Opinion

Red Bull, le jeu de patience de Nico Hülkenberg

Les circonstances ont amené Nico Hülkenberg à participer à plusieurs Grands Prix cette saison, et le voici désormais candidat à un baquet chez Red Bull pour 2021. Problème : il n'est pas maître de son destin.

Nico Hulkenberg, Racing Point

Glenn Dunbar / Motorsport Images

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En quittant le paddock l'an dernier au soir du Grand Prix d'Abu Dhabi, Nico Hülkenberg était vu comme un pilote n'ayant pas saisi toutes les opportunités se présentant à lui. En dépit de son parcours brillant chez Williams, Force India, Sauber et Renault, il avait échoué à signer les gros résultats qu'il méritait peut-être. Il y a bien sûr eu cette superbe pole position avec Williams au Brésil, en 2010, mais sa carrière reste percluse de moments qui lui ont échappé. Il y a eu la sortie de piste à Hockenheim l'an passé, qui a joué un rôle important dans la décision prise par Renault de le remplacer par Esteban Ocon. Et puis, bien sûr, le fameux Grand Prix du Brésil 2012, lorsqu'il a commis une erreur alors qu'il luttait pour la tête de la course face à Lewis Hamilton.

Devant la presse à Yas Marina en fin d'année dernière, il avait même admis avoir eu "le cœur brisé" en regardant une rediffusion de ce Grand Prix quelques jours auparavant. "Avant le Safety Car, je menais avec 50 secondes d'avance [Hülkenberg avait une seconde d'avance sur Button et 48 sur Hamilton, ndlr]", se souvenait-il. "C'était une course spéciale et un jour spécial pour un très jeune Hülk. C'est l'une des performances qui ont marqué l'Histoire." La victoire ce jour-là aurait-elle changé sa carrière ? "Peut-être. Mais c'est toujours difficile de dire ce qui se serait passé dans cette situation. Je ne sais pas."

Max Verstappen, Red Bull Racing and and Nico Hulkenberg, Racing Point celebrate in Parc Ferme

Les états d'âme d'Abu Dhabi appartiennent au passé, et toutes les discussions du moment tournent désormais autour de l'avenir de Nico Hülkenberg. Le voici au centre d'une histoire passionnante, où des événements dont il n'avait pas le contrôle lui permettent même aujourd'hui de songer à un baquet chez Red Bull Racing. Si Sergio Pérez n'avait pas eu la malchance d'attraper le COVID-19 à la veille du Grand Prix de Grande-Bretagne, et si Lance Stroll n'était pas tombé malade le vendredi du Grand Prix de l'Eifel, Hülkenberg aurait peut-être déjà disparu des radars en F1.

Au lieu de ça, ces deux absences lui ont permis de saisir des opportunités inattendues. Alors qu'il y a quelques mois les discussions entre Hülkenberg et Red Bull ne concernaient qu'un rôle de consultant pour une chaîne de télévision, voici qu'il devient une option pour un baquet 2021. Pour la première fois sans doute, au micro de la télévision allemande, Helmut Marko a publiquement évoqué l'idée de recruter un pilote venant de l'extérieur. Et il est intéressant de noter que les chances de l'Allemand ne reposent pas uniquement sur ce qu'il a fait au volant : les performances des autres ont aussi mis sa compétitivité en lumière.

Le plus notable reste la manière dont Daniel Ricciardo a fait sensation avec Renault. Le podium décroché par l'Australien le week-end dernier au Nürburgring, sa contribution pour ramener l'écurie d'Enstone aux avant-postes et la façon dont il a mis Ocon dans l'ombre ont permis d'apprécier un peu plus son niveau. Et cela apporte alors un nouvel éclairage sur ce qu'a réalisé Hülkenberg en étant au niveau de Ricciardo l'an dernier. Ricciardo a pris l'avantage sur la durée du championnat 2019, mais il n'y avait pas de fossé entre eux deux. Sans surprise, Red Bull a fait ses calculs entre Hülkenberg et Ricciardo, puis entre Ricciardo et Verstappen.

Nico Hulkenberg, Racing Point RP20

Interrogé sur la possibilité de recruter un pilote expérimenté comme Sergio Pérez ou Nico Hülkenberg, Helmut Marko voit les choses ainsi : "La question est de savoir à quel point ils seraient distancés par Max ? Nous avons des comparaisons avec Ricciardo et nous pouvons tirer des conclusions quant à la situation des pilotes. Je crois qu'aucun ne sera à moins de trois dixièmes [de Verstappen]." S'il s'agit réellement de la référence que recherche Red Bull pour le coéquipier de Verstappen, il faut admettre que Hülkenberg devrait être capable de s'aligner sur un tel rythme.

Au-delà des performances en piste, il est fascinant d'entendre à quel point Hülkenberg a pu avoir une influence en coulisses dans l'équipe Racing Point. Même en y effectuant une pige imprévue au mois d'août, il a permis à l'écurie d'aller dans la bonne direction avec le développement de sa monoplace. L'Allemand a ainsi contribué directement aux récentes évolutions qui ont fait leur apparition sur la RP20.

"Certains des développements apportés à la voiture étaient une conséquence directe de ses commentaires faits à Silverstone, et c'est vraiment intéressant", révèle le directeur technique Andy Green. "Du coup, son ressenti après la course en Allemagne suscitait beaucoup de curiosité. Il a mentionné des choses qu'il a aimées, des changements sur la voiture et dans la manière de la régler. Il a parlé aussi de ses sensations. Nous avions fait ces modifications après Silverstone. Nous ne nous attendions pas à le voir de nouveau au volant de la monoplace. Mais ça s'est fait, et nous avons maintenant son sentiment sur les évolutions que nous avons introduites sur la voiture. C'était très intéressant, et vraiment important."

Nico Hulkenberg, Racing Point

On peut faire la liste des pour et des contre en vue d'un recrutement de Hülkenberg par Red Bull, mais la réalité reste que ce scénario dépend en premier lieu des performances d'Alexander Albon lors des prochains Grands Prix. Jusqu'à présent, l'écurie de Milton Keynes s'est montrée patiente et a encouragé son pilote. Il n'a jamais été attendu de lui qu'il vienne se hisser au même niveau que Verstappen, tandis que l'équipe a admis que le déséquilibre aéro dont souffrait la RB16 en début de saison ne l'avait pas aidé. Cependant, au fur et à mesure que l'équipe autrichienne progresse en compétitivité, il lui faut deux pilotes au niveau et la pression va s'accroître sur les épaules d'Albon.

Tout ce qu'a évoqué Red Bull pour défendre sa performance du Nürburgring a du sens, mais tout changera quand l'équipe sera au point près au championnat constructeurs, ou quand elle perdra une course en raison d'options stratégiques limitées à une seule voiture capable de se battre à l'avant. Le week-end dernier en Allemagne, si Albon avait suivi Verstappen de près derrière Hamilton, cela aurait ouvert des options stratégiques pour Red Bull… Ce scénario s'était déjà produit au Grand Prix de Hongrie 2019, quand Verstappen s'était retrouvé seul et exposé, et que le tout avait mené à la rétrogradation de Pierre Gasly chez AlphaTauri.

Si l'on en croit Helmut Marko, Albon a jusqu'au Grand Prix de Turquie pour faire définitivement ses preuves. Verstappen n'a jamais couru sur aucun des trois prochains circuits visités (Portimão, Imola et Istanbul), ce qui pourrait niveler légèrement l'écart entre les deux pilotes Red Bull. Trois Grands Prix, c'est une durée suffisante pour voir si Albon exploite correctement les évolutions apportées par l'équipe à sa monoplace au Nürburgring, et qui semblent avoir réduit l'écart avec Mercedes.

Alex Albon, Red Bull Racing RB16, leaves his ppit box after a stop

Si Albon n'est pas à la hauteur des espoirs de Red Bull, Hülkenberg se retrouvera-t-il en tête de liste ? Clairement, oui. Nombreux sont ceux qui ont estimé que Gasly, après sa victoire à Monza, mériterait une deuxième chance. Mais les dirigeants de la firme autrichienne se sont toujours montrés très clairs : pour eux, l'avenir du pilote français sera mieux servi chez AlphaTauri. L'écurie de Faenza n'est plus considérée comme le junior team de Red Bull mais comme son écurie sœur, et Gasly est performant dans cet environnement.

En choisissant Hülkenberg, Red Bull disposerait d'un profil expérimenté, rapide, metteur au point et peu politique. Tout le monde le connaît, il s'entend bien avec Verstappen et tous deux formeraient une paire solide. Évidemment, il faudrait que Red Bull ravale son chapeau en acceptant d'aller recruter un pilote ne provenant pas de son propre programme junior. Mais nous sommes en F1 et le plus important reste d'avoir deux voitures en mesure de se battre pour les premières places.

C'est désormais un jeu de patience pour Hülkenberg, car tout dépend de ce que fera Albon. Une chose est certaine : il s'est donné les moyens de saisir chaque opportunité cette année. Sans doute n'a-t-il jamais été aussi proche de cette monoplace capable de gagner qu'il a espérée tout au long de sa carrière…

Nico Hulkenberg, Racing Point

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