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Quand Prost se souvient des derniers mois de Senna

Le quadruple Champion du monde Alain Prost est revenu sur la journée qui a tout changé dans sa relation avec son ennemi juré Ayrton Senna, six mois avant la mort du Brésilien à Imola.

Le Champion du monde Alain Prost, Williams, et le vainqueur Ayrton Senna, McLaren, pendant la conférence de presse

Photo de: LAT Images

Rétro : Dans l'Histoire des sports méca

Sur deux ou quatre roues, replongez-vous dans l'Histoire des sports mécaniques, celle qui a écrit la légende des hommes et des machines durant des décennies.

"Je ne vais pas célébrer cela comme certaines personnes", explique Alain Prost au sujet de l'anniversaire de la mort d'Ayrton Senna le 1er mai 1994 à Imola. "Je peux répondre à ces questions sur lui, aucun problème – c'était un gars exceptionnel  mais je ne vois pas cela de la même façon que les autres."

Pour comprendre pourquoi, il faut prendre en compte le contexte de leur histoire commune : Prost et Senna ont produit ce qui est la plus grande rivalité de la Formule 1. Après être devenus équipiers chez McLaren en 1988, la première étincelle vola quand Senna tassa de façon agressive Prost contre le muret des stands d'Estoril, incitant le Français à déclarer, plus tard : "Parfois, je reconnais qu'il m'a effrayé ; il était prêt à tout faire."

Alain Prost, McLaren MP4/4 devant Ayrton Senna, McLaren MP4/4 et Ivan Capelli, March 881 au départ

En dehors de quelques piques par médias interposés avant le couronnement de Senna en 1988, le vrai point de départ de leur rude bataille fut Imola 1989. Senna dépassa Prost à l'approche de Tosa au moment du second départ, qui suivait le terrible accident de Gerhard Berger, brisant ce que Prost voyait comme un pacte de non-agression. Mais Senna expliquait avoir terminé la manœuvre avant le virage et donc que cela n'entrait pas en ligne de compte.

Qu'il s'agisse d'une ruse de la part de Senna ou d'une façon de tordre la logique en sa faveur, Prost était furieux et leur inimitié n'allait faire que grandir. Leurs collisions successives à Suzuka en 1989 et en 1990 ternirent la réputation de la F1 et firent s'interroger sur jusqu'où pouvaient aller les pilotes pour gagner.

Accrochage entre Ayrton Senna, McLaren MP4/5 Honda et Alain Prost, McLaren MP4/5 Honda

Tous deux se sentirent traités injustement : Senna croyait que la FIA avait manipulé le résultat de 1989 en faveur de Prost  "la conséquence de la politique", déclarait-il  alors que Prost s'interrogeait sur l'éthique de Senna et même sur sa santé mentale.

Mais l'antipathie qui avait régné pendant une demi-douzaine d'années s'acheva au moment de la retraite du Français, après son titre avec Williams en 1993. À partir de ce moment-là, les ennemis devinrent amis. Ce qui est presque incroyable, étant donné que Senna avait souvent refusé de se référer à Prost par son nom, ne lui serrait pas la main ou ne lui parlait pas directement.

Ayrton Senna, McLaren MP4/5B

"Je ne garde pas les mauvais moments ou les mauvais souvenirs à l'esprit le concernant", affirme Prost. "Je garde en tête les six derniers mois [de sa vie]. C'est là que j'ai bien plus connu Ayrton qu'auparavant. Il était une personne complètement différente, j'ai compris qui il était et pourquoi parfois il agissait [d'une certaine façon]."

Quand on prend en compte la férocité de leur duel, résumé par le fait que Senna lança sa McLaren à fond dans la Ferrari de Prost dans le premier virage à Suzuka en 1990, c'est un sacré retournement de situation à appréhender.

Podium : le vainqueur Ayrton Senna, McLaren, le second et Champion du monde Alain Prost, Williams

"Je me souviens de sa manière d'être [quand nous étions rivaux] comme un compliment. J'ai fini par comprendre que la principale motivation d'Ayrton, quasiment son unique motivation, était de se concentrer sur moi et de me battre."

"C'est pourquoi, quand nous avons été sur le podium ensemble en Australie en 1993, quand j'ai arrêté, quelques secondes plus tard il était déjà une personne différente." Le Brésilien, après ce qui allait devenir sa toute dernière victoire, a en effet insisté pour que Prost le rejoigne sur la première marche du podium après avoir reçu le trophée de la seconde place, le tirant vers lui pour qu'ils soient côte à côte. "C'est le souvenir que notre relation que je retiens aujourd'hui."

Prost se rappelle avec affection de ses discussions avec Senna suite à sa retraite, et admet qu'il y a de l'ironie dans le fait qu'elles aient souvent eu pour sujet le besoin d'améliorer la sécurité des voitures et des circuits.

"Vers la fin, quand nous étions proches, c'était très étrange parce que nous parlions de la sécurité insuffisante et de ce genre de choses. Il me demandait beaucoup de prendre la tête du GPDA, et j'ai dit non. Nous avons eu des discussions très privées ensemble à cette époque. C'était très étrange."

"J'ai gardé ce souvenir [de lui] de ce moment-là jusqu'à son dernier jour, parce que je l'ai vu deux ou  trois fois, et juste avant [la course à Imola], et évidemment il était déjà cette personne différente vis-à-vis de moi. C'est pourquoi je préfère penser uniquement à cela."

Durant les terribles événements du tragique week-end d'Imola 1994, une course que Prost commentait sur place pour TF1, il discuta avec Senna plusieurs fois, et notamment à deux reprises le matin de la course : une fois quand Senna le sollicita en dehors de la régie TV et une autre fois quand Prost est venu le voir dans le garage Williams.

Il se souvient également du célèbre message passé par Senna à Prost à la radio ("Un bonjour spécial à mon cher... notre cher ami Alain : tu nous manques, Alain !") lors d'un tour de présentation du circuit réalisé en essais libres, et dont le Français a pris connaissance dans la cabine de commentaire.

Prost confirme : "Ayrton m'a appelé le samedi, donc je l'ai vu le samedi et je l'ai rencontré deux fois le dimanche ; la constante principale [des conversations] était la sécurité et le fait qu'il n'était pas heureux de la situation, estimant que la Benetton n'était pas légale. Il était très focalisé sur ça, mais c'était très bizarre... Très bizarre."

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