Hommage

Jabouille, à jamais le premier avec Renault

Jean-Pierre Jabouille s'est éteint à l'âge de 80 ans. Il restera dans l'histoire du sport automobile tricolore comme le premier à avoir fait triompher Renault. C'était en 1979, sur le sol français.

L'équipe Renault, dont Jean Sage, célèbre sa première victoire décrochée par Jean-Pierre Jabouille

Photo de: Sutton Motorsport Images

"Nous n’étions qu’une poignée de passionnés et n’avions qu’un budget annuel de seulement trois ou quatre millions de dollars !", nous avait expliqué l’un des piliers de cette équipe Renault, le directeur technique de l’époque, François Castaing. "Nous fabriquions tout et nous faisions courir la voiture ! Nous avons démarré en juillet 1977 et avons décroché notre première victoire à Dijon en 1979, juste 24 mois et 27 Grands Prix plus tard. Aujourd'hui, il y a des écuries qui sont en F1 depuis des années et qui n'ont jamais gagné un seul Grand Prix. Notre équipe de jeunes a réussi à s’imposer en F1 et j'en suis très fier !".

On le sait, Renault est entré en Formule 1 avec le premier moteur turbo "moderne". À ce moment-là, personne ne croyait aux chances de voir un petit moteur turbocompressé de seulement 1,5 litre s’imposer face aux moteurs atmosphériques d'une cylindrée de trois litres. Tous, sauf les gens de Renault, pensaient qu’un moteur turbo était trop lourdement pénalisé par le règlement technique.

Après des débuts terriblement difficiles, décevants et ardus, l’équipe Renault parvient à progresser au cours de la saison 1979. Quatre raisons expliquent ces pas en avant. Premièrement, Renault a remporté les 24 Heures du Mans l'année précédente ; un succès qui permet de mettre plus d’efforts et d’argent dans le programme F1. Deuxièmement, le petit V6 est désormais gavé non plus par une grosse turbine, mais pas deux petits turbos de la marque KKK qui possèdent beaucoup moins d’inertie. Troisième facteur : Michel Têtu et son staff ont conçu une RS10 à effet de sol et munie de jupes latérales. Et pour finir, Renault a engagé une deuxième voiture pour René Arnoux, ce qui a permis d’accélérer le développement du moteur turbo.

Un début de saison catastrophique

La saison 1979 commence mal, vraiment mal pour la Régie française. Après sept courses, Jean-Pierre Jabouille n’a marqué aucun point et a abandonné à quatre reprises tandis qu’Arnoux n’a pas connu meilleur sort avec cinq abandons et aucun point au compteur. Lors du Grand Prix de Monaco, les deux pilotes Renault se sont qualifiés sur la dernière ligne de la grille de départ. Arnoux a abandonné au huitième tour sur problème de direction tandis que Jabouille s’est classé huitième, mais avec huit tours de retard sur le vainqueur. Renault a été humilié.

Jean-Pierre Jabouille avant le départ du GP de France 1979.

Jean-Pierre Jabouille avant le départ du GP de France 1979.

Fin juin, pour la course suivante, l’écurie dirigée par Gérard Larousse se présente sur le circuit de Dijon-Prenois pour le Grand Prix de France. Un début d’optimisme règne car lors des essais privés, les deux Renault, qui ont parcouru une distance totale de 1400 km, ont signé d’excellents chronos. Oui, elles sont très rapides, mais elles manquent cruellement de fiabilité.

Lors des qualifications, Jabouille et Arnoux décrochent les deux meilleurs temps devant Gilles Villeneuve sur sa Ferrari 312 T4, Nelson Piquet dans sa Brabham BT48-Alfa Romeo, Jody Scheckter sur l’autre Ferrari et Niki Lauda au volant de la seconde Brabham. La Renault génère beaucoup d’effet de sol et Jabouille fait installer une sorte de sangle sur le côté gauche de son cockpit afin de maintenir son casque et épargner ainsi les muscles de son cou dans les virages rapides du circuit de Dijon. Car les vitesses sont très impressionnantes...

Deux départs ratés

Le temps est gris et frais au moment du Grand Prix, qui est organisé devant quelque 120 000 spectateurs. Au départ, les moteurs des Renault chutent en régime à cause de l’inertie des turbos, ce qui profite à Villeneuve qui démarre comme un dragster et prend la tête de la course. Au cours des boucles suivantes, le Québécois s’éloigne du peloton tandis que les pilotes Renault effectuent une remontée après avoir perdu quelques places. Le temps frais les favorise, car les petits V6 ne surchauffent pas.

Jean-Pierre Jabouille au volant de la Renault RS10.

Jean-Pierre Jabouille au volant de la Renault RS10.

Au 30e tour, Jabouille, en deuxième position, a rattrapé Villeneuve. Tous les deux roulent de concert, et l’écart qui les sépare varie sensiblement au gré des retardataires qu’ils doivent doubler. Toutefois, Villeneuve a du mal à rester devant, ses pneus Michelin sont trop usés. Durant le 47e passage, Jabouille trouve l’ouverture et double la Ferrari. Le public commence à rêver d’une première victoire pour Renault… En seulement quelques tours, Jabouille accroît son avance à quatre secondes sur le reste de la meute. Quant à Arnoux, il roule en troisième position. Personne ne sait encore que la planète va assister à l'un des plus formidables duels de la F1.

Il reste une vingtaine de tours à parcourir, Jabouille est loin devant mais physiquement, il a du mal. Des crampes aux muscles du cou et des bras le font terriblement souffrir dans les virages. Villeneuve, lui, fait tout pour préserver ses pneus. Arnoux réalise que le Québécois baisse son rythme, alors il attaque au maximum et signe le meilleur tour en course. La Ferrari et la Renault sont roue dans roue. Mais le V6 turbo d’Arnoux commence à rencontrer des ennuis d’alimentation en essence et coupe par intermittence. Les deux pilotes offrent un spectacle à couper le souffle. Les roues des deux bolides se touchent une bonne dizaine de fois. Villeneuve et Arnoux escaladent les bordures, dérapent, bloquent les roues et se coupent la route… pour la seconde place !

Jabouille franchit l’arrivée en première position. Il offre un premier succès à Renault et remporte la première victoire d’un moteur turbo de Formule 1 moderne. Derrière lui, Arnoux, aux prises avec son moteur qui coupe, n'a pu profiter de l'aspiration de la Ferrari et doit se contenter du troisième rang derrière Villeneuve. Alan Jones, sur sa Williams FW07-Ford termine quatrième devant Jean-Pierre Jarier (Tyrrell 009-Ford) et Clay Regazzoni sur l’autre Williams.

Les muscles tétanisés par l’effort qu’il vient de fournir, Jabouille souffre et a du mal à s’extraire de sa monoplace. Il est lessivé. Quant à Villeneuve et Arnoux, ils se congratulent mutuellement, ayant vraiment adoré cet affrontement un peu fou en piste. Ironie du sort, Jabouille ne marquera plus un point au championnat en 1979 après cette victoire. C’est comme s’il avait épuisé son capital chance pour tout le reste de la saison.

Etude sur un modèle de F1
Renault commence à étudier un châssis de F1 et l'implantation du moteur V6 turbo.
Etude sur un modèle de F1
Étude de carrosserie sur une maquette du châssis en bois.
Etude de la position du pilote
Préparation du châssis
Châssis en aluminium de la Renault laboratoire de F1.
Alpine Renault A500
Premier essais de la voiture laboratoire, codée A500.
Alpine Renault A500
Jean-Pierre Jabouille pilote l'A500. Notez la taille et la hauteur de l'aileron arrière !
Alpine Renault A500
Moteur de la Renault RS 01
L'usine à gaz du V6 turbo.
Renault RS 01
Jean-Pierre Jabouille pilote la première vraie Renault F1, la RS 01.
Renault entre en Formule 1 : Jean-Pierre Jabouille avec la Renault TS01
Renault marque ses premiers points en F1 lors du Grand Prix des États-Unis Est à Watkins Glen fin 1978.
Jean-Pierre Jabouille
Jean-Pierre Jabouille, Renault RS11, Jean Sage
Jabouille a qualifié sa Renault RS 10 en pole position pour le Grand Prix de France 1979.
Jean-Pierre Jabouille, Renault RS10
Jean-Pierre Jabouille, Renault RS10
Sur cette photo, on distingue bien la sangle destinée à maintenir le casque de Jabouille.
Jean-Pierre Jabouille devant Gilles Villeneuve
Gilles Villeneuve, Ferrari 312T4, René Arnoux, Renault RS10
La fin de la course est marquée par l'incroyable duel mettant aux prises Gilles Villeneuve, sur Ferrari, et René Arnoux, sur Renault.
Gilles Villeneuve, Ferrari 312T4, René Arnoux, Renault RS10
L'équipe Renault, dont Jean Sage, célèbre sa première victoire décrochée par Jean-Pierre Jabouille
Jabouille remporte la victoire. Le chef mécano de l'écurie, Daniel Champion, saute de joie !
Le vainqueur Jean-Pierre Jabouille avec René Arnoux et Gilles Villeneuve
Jabouille est exténué sur le podium.
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