Hommage

Quand Max Mosley racontait les coulisses de la F1

Décédé ce lundi 24 mai à l'âge de 81 ans, celui qui a dirigé la FIA quatre mandats durant, de 1993 à 2009, a lors des années suivant son retrait plusieurs fois évoqué des souvenirs, soit lors d'entretiens ou bien à travers sa propre autobiographie. 

Nick Wirth, directeur de Simtek, discute avec Max Mosley, président de la FIA

Photo de: Sutton Motorsport Images

En Formule 1, très peu sont ceux qui argumenteraient contre le fait que l'exercice de Jean Todt en tant que président de la FIA contraste complètement avec celui de son prédécesseur Max Mosley. Là où Todt s'est concentré sur l'absence de conflit et sur son dévouement à la lutte pour la sécurité routière, la mandature de Mosley a été faite de confrontations, d'histoires et de controverses, transformant la Formule 1 en un sport tel qu'on le connaît aujourd'hui.

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Les souvenirs de Mosley sont parfois fascinants puisqu'ils nous offrent un aperçu de ce qu'a été l'envers du décor en F1, et les incroyables moments dont il a été témoin. Il y a notamment les souvenirs de Mosley avec James Hunt et l'équipe McLaren après la manche finale pour le titre mondial à Fuji en 1976. Bien arrosée au champagne, la soirée consistait à téléphoner à des habitants pour voir combien de temps la conversation allait durer en japonais.

L'histoire de Mosley rappelle également à quel point la F1 peut être dangereuse. Il avait ainsi évoqué ses souvenirs de la course de Formule 2 à Hockenheim en 1968, où Jim Clark s'était tué : "La toute première course que j'ai faite, en Formule 2 à Hockenheim, c'est lorsque Jim Clark s'est tué. Sur les 21 ou 22 pilotes sur la grille, c'était en avril, trois sont morts d'ici le mois de juillet. Et l'un des pilotes de nos pilotes de 1970, Jo Siffert, s'est tué l'année suivante dans une BRM à Brands Hatch."

Hans-Joachim Stuck, March, et son patron Max Mosley.

Hans-Joachim Stuck, March, et son patron Max Mosley.

Le plus émouvant reste le moment où la fatalité s'est imposée et où il faut composer en présence des familles touchées. En se remémorant la mort de Roger Williamson à Zandvoort en 1973, Mosley a un jour confié : "C'était non seulement tragique mais aussi atroce, parce que la voiture s'est retournée et a pris feu. Les autres voitures ont continué à rouler, à part David Purley qui s'est arrêté et a essayé de la remettre sur ses roues, mais il ne pouvait pas le faire tout seul ! Roger n'était pas blessé dans la voiture, mais elle avait pris feu."

"J'étais avec son père dans le garage et je voyais ce qui se passait sur un des écrans. Son père m'a dit 'Roger va bien, hein ?', et j'ai dû lui dire que je pensais que non. Ce genre de choses reste avec vous pour toujours. Quand cela arrive, on se dit : 'Est-ce que je veux encore m'impliquer là-dedans ?'."

Ces événements tragiques ont évidemment pesé lourd dans le combat mené ensuite par Mosley pour améliorer drastiquement la sécurité en sport automobile. "J'avais le sentiment que bien que ce soit un sport merveilleux et passionnant, il ne devrait pas être nécessaire que de jeunes gens prennent des risques inouïs, et que les instances dirigeantes devraient s'assurer que les gens arrivent en un morceau et repartent en un morceau," soulignait-il.

"Dans les années 1960, si l'on disait quelque chose aux gens qui géraient la F1, ils répondaient : 'Vous n'êtes pas obligé de le faire. Ce n'est pas obligatoire, personne ne vous force à courir. Et si vous pensez qu'un virage est dangereux, alors ralentissez, comme vous le feriez sur la route'. C'est complètement irréaliste. C'est la vérité des pilotes de course. Si l'on a deux voitures, une très sûre, l'autre très dangereuse, mais la voiture dangereuse va une seconde plus vite au tour, ils vont tous choisir de piloter la dangereuse. C'est aux instances dirigeantes de les protéger, ils ne se protégeront pas eux-mêmes."

 

Max Mosley ne s'est jamais laissé aller à aucune énorme révélation, et il a d'ailleurs souvent semblé soucieux de ne pas s'attarder sur de nombreux détails concernant les événements dont il a été proche. Néanmoins, il y a quelques petites anecdotes fascinantes, et même quelques frustrations personnelles exprimées lors de son mandat à la tête de la FIA, concernant l'interdiction de certaines innovations.

Une histoire intéressante évoque également la manière dont, en tant que président de la FIA, il a dû aider un jeune pilote de karting à pouvoir courir en France après avoir été bloqué par un certificat médical qui n'était soi-disant pas en ordre. Une fois le problème résolu, et le jeune homme ayant triomphé, un certain Lewis Hamilton lui a envoyé plus tard une photo dédicacée d'une couverture de magazine.

Mosley a également un jour évoqué le 11 septembre 2001, expliquant que Michael Schumacher voulait que les pilotes refusent de courir à Indianapolis, par crainte d'une autre attaque terroriste : "Schumacher est allé voir les pilotes le week-end suivant [les attentats] à Monza en les pressant de refuser d'aller à Indianapolis la semaine suivante, par peur d'un autre incident."

Certaines des pages les plus passionnantes de son autobiographie sont celles dédiées à sa fonction autour de la F1 et des autres catégories, alors qu'il parle de ses tentatives pour faire bouger les règles. Toutes les controverses majeures sont évoquées, même s'il n'y a qu'un seul paragraphe faisant référence aux suspicions d'utilisation illégale d'un contrôle de traction chez Benetton en 1994. Cela n'a jamais été prouvé, le logiciel ayant été découvert à la fin de la saison et l'écurie assurant qu'il avait été débranché toute l'année.

Mosley avait révélé comment cette année-là, à Saint-Marin, la FIA a saisi du matériel électronique de l'équipe : "Malheureusement, dans toute la confusion et le stress ayant suivi ce désastreux week-end [marqué par les décès tragiques d'Ayrton Senna et Roland Ratzenberger], j'ai fait l'erreur d'autoriser leur retour chez Benetton avant d'avoir été totalement vérifiés."

Le duo de choc avec Ecclestone

Mosley ne s'est jamais publiquement attardé sur la politique de la FIA, mais il est parfois revenu sur la guerre entre la FISA et la FOCA, durant laquelle l'ancien président de la FIA, Jean-Marie Balestre, avait posé sur une table une liste comportant les noms de dissidents au sein de la fédération. Mosley avait bousculé la table et Ecclestone avait récupéré la liste au sol. "Balestre était désespéré", décrivait Mosley. "Il répétait sans cesse : 'Ma liste, ma liste, merde ! Où est ma liste ?'. Nous l'avons aidé à la chercher mais sans succès. Elle était en lieu sûr dans la poche de Bernie."

Max Mosely et Bernie Ecclestone en juillet 1973.

Max Mosely et Bernie Ecclestone en juillet 1973.

Le tandem formé par Mosley avec Ecclestone reste d'ailleurs l'aspect probablement le plus marquant de son implication en F1. Une collaboration qu'il percevait d'une manière très précise.

"Bernie pense incroyablement vite", expliquait-il. "À l'époque où il vendait des voitures, on le savait capable d'évaluer la valeur des voitures présentes dans une salle d'exposition au premier coup d’œil, et d'autres choses qui prendraient trop de temps à raconter. Il pensait incroyablement vite, et c'était un brillant tacticien, c'est comme ça qu'il a gagné beaucoup d'argent avec ce business."

"Ce qui m'intéressait, c'était le côté politique de la F1. J'avais le sentiment qu'il était mal que ces vieux gars dirigent un sport qu'ils ne comprenaient pas vraiment. Je voulais que nous ayons plus de contrôle sur la façon dont cela fonctionnait. C'était mon objectif mais cela correspondait aussi à celui de Bernie. Mon expérience d'avocat, et le fait d'avoir étudié les sciences à l'université, allaient très bien avec l'expérience de Bernie en affaires et sa réputation de meilleur vendeur de voitures d'occasion du pays. Nous allions très bien ensemble."

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