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Un week-end en coulisses chez LRGP, première partie

Charaf-Eddin Ait Taleb s’est vu offrir la chance de passer un week-end avec l’équipe Lotus Renault GP au Grand Prix d’Allemagne

Charaf-Eddin Ait Taleb s’est vu offrir la chance de passer un week-end avec l’équipe Lotus Renault GP au Grand Prix d’Allemagne. Une offre qu’il ne pouvait pas refuser. Son regard sur un week-end en immersion dans un team de F1 est à la fois révélateur et fascinant. Voici la première partie de son récit.

Le jeudi 9 juin 2011, au cours d’une conférence de presse extraordinaire avec la FOTA et des fans de F1, le Team Principal de LRGP, Eric Boullier, a déclaré : "Les fans sont le futur du sport et il est vital de garder le contact avec eux". Cette affirmation a réconforté les millions de passionnés de F1 dans le monde qui s’inquiétaient du fossé s’élargissant entre eux et les pilotes. Avant même que cette phrase soit publiée, Eric avait joint le geste à la parole en m’invitant personnellement au Grand Prix d’Allemagne.

Le team Lotus Renault GP m’a ouvert les portes de son stand et de son motor-home pendant tout le week-end. Ce qui m’a permis d’établir une passerelle temporaire entre nous, les passionnés, et le show technologique de la F1. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Charaf. J’ai 28 ans et je suis aveugle depuis plusieurs années. Pendant cette période, j’ai voyagé à travers l’Europe, seul, pour suivre le F1 Circus, avec ma canne blanche et ma tente en toile. J’installais mon camp au milieu des champs ou près du motor-home d’un pilote, cela dépendait du vent et de la bonne volonté de la personne en question.

Le jeudi avant un Grand Prix, le paddock est généralement assez désert. Cependant, au Nürburgring, j’ai tenu à garder profil bas. Les Allemands sont venus en masse et les Belges ont saisi l’occasion pour se gaver de la fureur et du bruit de la F1, un mois avant leur propre Grand Prix. Quant aux Anglais, ils sont partout chez eux en F1. Avec la pluie, le vent et le froid qui régnaient sur le massif de l’Eifel, ils avaient des raisons de se sentir à la maison ! Depuis le Grand Prix de Silverstone, le F1 Circus n’a pas roulé assez vite pour échapper au mauvais temps.

J’ai retrouvé mes copains Didier et Thierry devant l’hospitalité Renault. Ils ont la charge d’installer et de démonter le motor-home de l’équipe. L’hospitalité Renault est transportée par cinq gros camions qui arrivent au circuit huit jours avant le départ d’un Grand Prix, au plus tard. Les deux premiers camions se garent sur une aire bien précise et chaque motor-home a sa zone bien définie. Il y a cinq ans, celui de McLaren dépassait son emplacement de 5 cm et l’équipe a été obligée de tout démonter pour rectifier cette erreur. Cela leur a coûté huit heures de travail supplémentaires.

En une fois, les deux camions sont rangés et séparés de 10,5 cm, les vérins hydrauliques activés pour éviter toute anomalie et pour s’assurer que le plancher du motor-home est parfaitement plat. Ensuite, d’autres bras hydrauliques sont utilisés pour ériger le deuxième étage. Une fois ces étapes achevées, l’espace entre les deux semi-remorques sera réduit par deux grandes fenêtres. Monter tout cela prend environ 12 heures.

Après avoir salué tout le monde, je suis allé voir mon ami Michel qui travaille pour les casques Bell. Il m’a montré comment un casque de F1 était fait. La première surprise c’est sa légèreté. Cela n’a rien de commun avec les lourds casques de moto habituels. Michel a commencé par poser les tear-offs sur la visière du casque de Vitaly Petrov. Ce sont ces bandes adhésives que retire le pilote pendant la course. Certains pilotes s’en servent beaucoup pendant les essais et la course et d’autres beaucoup moins. Un pilote dispose de trois tear-offs pour les essais libres et de cinq pour la course. Vitaly en use beaucoup et Michel lui en donne quelques-uns en plus. Poser ces éléments qui doivent protéger la visière est une opération compliquée. Aucune bulle ne doit se former entre les différentes couches parce que cela gênerait considérablement la vision du pilote. Un autre problème est la condensation et pour la prévenir, les visières sont chauffées en permanence autour de 60°C. Michel m’a montré la bande protectrice sur la partie supérieure de la visière, un renfort placé cette année sur les casques Bell pour éviter les conséquences d’un accident comme celui de Felipe Massa.

Michel et moi avons quitté l’hospitalité LRGP pour nous rendre au motor-home HRT. Nous y avons rencontré Liuzzi avec qui nous avons plaisanté pendant quelques minutes. Il nous a raconté ses ennuis de Silverstone, principalement la visibilité quand la piste était humide. Je lui ai proposé ma canne blanche pour résoudre son problème. Ce qui l’a fait éclater de rire, ajoutant qu’il s’en souviendrait la prochaine fois. A ce moment, je me suis dirigé vers le motor-home Virgin pour saluer mon ami Jérôme D’Ambrosio. Depuis que je l’ai rencontré lors des tests d’hiver, il me fait grosse impression. Il prend toujours le temps de dire bonjour à tout le monde et il a toujours un mot sympathique pour ses ingénieurs, pour ses mécaniciens et pour les hôtesses. Il est heureux comme un poisson dans l’eau chez Virgin. Il a tout ce qu’il faut pour devenir un champion, s’il continue à afficher le même niveau de performance. Il est aussi bien entouré et les médias belges réfrènent leur impatience.

Jérôme et moi avons bu un verre ensemble et nous avons papoté rapidement comme des vieux potes. Il m’a décrit le Nürburgring et il est ensuite sorti pour parler à ses ingénieurs.

Dans le stand Force India, j’ai senti quelqu’un me taper sur l’épaule. C’était Lewis qui venait me dire bonjour. Nous avons discuté brièvement avant qu’il s’en aille, juste au moment où Adrian Sutil arrivait. L’après-midi, les pilotes donnent parfois des baptêmes de piste aux invités. Je me suis mêlé à eux et soudain, Nico [Rosberg] était près de moi : "Hey Charaf, tu veux faire un tour ?" J’ai eu à peine le temps de dire oui que je me glissais dans une Mercedes-Benz, les fesses en premier ! On m’a attaché à mon siège et j’ai mis une cagoule et un casque. Et ensuite, j’ai posé ma main sur le bras de Nico.

"Alors tu es un freine-tard, c’est cela ?"


"Non. Je ne freine pas du tout. Je ne sais même pas ce qu’est un frein !"

Il a passé la première et j’ai été plaqué sur mon siège, pendant que le bruit du moteur couvrait mes exclamations. "Vas-y Nico, pousse ; pousse !" Le harnais me comprimait la poitrine et il fallait que je reprenne ma respiration. Il freinait juste à la limite du blocage des roues et inscrivait la voiture dans le premier droite. Il était à peine entré dans le virage que son pied droit écrasait l’accélérateur, tout en jouant avec le sous-virage. C’est à ce moment que j’ai commencé à rire comme un dingue, alors que les sensations me chatouillaient l’estomac. Nico hurlait plus fort que le bruit.

"Là, j’ai vraiment touché le bouton du volume !"


"Wow, on peut sentir l’accélération."


"Je donne tout ce que peux."

Tous les virages sont passés à l’équerre. Nico est parti dans un fou-rire en m’entendant hurler de rire. Nous sommes arrivés sur une chicane complètement à l’extérieur et j’ai senti les roues intérieures s’alléger. Il a tourné en dérive et nous avons fini dans l’herbe.. Il s’écriait : "C’est un peu raté !"


"Tu as perdu trois dixièmes sur ton meilleur tour !"


"Ne t’inquiètes pas, je vais les reprendre."


Il a passé l’enchaînement gauche-droite suivant en attaquant bien les vibreurs. J’ai même cru un moment que nous avions décollé. Il me criait encore : "Je crois que je les ai récupérés !"

Alors, il m’a annoncé que nous arrivions sur le dernier virage et il me dit : "Je vais encore gagner un dixième ici." Freinant sans glisser, il a effleuré le vibreur à l’intérieur et est sorti bien large.

Bientôt, je suis redescendu sur terre et j'ai réalise que j'étais trempé de sueur alors que la température extérieure atteignait juste les 15°C ! Sans le vouloir, Nico m’avait ramené dix ans en arrière. Je me suis revu devant ma console avec Gran Turismo, sautant d’un vibreur à l’autre. Je l’ai étreint avec les larmes aux yeux et je suis sorti avant d’être complètement submergé par l’émotion.

Source de l’article sur le site officiel de Lotus Renault GP.

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