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Rétro technique F1 : l'effet de sol

Pour la première fois dans l’Histoire de la Formule 1, la FIA impose cette année un règlement technique non pas destiné à ralentir les voitures, mais à les faire rouler plus vite.

Vue 3/4 de la Ferrari 312T4 de 1979

Vue 3/4 de la Ferrari 312T4 de 1979

Giorgio Piola

Dans cette série d’articles, nous remonterons le temps afin de vous faire découvrir les grandes évolutions technologiques qui ont révolutionné la F1, et nous expliquerons comment des changements apportés aux règlements ont chamboulé l’ordre établi, propulsant certaines écuries au sommet et en recalant d’autres en milieu de peloton.

L’aérodynamique a toujours été le grand souci des designers en Formule 1. Le premier objectif était d’affiner le profil des voitures afin de diminuer leur résistance à l’air, et non pas pour créer de l’appui vertical. Puis des ailerons, hauts perchés, ont fait leur apparition avant d’être interdits suite à une série d’accidents catastrophiques. Enfin, à la fin des années 70, l’écurie Lotus a introduit l’effet de sol en F1, un phénomène de succion aérodynamique qui plaque la voiture au sol.

L’ère de l’effet de sol

Détails de la Lotus 78 de 1977
Détails de la Lotus 78 de 1977

Photo de: Giorgio Piola

Colin Chapman et ses ingénieurs ont imaginé sculpter l’intérieur des pontons en forme d’aile inversée afin de créer un effet de succion tandis que des jupes latérales empêchaient l’air de s’échapper.

Pontons déporteurs de la Lotus 79
Pontons déporteurs de la Lotus 79

Photo de: Giorgio Piola 

Tony Rudd et Peter Wright avaient effectué des essais avec des pontons déporteurs chez BRM, mais le manque de budget a mis fin à leurs études. Une fois passés chez Lotus, ils ont pu développer le concept des pontons Venturi munis de jupes coulissantes, implantés sur la Lotus 78. Cette dernière a récolté cinq victoires en 1977 et deux autres en 1978, avant d’être remplacée par la fameuse Lotus 79, qui a mené Mario Andretti au titre mondial.

Les écuries rivales n’ont pas tardé à réagir. On vit apparaître en 1979 les premières "copies" de la Lotus 79, et spécialement la Williams FW07, nettement meilleure que l'originale. Il faut préciser que la Lotus 79 souffrait de défauts notoires avec des freins arrière inadéquats et un châssis insuffisamment rigide. Dans les virages très rapides, l’effet de succion était si puissant que le châssis se tordait, résultant en une perte d’effet de sol. Le réglage de ces bolides était très complexe, car le centre de pression aérodynamique changeait de position selon l’attitude de la voiture. Les ingénieurs eurent recours à des ressorts de suspension de plus en plus rigides afin de limiter les mouvements parasites des voitures. Les bolides devinrent impossibles à piloter, car trop violents, secouant les pilotes à l’extrême.

Détails de la Brabham BT46B aspirateur de 1978
Détails de la Brabham BT46B aspirateur de 1978

Photo de: Giorgio Piola

La fameuse Brabham BT46B, la voiture-aspirateur, aura créé un impact majeur sur la F1. Cette Brabham représente l’exemple parfait d’une exploitation rusée de la réglementation technique. L’utilisation de ventilateurs étant permise à cette époque, la BT46B en possédait un placé très près des radiateurs d’eau du moteur 12 cylindres à plat Alfa Romeo. 

Chaparral 2J
Chaparral 2J

Photo de: Mike Stucker

Comme c’était le cas sur la Chaparral 2J, le but inavoué de ce ventilateur était d’aspirer l’air sous la voiture. Toutefois, afin de respecter le règlement, son objectif déclaré était de refroidir les radiateurs. Afin de générer une succion maximale, tout le périmètre de la voiture était scellé de jupes très complexes.

Lotus 80 de 1979
Lotus 80 de 1979

Photo de: Giorgio Piola

Au lieu de poursuivre le développement de la Lotus 79, Colin Chapman ordonna à ses ingénieurs de passer à l’étape suivante et de créer une voiture-aileron totalement dépourvue d’appendices aérodynamiques traditionnels. Cette Lotus 80 fut un désastre. Les longues jupes incurvées ne coulissaient pas correctement et se coinçaient souvent en position haute, annihilant subitement l’effet de sol. L’équipe construisit en toute hâte la Lotus 81 pour terminer la saison, tandis que Wright, Rudd et Martin Ogilvie œuvraient sur la révolutionnaire Lotus 88 à double châssis.

Les deux châssis de la Lotus 88 de 1981
Les deux châssis de la Lotus 88 de 1981

Photo de: Giorgio Piola

La fameuse Lotus 88 a roulé, mais elle n’a jamais disputé un Grand Prix. Elle représente un tournant de l’Histoire de la F1, et des éléments de son design novateur se retrouvent sur les voitures actuelles. Un des inconvénients des châssis Lotus étaient leur piètre rigidité, résultant en des pertes de succion lorsqu'ils se déformaient. La Lotus 88 possédait donc un second châssis exclusivement destiné à encaisser les charges aérodynamiques. La pression exercée par les écuries rivales empêcha la 88 de disputer le moindre Grand Prix.

C’est au début des années 80 qu’un affrontement politique secoua les fondements de la F1. Les grandes écuries soutenues par des constructeurs automobiles, Ferrari, Renault et Alfa Romeo, avaient investi beaucoup d’argent et d’efforts dans la conception de leurs moteurs et avaient pris du retard dans la compréhension de l’effet de sol. Ces trois écuries mirent alors la pression sur la FIA pour qu’elle intervienne et restreigne l’avantage dont disposaient les écuries à moteur Cosworth. En 1981, la FIA décida d’interdire les jupes coulissantes tout en obligeant les voitures à rouler avec une garde au sol minimale de 60 mm, ce qui, d’un coup, éliminait l’avantage de l’effet de sol des écuries Cosworth. C’est à ce moment-là que les ingénieurs se sont rendus compte que maîtriser le comportement d’une voiture pouvait constituer un avantage, et certains se sont mis à étudier des mécanismes de suspension hydropneumatiques.

Fond plat et puissance folle des moteurs turbo

Effet de sol (dessus) vs fond plat (dessous)
Effet de sol (dessus) vs fond plat (dessous)

Photo de: Giorgio Piola

Suite aux accidents de Gilles Villeneuve et Didier Pironi en 1982, la FIA décida d’imposer le fond plat sur les voitures, pensant ainsi éliminer l’effet de sol.

Diffuseur soufflé de la Renault RE40
Diffuseur soufflé de la Renault RE40

Photo de: Giorgio Piola

Bien que la forme des pontons ne permettait plus d’exploiter à fond l’effet de succion, les ingénieurs n’ont pas tardé à trouver des solutions afin de recréer cette aspiration. Les gaz d’échappement des moteurs turbo étaient maintenant soufflés dans le diffuseur, ce qui en augmentait drastiquement l’efficacité.

Pour la saison 1988, la pression maximale des turbos fut limitée à 2,5 bar par une soupape de décharge et la capacité des réservoirs d’essence fut réduite à 150 litres. Entre-temps, les motoristes commencèrent à travailler sur de nouveaux moteurs atmosphériques d’une cylindrée de 3,5 litres.

Business et sécurité

Au début des années 1990, la Formule 1 devint un véritable business et s’attaqua au problème de sécurité des pilotes. L'accent fut mis sur la sécurité des pilotes et la FIA développa de nouveaux tests standardisés afin de vérifier la conformité et la sécurité des monoplaces. La F1 avait connu trop d’accidents mortels et la FIA décida d’aseptiser le monde de F1 en règlementant tout, de la conception des voitures à celle des circuits.

Suspension active de la Williams FW14B
Suspension active de la Williams FW14B

Photo de: Giorgio Piola

L’introduction de nouveaux règlements techniques a forcé les ingénieurs à tenter de trouver une solution afin de récréer un effet de sol à partir d’un fond plat et d’une garde au sol strictement figée. Plusieurs solutions ont été adoptées, y compris une suspension hydropneumatique passive et une véritable suspension active, gérée par un cerveau électronique. Ces suspensions étaient destinées à profiter d’une plateforme aérodynamique stable, afin de générer un effet de succion optimal. Lotus a encore une fois ouvert cette voie, mais c’est Williams qui en a profité le plus avec ses FW14 et FW15.

Après avoir été bannis de la F1 pendant une dizaine d’années, les ravitaillements en carburant ont refait leur apparition en 1994. Face à des voitures de plus en plus rapides, la FIA décida d’interdire toutes les aides électroniques au pilotage, ce qui frustra Williams, qui profitait alors d’un net avantage sur les rivaux. La FW15C avec son moteur V10 Renault, sa suspension active, ses freins ABS, son dispositif d’antipatinage et son système d’assistance aux départs était une merveille de haute technologie, mais elle dérangeait, et provoqua une vive réaction de la part de la FIA.

Mais rien ne pouvait préparer le monde, ni Williams, aux tragédies survenues durant ce funeste week-end du Grand Prix de Saint-Marin, à Imola en mai 1994. Il fut décidé, encore une fois, de ralentir les voitures.

Plaque d'usure de la Benetton B194 de 1994
Plaque d'usure de la Benetton B194 de 1994

Photo de: Giorgio Piola

Les boîtes à air durent être entrouvertes afin de réduire la puissance des moteurs et l’installation d’une plaque d’usure sous le châssis fut imposée afin d’empêcher les monoplaces de racler le sol en permanence. Des modifications furent aussi apportées au diffuseur et à l’aileron arrière.

Changements à la règlementation 1995
Changements à la règlementation 1995

Photo de: Giorgio Piola

D’autres modifications furent imposées pour la saison 1995, incluant un rehaussement de la garde au sol des pontons et des restrictions sur la hauteur et la forme de la section centrale de la voiture, ainsi que sur les ailerons avant et arrière.

Ouverture du cockpit
Ouverture du cockpit

Photo de: Giorgio Piola

Avec l’objectif de mieux protéger le pilote en cas d’accident, l’ouverture du cockpit fut agrandie, la structure déformable située à l’avant fut aussi améliorée et allongée, et des crash-tests visant les côtés de la cellule de survie furent imposés.

Changement apporté à la largeur du châssis en 1998
Changement apporté à la largeur du châssis en 1998

Photo de: Giorgio Piola

En 1998, la FIA introduisit de nouvelles normes afin de contrer les découvertes et astuces des ingénieurs. Ainsi, la largeur hors-tout de la voiture fut limitée à 1800 mm, réduisant ainsi sa surface aérodynamique et modifiant du même coup la position du centre de gravité et la cinématique des suspensions.

Pneus rainurés en F1 (arrière, gauche et droite, avant)
Pneus rainurés en F1 (arrière, gauche et droite, avant)

Photo de: Giorgio Piola

Dans le but de réduire la vitesse dans les virages, la FIA imposa l’utilisation de pneus rainurés. Pour la première fois, des restrictions furent placées sur les freins, limitant la taille des disques et le type de matériau employé. Chaque étrier était alors limité à six pistons et les disques devaient posséder un diamètre maximal de 278 mm et une épaisseur de 28 mm.

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