Formule 1.

Pour Wehrlein, il y a aussi la question de Marcus Ericsson, dont on pourrait dire (en étant charitable) qu'il fait parfois de bonnes courses. Récemment, Wehrlein a été battu à plusieurs reprises par son coéquipier en qualifications. Compte tenu de la position de l'écurie en fond de grille, la Sauber étant la voiture la moins compétitive, Wehrlein se retrouve généralement sur des stratégies alternatives qui impliquent de longs relais sur des composés plus durs afin de gagner du terrain par rapport à la position obtenue le samedi après-midi. Gardons toutefois un peu de jugeotte et oublions la théorie du complot selon laquelle Ericsson est favorisé par ses sponsors personnels, qui sont également propriétaires de l'équipe.

Bien que Wehrlein et Kvyat restent en lice chez Williams, ils ne sont donc que des outsiders, d'autant qu'ils ont moins de 25 ans. Martini préférerait qu'au moins un des titulaires soit plus âgé, pour des raisons légales concernant l'utilisation de l'image de la marque à des fins mercantiles dans certains pays. Ce n'est pas une exigence formelle, selon nos informations, mais cela complique certainement la tâche aux deux jeunes loups.

Daniil Kvyat, Scuderia Toro Rosso, Pascal Wehrlein, Sauber

Kubica vs Di Resta

Paul Di Resta est suffisamment âgé pour porter les couleurs de Martini, mais il semblerait que l'équipe préconise sa présence dans son rôle actuel de pilote de réserve, un rôle dont il s'est parfaitement acquitté en Hongrie cette saison. Il servira toutefois de référence pour celui qui est le candidat le plus sérieux au baquet de Massa : Robert Kubica.

Williams avait déjà tenté de recruter Kubica en 2010, mais le Polonais avait choisi Renault, en grande partie par loyauté (il a fait partie de l'académie du losange au début des années 2000). Kubica a fait son retour au volant d'une F1 cette année, également avec le soutien de Renault, alors qu'il conclut son rétablissement suite au grave accident qu'il a subi en rallye en 2011.

Bien qu'il ait démontré une rapidité impressionnante dans diverses voitures de course, notamment une F1 actuelle, suffisamment de questions subsistaient pour que Renault lui préfère Carlos Sainz, prêté par Red Bull, lorsque l'opportunité s'est présentée.

Vu comme l'état-major de Renault a travaillé dur pour organiser les essais de Kubica, ce choix incite à la prudence. Tandis que l'endurance de son bras reste en doute sur une distance de course, il semblerait qu'un obstacle encore plus important subsiste : les compensations versées par les assurances après son accident, qui partaient du principe qu'il ne gagnerait plus jamais d'argent en tant que pilote de F1. Si Kubica fait son retour en Grand Prix, il devra trouver un accord financier avec ses assureurs.

Kubica a désormais testé une Williams de 2014 à deux reprises, à Silverstone et au Hugaroring, des essais que l'équipe a décrits comme "réussis" et "productifs", sans dévoiler de temps au tour. Mais nous savons des tests précédents que la rapidité ne manque pas.

Par conséquent, pourquoi ne pas donner sa chance à Kubica à Abu Dhabi ? Avec sa franchise, il correspond parfaitement aux valeurs historiques de l'écurie et ne jouera pas un jeu politique avec le gamin qui sera de l'autre côté du garage. Et puisque le plus proche rival de Williams pour la cinquième place du championnat des constructeurs, Toro Rosso, fait face à de multiples pénalités moteur pour ses deux pilotes à Interlagos, il y a une marge de manoeuvre pour la fin de la saison.

Si Kubica n'est pas suffisamment rapide, ou ne tient pas une distance de course, il s'auto-éliminera de la course au baquet 2018 et réduira les options de l'écurie, qui gardera plusieurs candidats à disposition.

En revanche, s'il est assez rapide, Kubica pourra facilement devenir le fer de lance de l'équipe dans la quête d'un titre constructeurs, au volant d'une voiture dont la conception sera menée par Paddy Lowe. Ce serait la belle histoire du siècle en F1, un scénario fantastique qui ravirait à la fois les fans et ce fameux sponsor dont le contrat arrivera bientôt à expiration.

À part James Bond, tout le monde sait qu'un bon martini est remué, pas secoué.

Robert Kubica, Renault F1 Team

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