Rétro F1 - Des livrées peintes à la main !

L’arrivée des ordinateurs et des puissants logiciels de graphisme ont révolutionné le monde de la Formule 1, et pas uniquement pour la conception des voitures.

Nigel Mansell, Lotus 87-Ford Cosworth

Nigel Mansell, Lotus 87-Ford Cosworth

LAT Images

Nigel Mansell, Lotus 91-Ford
Paul Crowland, peintre, Team Lotus
Elio de Angelis, Lotus 91 Ford
Ayrton Senna, Lotus 97T-Renault, dans la voiture de son coéquipier, Elio de Angelis, dans les stands
Ayrton Senna, Lotus 98T Renault
Mario Andretti, Team Lotus
Mario Andretti, Lotus 79 Ford
Nigel Mansell, Lotus-Renault 93T
Elio de Angelis, Team Lotus
Ayrton Senna, Lotus Renault
Ayrton Senna, Lotus 98T Renault

Il faut rappeler que durant les Seventies, il n’y avait pas d’ordinateurs (eh non !), et les autocollants ne pouvaient qu’être apposés à plat, et pas sur des surfaces courbées. Des anamorphoses [ces déformations d’images sur des surfaces courbées afin de leur donner un aspect normal en vue directe], ne pouvaient qu'être réalisées manuellement. Il existait donc des dessinateurs qui décoraient les voitures de compétition à la main.

Durant une bonne douzaine d’années, les Lotus noires et or de Formule 1 ont été décorées à la main, et non pas à l’aide autocollants. En effet, sur cette magnifique robe noire, toutes les inscriptions étaient réalisées à la main par un artiste de très grand talent.

Le Team Lotus était sponsorisé par Imperial Tobacco à travers sa marque John Player Special. Les couleurs officielles étaient le noir et l’or, avec un logo formé des trois lettres J-P-S entrelacées. Afin de maximiser l’impact visuel, il fut décidé d’inscrire tous les logos des sponsors en couleur or. Ainsi, les logos de Goodyear, Valvoline, NGK, puis ceux de Pirelli, Renault, elf, DeLonghi et autres ont tous été reproduits en doré sur les Lotus.

L’artiste en question se nomme Paul Crowland, un dessinateur industriel britannique. Après quatre années de formation supplémentaires, il est devenu lettreur dans une entreprise de panneaux de signalisation ; un métier qui, je crois, n’existe plus, ou est devenu extrêmement rare. Il a ensuite oeuvré chez Lotus Cars à rectifier les défauts de peinture des voitures de série.

De fil en aiguille, Crowland a été appelé à décorer des voitures de compétition, dont une G.R.D., puis la Parnelli de Mario Andretti. Au milieu des années 70, Colin Chapman l'intégra dans son écurie de F1, car il désirait donner un look sublime à ses monoplaces. Il était convaincu qu’une livrée réalisée à la main donnerait entière satisfaction, beaucoup plus qu’avec de vulgaires autocollants…

Un travail complexe et délicat

Dans un article publié en 1983 dans le magazine Club Team Lotus, Crowland explique qu’il utilisait une cinquantaine de pinceaux de très haute qualité, valant à près de 30 euros chacun en monnaie actuelle.

La préparation d’une monoplace nécessitait énormément de travail. Il fallait tracer des lignes horizontales à la craie sur la carrosserie (à l’aide d’une cordelette enduite de craie qu’on pinçait sur la voiture). Ces lignes servaient de repères. Puis, les logos des sponsors, de la bonne dimension, étaient tracés au stylo sur une mince feuille de carton. L’envers (bombé) était enduit de craie et la feuille était doucement appuyée sur la carrosserie pour y laisser la trace. Le logo était ensuite peint au pinceau de soie.

Comme indiqué plus haut, sans ordinateur, Crowland devait se servir d’un appareil appelé un épidiascope pour modifier la taille des logos comme il le désirait. Comme il n’y avait pas deux pièces de carrosserie parfaitement identiques, Crowland devait souvent refaire la décoration de la voiture au complet. Un simple changement de capot moteur pouvait signifier que les lignes tracées sur la carrosserie ne concordaient plus, ne serait-ce que d’un petit demi centimètre.

Pour cette raison, Crowland préférait peindre les Lotus une fois entièrement assemblées dans le château de Ketteringham Hall, prêtes à être transportées sur le circuit du prochain Grand Prix. Cela signifiait souvent de travailler durant la nuit, quand les mécanos avaient terminé leur boulot. Peindre une voiture exigeait près de 30 heures de travail, et nécessitait parfois la présence de trois autres artistes avec Crowland afin d’accélérer le travail.

Des nuits blanches

Au retour d’une course, les pièces de carrosserie endommagées étaient réparées et repeintes en noir et vaporisées d’une couche de laque. Une fois la voiture assemblée, le travail de décoration pouvait commencer. Toutefois, il arrivait que la couche de laque ne soit pas sèche, ce qui compliquait les choses. De plus, à cause de la forme incurvée de la carrosserie, il était pratiquement impossible d’installer un support à main, ce repose-poignet qui permet habituellement aux lettreurs de s’appuyer afin de ne pas bouger.

Si la bonne couleur noire fut assez facile à trouver, ce ne fut pas le cas de la couleur or. En effet, l’aspect de toute couleur change selon l’éclairage, l’angle de vue, et est facilement altéré sur les photos ou à la télévision. Ainsi, une couleur rouge peut facilement avoir une teinte rosée à la télévision.

Lotus a procédé à plusieurs essais afin de trouver la bonne couleur qui allait paraître dorée sur les photos et à la télé. L’écurie a même effectué un essai avec les lettres JPS faites de véritables feuilles d’or, mais cela n’a pas donné le résultat espéré.

Après plusieurs tentatives, Crowland a découvert que c’était une couleur beige produite par Keep’s Paints qui procurait le meilleur effet. Par la suite, l’entreprise britannique a produit une couleur spécifique pour l’écurie Lotus JPS.

Après de longues heures de travail, les voitures étaient prêtes à être acheminées au prochain Grand Prix. Crowland avoue avoir connu plusieurs moments stressants. Il raconte que lors d’un Grand Prix de Monaco, il a dû prendre l’avion d’urgence avec un autre artiste pour se rendre sur la Côte d’Azur, car la présence soudaine d’un nouveau sponsor exigeait une nouvelle déco ! Crowland et son associé ont dont dû travailler durant des jours et des nuits dans le paddock étriqué de Monaco à refaire entièrement la livrée des quatre Lotus !

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