Technique - Qu'est-ce que le MGU-K et le MGU-H ?
Le monde de la Formule 1 se délecte d’acronymes. La réglementation technique de l’unité de puissance turbo hybride nous a fait découvrir le MGU-H et le MGU-K. De quoi s'agit-il exactement ?
Dans le paddock du circuit Gilles-Villeneuve à Montréal, Rémi Taffin, directeur des opérations chez Renault Sport F1, nous a expliqué ce que sont ces deux composantes essentielles du dispositif hybride du moteur F1.
“Le MGU-K, c’est finalement comme toute voiture de série qu’on appelle hybride,” explique Taffin à Motorsport.com. “En F1, nous avons un moteur électrique qui est connecté au moteur thermique. Lors des freinages, on récupère simplement l’énergie qui est normalement entièrement dissipée dans les freins. On dissipe un peu d’énergie dans les freins, et on en récupère une autre partie pour le moteur électrique. Ce moteur peut fonctionner en mode propulseur ou en mode générateur. Alors, soit on récupère de l’énergie qu’on stocke dans une batterie, soit, à l’inverse, on utilise l’énergie contenue dans la batterie pour faire fonctionner le moteur électrique et donner ainsi un coup de boost de puissance au moteur.”
Le moteur électrique agit directement sur les roues motrices arrière. “Le moteur électrique est connecté directement au vilebrequin par l’entremise des pignons de distribution. Il est connecté à l’un des pignons. Il aide donc à entraîner le vilebrequin. Il est donc en prise directe avec les roues, via la boîte de vitesses et le moteur. Alors, soit on récupère de l’énergie, soit on en dépense,” poursuit Taffin.
Tirer de l’électricité du turbo
L’ingénieur français décrit maintenant ce qu’est le MGU-H, qui est connecté au turbocompresseur du moteur V6. “Le MGU-H est un peu plus typé F1, même si on commence à voir ce qu’on appelle des ‘e-turbo’ [turbo hybride] dans certaines voitures de série. Dans ce cas, il s’agit d’un moteur électrique qui permet de relancer le turbo à bas régime,” nous décrit Taffin.
“Dans une voiture de F1, c’est à peu près la même chose, sauf qu’on peut, de la même façon que le MGU-K, fonctionner dans les deux sens. On peut fournir de l’énergie au MGU-H pour relancer le turbo, comme on peut récupérer de l’énergie afin de la stocker dans la batterie. Cette énergie provient des gaz d’échappement qui entraînent la turbine du turbocompresseur. Le compresseur souffle dans le moteur et sert à récupérer de d’énergie destinée à faire fonctionner le moteur électrique.”
Taffin continue son explication : “Si l'on regarde le turbo, on a le compresseur à une extrémité et la turbine à l’autre. Entre les deux, on a un moteur électrique, situé sur le même axe, et qui permet de faire du plus ou du moins, selon qu’on relance le turbo ou pas. Il n’y a plus de délai de réponse, plus de ‘turbo lag’. Pas du tout. C’est comme dans un moteur atmosphérique.”
Qu’en est-il des batteries ? “Il n’y a qu’une seule batterie. Quelle que soit la provenance de la récupération électrique, tout va dans la même batterie. Et cette batterie, plate, est située à l'intérieur du châssis, sous la cellule de carburant.”
Deux méthodes de déploiement
L’hybridation permet de donner un coup de boost au moteur thermique en actionnant les moteurs électriques à l’aide de l’énergie récupérée. Lors d’une autre interview, Toto Wolff, directeur de Mercedes-Benz Motorsport, nous a confié que l’unité de puissance allemande avoisinait la barre des 1000 chevaux quand tous les systèmes hybrides étaient actionnés. Pas mal pour un petit six cylindres de 1600 cc ! Taffin nous explique que le déploiement de l’énergie accumulée a énormément progressé depuis les débuts de cette technologie en 2014.
“Le déploiement de l’énergie stockée s'effectue quasiment sur tout le tour du circuit,” explique-t-il. “Aujourd’hui, on a atteint une efficacité de fonctionnement et une telle récupération d’énergie que le MGU-K est à 120 kW, soit l’équivalent de 160 chevaux, durant presque tout le tour du circuit. Dès que le pilote est à fond et qu’il n’y a plus de patinage, on met la pleine puissance. Ce n’est plus vraiment un jeu de savoir si le pilote l’utilise ou pas. Le boost de puissance est pratiquement toujours là. Ce n’est plus le pilote qui décide. La gestion de l’énergie est désormais automatique.”
Il précise que le pilote peut intervenir durant la course : “Le pilote peut choisir de déployer la puissance afin de réaliser les chronos les plus rapides, comme en qualifications, ou pour attaquer un rival ou éviter de se faire doubler. Dans ce mode, il ira un peu moins vite au tour, mais sera plus rapide sur les lignes droites pour attaquer ou se défendre.”
Une application aux voitures de série
Nous demandons à Taffin si le petit moteur thermique de 1,6 litre dispose d’une marge de progression. “C’est surtout là, dans ce moteur thermique, qu’il reste encore beaucoup de développement à effectuer,” répond-il.
“Car finalement, en ce qui a trait à la partie électrique, on dispose de moteurs qui possèdent des rendements de l’ordre de 95% ou à peu près. Même rendement à peu près en ce qui concerne les batteries, et on peut améliorer un peu les cellules. C’est donc sur le moteur V6 thermique qu’on a le plus à gagner. On dispose de 100 kg d’essence alors que, sur la partie électrique, on a l’équivalent de quelques centaines de grammes d’énergie. On constate bien que ce sont les 100 kg d’essence qu’il faut optimiser. C’est l’efficacité du moteur thermique qu’il faut améliorer. Il y a encore beaucoup à gagner.”
Taffin ajoute que tout le groupe Renault bénéficie du travail effectué par l’écurie de F1. “Au tout début, on travaillait avec certains sous-traitants pour faire fabriquer des accessoires selon nos spécifications. Mais maintenant, on fabrique tout à l’interne. Les moteurs électriques et les batteries sont développés et testés par Renault. Ce sont des accessoires qui ne sont pas forcément faciles à faire fabriquer à l’externe. C’est une technologie que l'on essaie encore de développer et de maîtriser."
“Ce que l'on appelle l'ERS [dispositif hybride] en F1 peut être redéployé dans le groupe Renault dans diverses applications hybrides destinées aux voitures de série. Nous travaillons avec Renault, Nissan et Infiniti. Cela nous permet de leur faire profiter de ces applications qui sont surtout typées sportives. De plus, Renault possédait une bonne connaissance de cette technologie, des moteurs électriques et des batteries. On a donc pu bénéficier d’une partie de leur expérience,” termine-t-il.
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