Red Bull, seul rival sérieux de Mercedes en 2020 ?

À une autre époque, avant que le calendrier prévu pour 2020 ne soit balayé par la pandémie de coronavirus et les blocages qui en ont résulté, les six jours de tests d'avant-saison à Barcelone avaient permis d'établir un guide théorique de la hiérarchie en Formule 1 pour cette nouvelle saison.

Max Verstappen, Red Bull Racing, vainqueur

Photo de: Glenn Dunbar / Motorsport Images

Tous ceux qui espéraient des signes clairs d'un soudain faux-pas de Mercedes avec la W11 en furent quitte pour une déception, car l'équipe qui a remporté les 12 titres depuis 2014 a terminé en tête lors des deux tests de trois jours. Mais une teinte de drame s'était cependant profilée en arrière-plan : en effet, Mercedes a dû changer de moteur à deux reprises en raison de problèmes de fiabilité qui touchèrent aussi l'équipe cliente Williams.

Néanmoins, c'est l'équipe qui a terminé directement derrière Mercedes lors des trois derniers championnats des constructeurs qui a semblé particulièrement abattue quant à ses chances. La Scuderia Ferrari a passé les deux séances de tests de Barcelone à mener un programme visant à comprendre parfaitement la SF1000 et à ne pas s'emballer avec des temps. Le début d'année 2019, quand tant d'espoirs avaient pris une vive claque une fois les F1 arrivées sur les courses, est encore dans tous les esprits chez les Rouges.

Les inquiétudes de Ferrari

La Ferrari semblait clairement donner du fil à retordre à Charles Leclerc et Sebastian Vettel dans les virages et était en retrait en ligne droite. L'entérinement d'un accord secret entre Ferrari et la FIA concernant son groupe motopropulseur de 2019 explique peut-être ce dernier point. Ce sujet représentait le point de controverse majeur attendu pour le week-end d'ouverture de la saison, en Australie… avant qu'un problème plus sérieux ne vienne frapper cette course ! Comme pour souligner délibérément la dure réalité de Ferrari, le directeur d'équipe Mattia Binotto, insistait sur le fait que le Cheval Cabré ne "dissimulait pas" la performance et qu'il semblait que les "principaux concurrents" étaient "certainement plus rapides".

Binotto a bel et bien utilisé un pluriel. Red Bull Racing semble en effet être le plus proche challenger de Mercedes. L'équipe de Milton Keynes est habituellement en pleine effervescence sur "son" circuit en Autriche, où Max Verstappen a remporté deux courses somme toute divertissantes ces deux dernières années, et où Mercedes a connu des difficultés.

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Bien que Mercedes ait été frappée par des problèmes d'hydraulique et de pression de carburant en 2018 et que des problèmes de refroidissement aient considérablement freiné son rythme l'année dernière, deux victoires sur les deux dernières éditions au Red Bull Ring demeurent de bon augure pour l'équipe dirigée par Christian Horner... d'autant plus que la F1 s'y produit deux fois en l'espace d'une semaine.

"Ce fut un excellent circuit pour nous ces deux dernières années", sourit le Britannique, tout en refusant de s'emballer. "Les Mercedes y ont été moins performantes ces deux dernières années, mais nous ne prenons rien pour acquis. Ils abordent toujours la saison comme les favoris. Ils ont affiché la meilleure forme lors des tests d'avant-saison. Mais nous espérons pouvoir les pousser assez fort sur ce circuit qui a été bon pour nous."

Une équipe Red Bull appliquée

La forme de Red Bull lors des tests d'avant-saison était plus difficile à décrypter, mais l'équipe dégageait une confiance tranquille alors qu'elle s'apprêtait à terminer son programme de Barcelone. Verstappen y a placé l'équipe à la deuxième place du classement général, à 0''537 du meilleur chrono de Valtteri Bottas, mais en réalisant son meilleur temps sur le pneu d'essai C4 Pirelli – un cran moins performant que le C5 employé sur la machine du pilote Mercedes. La RB16 avait l'air absolument plantée au sol lorsqu'on l'a vue sur la piste de Barcelone et le fait que Red Bull ait évité d'utiliser le pneu le plus tendre pour réaliser son meilleur temps (sans parler d'un coup de frein donné en pleine ligne droite par Verstappen, remarqué sur les caméras embarquées) laisse penser que l'équipe essayait de garder ses performances sous contrôle.

En apparence, il pouvait néanmoins sembler y avoir quelques problèmes car Verstappen et Albon ont tous deux réalisé plusieurs tête-à-queue. De violentes bourrasques de vent et une portion humide ont été décrites comme les explications aux pirouettes de Verstappen. On tend à croire celles-ci, car la Red Bull ne semble pas affectée par des problèmes d'équilibre nés. "Je pense que nous avons connu une bonne pré-saison", déclare Christian Horner. "J'ai eu l'impression que Mercedes avait encore de l'avance. Mais tout va se jouer sur le rythme du développement, et évidemment aussi l'évolution de Honda. Je suis sûr que les meilleures équipes apportent toutes les évolutions qui auraient normalement été [ajoutées] au début de la saison européenne et il s'agira de savoir combien cela apporte. Qui va ajouter le plus de performance à ses voitures ?"

Beaucoup de nouveautés techniques d'un coup

Cela nous amène à un point de réflexion intéressant. Les voitures qui prennent la piste pour le Grand Prix d'Autriche ce week-end ne sont pas exactement les mêmes que celles qui ont quitté Barcelone en février. La pandémie a peut-être avancé la pause estivale au printemps (!) et celle-ci a été prolongée de trois à neuf semaines, mais les équipes avaient des améliorations prêtes à être mises en œuvre après les essais. Et si la saison avait commencé comme prévu, elles auraient ajouté d'autres évolutions pour le retour en Europe, sur le Grand Prix des Pays-Bas (depuis annulé).

"Le processus [de développement] normal s'est poursuivi car une grande partie de celui-ci était en cours après les tests : ils auraient été introduits à Zandvoort", explique Horner. "Des évolutions auraient également fait leur apparition au Vietnam [prévu initialement avant le GP des Pays-Bas suite à l'annulation de la Chine]. Ainsi, elles sont toutes emballées et prêtes à apparaître sur la voiture en Autriche."

Cette situation s'applique à toutes les équipes. Le plateau évaluera si les évolutions fonctionnent comme prévu. Et comme les grandes équipes apportent généralement des améliorations constantes course après course compte tenu de leurs niveaux de ressources plus élevés, le fait de mettre tout cela en même temps sur les autos augmente la perspective de découvertes et approximations au moment de corréler les données.

Chez Ferrari, Binotto était catégorique sur le fait que son équipe était derrière Mercedes et Red Bull en février, mais il a en même temps insisté sur le fait que la Scuderia serait de retour au fur et à mesure que la saison avancerait. En arrivant en Autriche, néanmoins, l'équipe italienne faisait de nouveau profil bas et ne s'annonçait pas comme un candidat certain à la victoire.

Lorsqu'on lui demande de commenter les propos de Binotto sur le rythme de Ferrari lors des essais hivernaux, qui a ainsi fait monter la pression sur Red Bull pour qu'elle se batte contre Mercedes, Horner répond : "Il est évident que nous disposons d'une analyse – que nous avons tous – avec les superpositions de [positions] GPS. Et vous avez pu constater que leurs performances en ligne droite ont été nettement inférieures à celles de l'an dernier. Mais je suis sûr qu'ils ont travaillé dur depuis et qu'ils seront des rivaux en Autriche. Mais en pré-saison, vous pouviez en effet voir qu'ils étaient en retrait par rapport à leurs performances d'il y a 12 mois".

Développer pour aller chercher la référence Mercedes

De l'avis de tous, qu'il s'agisse de Red Bull, de Ferrari ou même de notre modeste rédaction, c'est Mercedes qui s'est imposé comme la référence à l'abord des deux courses autrichiennes. L'équipe capitalise sur six ans de succès en guise de preuve de son potentiel et a maintenu sa capacité à conserver sa place de meilleur package en F1 quelles que soient les évolutions de la réglementation technique et sportive. On peut donc s'attendre à ce que Mercedes ait fortement développé la W11, en dépit du retard provoqué par le coronavirus. Comme Red Bull, l'équipe avait des évolutions prêtes à être ajoutées lors des événements du printemps, et elle a un compte à régler au Red Bull Ring.

"Si vous imaginez où se trouvait la voiture à son lancement et la voiture qui serait allée en Australie, les choses ont été gelée aux alentours de Noël", a récemment expliqué James Allison, directeur technique de Mercedes. "Il y a eu tout le mois de janvier, tout le mois de février, tout le mois de mars, tout cela pour rendre la voiture plus rapide dans la soufflerie et aussi dans les bureaux d'études. Nous avions beaucoup d'idées sur la façon de la rendre plus rapide et beaucoup de ces idées étaient déjà en cours d'élaboration par le bureau d'études avant que nous ne soyons obligés de fermer."

"Le défi pour nous consiste maintenant à faire en sorte que ce quart d'année de développement puisse enfin quitter les planches à dessin et s'intégrer au sein de la voiture aussi rapidement que possible. Nous comptons en avoir une bonne partie pour la première course en Autriche et la saison par la suite nécessitera autant de développement que possible, aussi vite que nous pourrons le faire, afin que ce soit intégré à la voiture progressivement."

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La saison 2020 de F1 va être très différente de ce que nous attendions tous. La pandémie est loin d'être terminée et le fait que des courses se tiennent tout de même dans une certaine mesure témoigne du travail acharné et des protocoles que les acteurs du championnat ont établis pour s'assurer que la F1 puisse se rendre dans différents pays en toute sécurité. Mais nous serons certainement loin de la longueur record de 22 courses qui avait été prévue pour ce championnat, et il n'y a aucune garantie quant au fait que la saison atteindra l'objectif de "15 à 18" manches fixé par Chase Carey, le PDG de la F1. L'évolution de la pandémie pourrait encore empêcher le championnat de traverser le globe.

Bien qu'il s'agisse de deux compétitions distinctes, les campagnes 2020 et 2021 sont désormais intrinsèquement liées par la pandémie, puisque les voitures actuelles seront conservées pour une deuxième saison par mesure d'économie. Les équipes pourront effectuer deux développements via un système de mise à niveau en accord avec la FIA pour 2021 (McLaren doit dépenser des jetons pour adapter sa MCL35 aux moteurs Mercedes qu'elle utilisera à partir de 2021), mais pour l'essentiel, ce dont elles disposent actuellement et la manière dont elles pourront l'adapter au cours des prochains mois est bloqué jusqu'à ce que la dernière remise à plat fondamentale des règles techniques soit finalement mise en place pour 2022.

"Dans les faits, nous avons un an et demi pour sortir de ce [cycle de] voitures", analyse Christian Horner. "Ce sera donc une saison de type 'exécution-utilisation' cette année, avec un développement prolongé qui se poursuivra avec cette voiture l'année prochaine." Autrement dit, aucune raison de ne pas se montrer agressif et constant dans l'élaboration d'un plan de développement.

Dernières mises au point pour la confiance

Avant d'arriver à Spielberg cette semaine, Red Bull a eu un "avantage" dans sa préparation pour le Grand Prix d'Autriche spécifiquement. Il s'agit de la seule équipe de "classe A" à avoir effectué des essais avec sa monoplace 2020 mais il s'agissait d'un roulage limité à 100 km dans le cadre d'un tournage promotionnel, le tout avec des pneus de démonstration. Mercedes et Ferrari ont opté pour des essais illimités en kilométrage avec leurs autos 2018, respectivement à Silverstone et au Mugello. Le but de ces runs était en grande partie de tester les nouveaux protocoles de sécurité requis pour ce que le directeur sportif de la F1 Ross Brawn a appelé une "biosphère", c'est-à-dire une distanciation physique pour les membres de l'équipe portant un équipement de protection individuelle. Mais cela ne signifie pas que le patron de Red Bull a manqué une occasion de marquer un point psychologique concernant la course de ce week-end.

"C'était bien de leur faire refaire certains des fondamentaux : les arrêts aux stands et certains des fondamentaux juste pour faire sauter les toiles d'araignée", explique Horner. "C'était un exercice utile. C'est bon de voir les voitures rouler à nouveau et de voir l'équipe descendre de nouveau directement sous les deux secondes sur nos arrêts au stand."

"Ça va être intense", poursuit-il. "Les courses vont être intenses et rapides." Le Britannique assure avoir le sentiment d'entrer dans la saison "le mieux préparé que nous l'ayons probablement été depuis 2013"… l'année du dernier titre mondial remporté par Red Bull. "Il est certain que sous l'ère des hybrides, c'est notre meilleure intersaison. Notre deuxième année de relation avec Honda nous semble plus intégrée et ils font partie intégrante de l'équipe, maintenant. Nous sommes enthousiastes, nous sommes vraiment excités d'aller faire la course."

Si Red Bull peut atteindre les sommets conquis en 2013 et mener le combat contre Mercedes, alors, quelle que soit la durée de la saison 2020, celle-ci s'annoncera encore plus remarquable pour les historiens du sport automobile. La typologie du calendrier sur les premières épreuves pourrait contribuer à créer une dynamique plaisante pour le team et pousser Mercedes dans ses retranchements.

Cessons donc de tirer des plans sur la comète et attendons samedi après-midi et la fin des qualifications, pour de premières indications plus claires sur ce qu'est nouvelle réalité de la F1 en 2020…

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