Il y a 40 ans, l’arrivée de Renault en Formule 1 (2/2)
Nous poursuivons notre récit de l’arrivée de Renault, et du premier moteur turbo, en Formule 1 en juillet 1977.
Photo de: Renault F1
Rétro : Dans l'Histoire des sports méca
Sur deux ou quatre roues, replongez-vous dans l'Histoire des sports mécaniques, celle qui a écrit la légende des hommes et des machines durant des décennies.
C’est le directeur technique de l’écurie française à cette époque, François Castaing, qui nous raconte comment les choses se sont réellement passées il y a de cela 40 ans.
Après la conception et la fabrication de la première monoplace de F1 Renault, la RS01, la nouvelle écurie comptait disputer son premier Grand Prix en France, mais après y avoir bien réfléchi, la haute direction a décidé de retarder ce grand moment de deux semaines et de courir en Grande-Bretagne sur le circuit de Silverstone.
Depuis le début de l’année, les essais se multiplient afin de résoudre les gigantesques problèmes de temps de réponse du V6 turbo et d'innombrables soucis techniques. La Renault roule au Castellet, à Jarama et même à Nogaro.
On sait maintenant que le projet F1 de Renault a été sous-financé à ses débuts, car le constructeur automobile français avait investi de grosses sommes dans sa conquête des 24 Heures du Mans. Une fois Le Mans gagné, en juin 1978 avec Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud à bord d’une Renault Alpine A442B, Renault a débloqué des fonds pour accélérer le développement de la F1 turbo.
Les grands débuts à Silverstone
La RS01 de Jean-Pierre Jabouille est enfin inscrite au Grand Prix de Grande-Bretagne à Silverstone. Par un tour de passe-passe orchestré par Bernie Ecclestone, la Renault est mystérieusement exempte de pré-qualifications, ce qui fait sourciller plusieurs team managers rivaux.
Jabouille qualifie la première F1 turbo au 21e rang, mais abandonne au 16e tour sur bris de turbine. L’image de la Renault jaune joufflue d’où émane un panache de fumée blanche incite Ken Tyrrell à la surnommer “The Yellow Tea Pot” (la "Théière Jaune").
La suite de la saison 1977 n’est guère reluisante avec une série de soucis techniques. En 1978, Jabouille encaisse deux abandons avant de terminer dixième et 13e, puis de subir sept casses mécaniques consécutives. Le "miracle" survient à Watkins Glen en fin de saison où la Renault se classe quatrième lors du Grand Prix des États-Unis Ouest disputé lors d’une journée particulièrement froide, ce qui sauvegarde ses organes mécaniques.
À la recherche de solutions
Le fonctionnement du turbo, et sa lubrification, demeurent les problèmes cruciaux. "Le premier turbocompresseur que nous avons utilisé était issu d'un moteur industriel et non pas d'un moteur d'automobile. S'il existait, nous ne le connaissions pas", explique François Castaing à Motorsport.com.
“Garrett USA voulait bien nous donner des turbos, mais ne voulait pas les modifier. Avec l'aide de Garrett France, nous les avons donc modifiés, combinant des carters de petites turbines à de gros compresseurs. Beaucoup plus tard, nous nous sommes associés avec KKK et nous avons réalisé, comme Porsche d'ailleurs, que deux petits turbos fonctionnaient beaucoup mieux qu'un gros. De plus, les turbos KKK étaient mieux adaptés, car ils avaient été fabriqués pour la compétition automobile”, explique-t-il.
À demander de l’aide à droite et à gauche, les ingénieurs de l’équipe Renault commencent à résoudre les problèmes techniques, dont celui de la détonation, c’est-à-dire l’autoallumage du mélange air/essence dans les cylindres. “Si nous avions pu compter sur un jeune ingénieur qui avait effectué ses études au Royaume-Uni, nous aurions vite résolu ce problème”, explique Castaing.
Une solution des années 40
“Durant la deuxième Guerre mondiale, les ingénieurs britanniques ont mis au point le moteur Merlin des chasseurs et bombardiers. Pour obtenir plus de puissance et monter plus haut en altitude, les moteurs étaient gavés par des compresseurs à un étage, puis à deux étages, et la façon dont ils ont résolu les problèmes de détonation est un truc archi connu dans l'aéronautique, mais pas dans l’automobile.”
Castaing ajoute que l’essence à indice d'octane de 100 utilisée par Renault compliquait les choses. Il fallait aussi refroidir les pistons. C’est le fabricant Mahle qui a apporté la réponse. “Nous avions de petits pistons qui ne faisaient que 90 mm de diamètre. Un jour, nous avons demandé aux ingénieurs de Malhe ‘Connaissez-vous une façon de refroidir les pistons ?’ Ils nous ont répondu : ‘Oui, il faut le demander à nos collègues qui font les gros pistons des moteurs diesel.’ C'est comme ça que nous avons découvert qu'il était possible de faire circuler de l'huile derrière les segments, ce qui a aidé à stabiliser les problèmes d'écrasement des gorges de segments et qui faisaient casser nos moteurs.”
Première victoire à Dijon
En 1979, les Renault de Jabouille et de son coéquipier, René Arnoux, sont encore hyper fragiles et cassent comme du verre. Pourtant, la RS10 à double turbo de Jabouille va devenir la première F1 turbo à gagner un Grand Prix de l’ère moderne lors du Grand Prix de France organisé le 1er juillet sur le circuit de Dijon-Prenois.
Malgré les pressions politiques internes vécues chez Renault, personne n’a baissé les bras. “Nous avons persévéré et travaillé fort avec Jean-Pierre Boudy, Bernard Dudot et une bonne équipe, sept jours sur sept, 365 jours par an. Et nous avons gagné une course. Après la victoire de Dijon, je me suis dit que nous avions pris tellement d'avance sur la concurrence avec la technologie turbo et les pneus radiaux Michelin que nous pouvions gagner le titre en 1980”, continue notre interlocuteur. Ce ne fut malheureusement pas le cas. Les Renault, pilotée par Jabouille, Arnoux puis par Alain Prost, ont été rapides, certes, pas suffisamment fiables pour jouer le titre mondial. Des tensions politiques au sein de l'écurie ont aussi nui à son bon fonctionnement.
L’ancien directeur technique de Renault Sport est stupéfait de constater à quel point la F1 a changé en tout juste 40 ans. “La F1 était beaucoup moins sophistiquée en 1977. Il y avait moins d'électronique, il n'y avait pas de télémétrie, moins de technologie”, déclare Castaing. “Nous n’étions qu’une poignée de passionnés et n’avions qu’un budget annuel de seulement trois ou quatre millions de dollars ! Nous fabriquions tout et nous faisions courir la voiture ! Nous avons démarré en juillet 1977 et avons décroché notre première victoire à Dijon en 79, juste 24 mois et 27 Grands Prix plus tard. Aujourd'hui, il y a des écuries qui sont en F1 depuis des années et qui n'ont jamais gagné un seul Grand Prix. Notre équipe de jeunes a réussi à s’imposer en F1 et j'en suis très fier !” termine l’ingénieur français.
Rejoignez la communauté Motorsport
Commentez cet articlePartager ou sauvegarder cet article
Abonnez-vous pour accéder aux articles de Motorsport.com avec votre bloqueur de publicité.
De la Formule 1 au MotoGP, nous couvrons les plus grands championnats depuis les circuits parce que nous aimons notre sport, tout comme vous. Afin de continuer à vous faire vivre les sports mécaniques de l'intérieur avec des experts du milieu, notre site Internet affiche de la publicité. Nous souhaitons néanmoins vous donner la possibilité de profiter du site sans publicité et sans tracking, avec votre logiciel adblocker.
Meilleurs commentaires