Avec Tobias Moers, les choses sérieuses commencent pour Aston Martin

Tobias Moers débarque en provenance de Mercedes AMG, précédé d'une formidable réputation. C'est un homme d'affaires concentré sur les résultats, qui n'a pas peur des défis et n'a pas non plus peur d'être craint. Son président Lawrence Stroll l'a choisi dans une short-list très sélective. L'arrivée de cet Allemand de 54 ans devrait aussi secouer Milton Keynes, Maranello et Enstone. En dépit de toutes les discussions qu'il y a eu autour de l'affaire de la "Mercedes rose" de Racing Point, la concurrence devrait davantage s'inquiéter des ambitions de Stroll, Moers et de leurs partenaires techniques chez Daimler. Car leur objectif est de positionner Aston Martin aux premières places en Formule 1.

Menée par Stroll et réalisée en pleine pandémie mondiale – qui a décimé les ventes de voitures pour les entreprises saines ainsi que pour celles qui étaient déjà en difficulté –, l'opération de sauvetage d'Aston Martin moyennant 580 millions d'euros est aussi courageuse que tout ce que l'on a déjà pu voir dans l'industrie automobile par le passé. Certains estiment que c'est téméraire, mais Stroll est un investisseur en série qui n'a jamais reculé devant les défis inhérents à la construction de réussites mondiales. En choisissant Moers, il a nommé un patron qui a été surnommé le "Engine King" de Mercedes par le Financial Times. Et au passage, le Canadien a ainsi renforcé des relations déjà solides avec le groupe Daimler.

En 2013, Daimler a acquis 5% des parts d'Aston Martin. C'est le département moteur d'AMG, dirigé par Moers, qui a fourni les blocs propulseurs, l'électronique et les systèmes d'infodivertissement pour les modèles DB11, Vantage et DBX. Ce partenariat a toujours été important pour Daimler, tout autant que crucial pour Aston Martin. Il le devient plus encore maintenant que Stroll et Moers vont essayer de réduire au maximum les coûts de développement chez Aston Martin. À cet effet, avoir accès aux produits de Mercedes AMG jouera un rôle capital.

Aujourd'hui président du conseil d'administration de Daimler et grand patron de Mercedes, Ola Källenius était le prédécesseur de Moers chez AMG. Il est convaincu que le nouvel homme fort d'Aston Martin a le bon profil pour son nouveau job. Tandis que Moers va s'employer à remodeler le secteur automobile chez Aston Martin, en parallèle la passion de Stroll pour la Formule 1 va permettre d'approfondir les relations avec Mercedes.  

Toto Wolff a acquis une petite part des actions d'Aston Martin, signe supplémentaire s'il en est que le directeur de Mercedes F1 voit d'un bon œil le recrutement de Moers ainsi que le rapprochement avec le constructeur britannique. Outre le fait que Mercedes AMG fournit des moteurs à Aston Martin, aussi bien pour ses autos de production que pour ses F1, Stroll a désormais un atout supplémentaire dans sa manche en impliquant Daimler et Wolff dans la partie. Il sera dans l'intérêt de Mercedes de voir Aston Martin réussir, et c'est une bonne nouvelle pour Stroll et ses investisseurs.

C'est également une bonne nouvelle pour des gens comme Andrew Green, le directeur technique de Racing Point, ou Andy Stevenson, le directeur sportif. Il y a vingt ans, les deux hommes fêtaient la troisième place de l'écurie Jordan au championnat constructeurs de la saison 1999. Tous les deux, ainsi qu'Otmar Szafnauer, ont été les témoins des difficultés rencontrées par l'écurie depuis, avec des propriétaires successifs et parfois facétieux. Maintenant que Stroll est à la barre, ils savent que les choses deviennent sérieuses. En Formule 1, l'alignement entre Aston Martin et Mercedes peut mettre un frein aux ambitions de Red Bull, Ferrari ou quiconque a des aspirations pour un retour au tout premier plan.