Analyse

Stefano Domenicali : la relève de la garde

Chase Carey va bientôt quitter la tête de la Formule 1 pour céder sa place à Stefano Domenicali, ancien directeur de Ferrari. Que peut-on attendre de la dernière recrue en date à occuper de telles responsabilités après avoir été impliqué dans la compétition ?

Jean Todt et Stefano Domenicali

Photo de: GP Racing

Quatre ans seulement après l'acquisition de la Formule 1 par Liberty Media auprès de CVC Capital Partners, les craintes de voir les nouveaux propriétaires américaniser la discipline ont disparu grâce à une série d'accords astucieux, puis à la nomination de Stefano Domenicali comme directeur exécutif. Le plafonnement budgétaire et les nouveaux Accords Concorde désormais conclus, Chase Carey rentre aux États-Unis : mission accomplie pour la première phase de l'ère Liberty en F1.

Son remplaçant fait face à la lourde tâche d'aider la F1 à se remettre des ravages du COVID-19, relancer les projets de croissance de l'entreprise, relever des défis tels que la réponse de la F1 au paysage médiatique en pleine mutation, et atteindre l'objectif ambitieux de présenter une empreinte carbone neutre d'ici 2030. Difficile d'imaginer un recrutement plus non-américain et plus puriste en matière de F1 que celui de Domenicali, né à Imola et qui a étudié dans la plus ancienne université du monde à Bologne avant de passer 23 années chez Ferrari. Tout au long de son parcours jusqu'à la tête de la Scuderia, il a occupé différentes fonctions dans l'entreprise : chargé des finances du personnel, directeur de course du Mugello, responsable du sponsoring, team manager et directeur sportif pendant les années Michael Schumacher.

N'importe qui a travaillé avec Domenicali vous dira que c'est quelqu'un de sociable. Les relations qu'il a nouées au cours de toutes ces années à Maranello devraient l'aider. L'ancien patron de Ferrari, Jean Todt, à qui il a succédé comme directeur d'équipe en 2008, devrait rester président de la FIA encore deux ans, et c'est un chassé-croisé idéal pour les deux hommes. Par ailleurs, les responsabilités de Domenicali à la tête de la Commission monoplace de la FIA lui confèrent une solide compréhension de la manière dont fonctionne l'instance internationale.

En la personne de Ross Brawn, Stefano Domenicali retrouve un autre ancien collègue de chez Ferrari, qui devient désormais un lieutenant clé après avoir pris des décisions cruciales pour remanier les réglementations techniques et sportives de la F1. Brawn et son équipe technique aideront Domenicali à définir l'avenir de la discipline au-delà de l'actuelle ère hybride et à prendre le taureau par les cornes pour ce qui est de la pertinence de la F1 vis-à-vis des voitures de route en cette période de changement sans précédent.

Prince Albert II de Monaco sur la grille avec Stefano Domenicali, Chef Exécutif FOM

Il faut aussi prendre en considération le fait que Domenicali connaît déjà presque tous les directeurs d'équipe, à commencer par Mattia Binotto, avec qui il a travaillé pendant 19 ans chez Ferrari. Dans les couloirs des bureaux de la F1 à Londres ou dans les salles de réunion de la FIA à Paris, Domenicali est connu et respecté. Un dirigeant haut placé reconnaît que l'Italien, âgé de 55 ans, a tracé son chemin sans se faire d'ennemis. Cela s'explique en grande partie par l'habitude qu'il a de prendre le temps avec les gens. Domenicali fait preuve d'une ouverture qui présage un style de gestion très différent de celui très vertical et old-school de la Formule 1.

En devenant l'homme qui remplace l'homme qui a remplacé Bernie Ecclestone, se pose la question de savoir si Domenicali est suffisamment fort. C'est une chose d'être aimé, c'en est une autre de diriger une entreprise au chiffre d'affaires de plusieurs milliards de dollars qui exigera une main de fer avec les équipes, les promoteurs, les diffuseurs et les sponsors.

À cet égard, l'approche de Domenicali sera le reflet de son passage chez Ferrari, et plus récemment comme PDG de Lamborghini : être le capitaine du navire en fixant le cap du voyage mais en s'appuyant sur une équipe d'experts pour la navigation. Il s'agira moins d'exercer le pouvoir que d'en acquérir, et sur ce point, le temps qu'il a passé chez Ferrari devrait lui être bénéfique. Il suffit de regarder ses interviews pour voir qu'il est fermement convaincu par les avantages du travail d'équipe, de la collaboration, et du fait d'amener les gens à jouer sur leurs points forts. Le revers de la médaille est qu'il tiendra chaque membre de l'équipe responsable et n'hésitera pas à faire des changements si nécessaire.

Son mandat de directeur d'équipe chez Ferrari n'a pas permis de réitérer une ère de succès comme celle avec Schumacher, mais remporter le championnat constructeurs en 2008 (le dernier en date pour la Scuderia) et voir Felipe Massa échouer de peu face à Lewis Hamilton constituait un bon résultat pour sa première année à ce poste. Les années Fernando Alonso ont également débouché sur trois deuxièmes places au championnat pilotes. Quand Domenicali a démissionné début 2014, après un difficile début de saison pour la première de l'ère hybride, il y a eu de l'étonnement. Le communiqué de presse en disait peu sur la politique en coulisses. Le président de Ferrari, Luca di Montezemolo, allait prendre lui aussi la porte quelques mois plus tard. Mais le fait est que Domenicali était cet homme rare : un directeur d'équipe avec des principes…

Diriger la Scuderia Ferrari s'accompagne de la pression d'être à la tête de l'écurie la plus prestigieuse de la F1, avec les espoirs de toute la nation italienne qui repose sur des épaules collectives, sans parler des millions de tifosi à travers le monde. En relevant ce défi, Domenicali a incontestablement appris tout ce qu'il fallait sur la politique, la pression et les gens. Quand il entrera dans les bureaux de la F1 à Londres, il arrivera avec une expertise de trente années d'immersion dans ce monde. Au sein de la F1, ce choix est vu comme une bonne inspiration et comme une décision qui était facile à prendre pour Liberty.

Stefano Domenicali

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