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Un week-end en coulisses chez LRGP, deuxième partie

Charaf-Eddin Ait Taleb s’est vu offrir la chance de passer un week-end avec l’équipe Lotus Renault GP au Grand Prix d’Allemagne

Charaf-Eddin Ait Taleb s’est vu offrir la chance de passer un week-end avec l’équipe Lotus Renault GP au Grand Prix d’Allemagne. C’était une proposition qu’il ne pouvait pas refuser. Son regard sur un week-end au cœur d’une équipe de Formule 1 est à la fois révélateur et fascinant. LRGP a publié un peu plus tôt cette semaine la

première partie

de son histoire. Voici la seconde.

Après mon petit tour de piste avec Nico Rosberg, je suis revenu au stand Renault où Bruno Senna m’a abordé en français. Ce qui me sidère à chaque fois avec Bruno, c’est sa voix. Elle est si grave. On pourrait croire entendre un type de quarante ans. Je l’ai titillé un peu sur ce sujet et il m’a répondu :

"Oui. Mon père était chanteur d’opéra."

"OK. Chante-moi quelque chose !"

"Non. Je chante faux."

"OK. Bon, dis-moi Bruno, vas-tu piloter bientôt pour Lotus Renault GP le vendredi ?"

"Je ne sais pas encore. Mais j’ai entendu dire que tu es un ami d’Eric. Alors si tu peux lui glisser un mot pour moi…" Et il éclate de rire.

J’ai un peu parlé avec Vitaly [Petrov]. Je ne sais pas quelle image il donne à travers les médias, mais il est plutôt bavard. Il parle assez fort et de manière détendue, agitant les bras et la tête. Quand il sort de la voiture et qu’il s’adresse aux ingénieurs, il ponctue ses phrases en frappant une de ses mains sur l’autre pour donner plus de poids à son propos sur tel ou tel paramètre ou incident. Heidfeld a une approche différente. Il est calme et discret, il parle doucement et il donne toujours l’impression d’être en pleine réflexion.

Dans la soirée, j’ai été déposé à mon hôtel, près du circuit. La voiture venait à peine de s’arrêter qu’un homme m’accueillait. L’hôtel était immense. Dans le hall, j’ai aperçu Nicolas, le frère de Lewis [Hamilton], ainsi qu’Alonso embarqué dans une grande discussion. Mais la cerise sur le gâteau est arrivée quand je suis entré dans ma chambre, ou plutôt devrais-je dire mon appartement. La chambre était plus grande que mon appartement à Paris. Quel changement par rapport à ma tente et aux campings que je fréquentais habituellement pour les courses. J’ai ouvert la baie vitrée de la chambre et je me suis trouvé sur un grand balcon avec une vue panoramique. Mais je ne sais pas vraiment sur quoi !

Vendredi matin, je suis descendu pour le petit-déjeuner à 8 heures et les mécaniciens travaillaient déjà dur, ils s’entraînaient aux pit stops. Je me suis dirigé vers le stand Lotus Renault GP. Si vous n’avez jamais visité un stand de F1, la première chose qui vous frappe c’est l’odeur. Un mélange de pétrole, de gomme chaude et de propreté. Chaque mécanicien, chaque ingénieur est concentré sur sa tâche. Ils sont tous impliqués à fond, mais ils restent relax, ils se sifflent entre eux et chantent. Je ne suis pas et je ne serai jamais un pilote, mais je me mets à la place de Petrov ou Heidfeld. Quand vous voyez combien ces gars se dévouent à leur travail, la seule chose que vous avez envie de faire est de donner 110% sur la piste comme en dehors. J’ai mis mon casque et j’ai écouté ce qui se disait. Les ingénieurs parlent calmement. Un s’il te plaît ou un merci arrive toujours en fin de phrase.

Au début de la séance, le pilote a un programme clairement défini à remplir et le travail de son ingénieur est de l’aider. La première séance sert à contrôler tous les systèmes. Cela commence avec la radio. Le pilote doit parler à chaque virage pour vérifier que la radio fonctionne en tout endroit du circuit. Ensuite, c’est au tour des systèmes embarqués d’être testés. Tout cela est validé sur le premier ou les deux premiers tours. Vitaly et Nick font un résumé précis entre chaque run sur ce qui marche, ce qu’il faut corriger ou ce qui ne fonctionne pas du tout. Quand le pilote sort du stand, son ingénieur lui dit si la piste est libre et si ce n’est pas le cas, il lui indique qui arrive et à quelle distance. Le pilote est informé régulièrement sur les pilotes qui le précèdent et ceux qui le suivent. Tout est fait pour qu’il se concentre uniquement sur son pilotage. On lui dit de ne pas se servir du DRS, de contrôler l’aéro ou de travailler sur la course. La gestion moteur ou le KERS est modifié. Quand le réglage de ce dernier est ajusté, la répartition de freinage est sérieusement modifiée. Si vous voulez que le KERS se recharge rapidement, il faut augmenter la charge sur les freins avant et vice versa. L’objet de l’utilisation d’une batterie est d’allonger sa durée de vie. Quand les ingénieurs constatent que le pilote ne peut accéder à un paramètre, ils lui transmettent l’information et lui demandent de réagir en fonction. Mais le pilote peut aussi ignorer la demande s’il le veut.

Au milieu de la séance, la Lotus Renault GP de Nick est rentrée à l’intérieur du box et une forte odeur de brûlé envahit la pièce. La voiture vient juste de gravement surchauffer. Petrov trouve ses marques sur la pit lane et aussi sur son emplacement de pit stop. L’après-midi, l’opération se répète selon une procédure que je commence à connaitre. Eric Boullier passait par là et m'a salué en fin de deuxième séance. Vers 18 heures, je me suis assis avec Simon, l’ingénieur de Nick, qui était supposé être celui de Robert [Kubica] au début de la saison. J'ai commencé par le féliciter pour son travail et aussi pour sa capacité à comprendre ce qui se dit à la radio. Quand un pilote parle, c’est parfois très difficile de saisir ce qu’il dit. Il m'a répondu ainsi :

"En côtoyant les pilotes, on apprend à les connaître et parfois nous pouvons même savoir ce qu’ils vont dire avant qu’ils le disent !"

"Cela n’a pas dû être facile pour toi de changer de pilote un mois avant le début de la saison ?"

"Non. Il m’a fallu beaucoup travailler, mais nous avons eu, heureusement, des séances d’essais avant le début de la saison. Maintenant, je comprends mieux la manière dont Nick va aborder son week-end, comment je peux l’aider et les problèmes qu’il peut rencontrer."

Simon est reparti travailler. A ce moment, Vitaly s’est installé à côté de moi et nous avons commencé à bavarder. Je lui ai demandé s’il sentait une forte pression venue de Russie et il m’a expliqué :

"C’est vrai, mais tu sais, j’ignore tout cela." Je lui ai parlé de la pause hivernale et je lui ai demandé s’il avait changé au cours de cette période. "Pas tant que cela. Bien sûr, j’ai beaucoup appris pendant ma première saison et mon objectif était de convaincre l’équipe que je m’améliorais et qu’il fallait juste qu’ils me donnent un peu de temps. Aujourd’hui, tu vois le résultat."

"Cette année, je trouve que tu es beaucoup plus naturel et détendu," dis-je.

"Eh bien mes résultats sont sur une courbe ascendante et ainsi je n’ai pas vraiment de pression."

Les qualifications sont le moment fort du samedi. En la circonstance, le silence règne dans le stand LRGP. Quelques invités se parlent à voix basse, comme s’ils étaient à l’église ! Les voix à la radio sont différentes. Vous sentez juste que les prochaines minutes vont s’avérer cruciales pour le reste du week-end. Les pilotes entendent le compte à rebours avant le début de la séance. A ma droite, le moteur de Nick est en phase de mise en température. A ma gauche, même chose pour Vitaly. Les pistolets à air reprennent vie alors qu’on change les pneus de Vitaly. Q1 se déroule. Finalement, les Lotus Renault GP passent en Q2 sans difficulté, même si nous gardons à l’esprit la crainte de voir une voiture éliminée à ce premier stade. Un des instants clés du week-end est la Q2. Pendant cette séance, les ingénieurs doivent gérer le trafic en piste de leur mieux et ils tiennent les pilotes au courant continuellement : "Il y a une Red Bull cinq secondes derrière et elle est dans un tour rapide. Laisse passer parce que derrière tu as trente secondes de marge sur le suivant. Garde bien les pneus en température, nous passons en mode qualification."

Alors, sans m’en rendre compte, j'ai serré les poings. Mes poils se sont dressés. Il y a tant de paramètres, tant d’informations à analyser, à comprendre et à transmettre à l’homme en piste. Et ensuite, tout était fini. A cet instant, la voix de Simon s’est élevée dans le casque. "Malheureusement, nous avons manqué la Q3, Nick." Le silence qui a suivi m'a fait presque mal aux oreilles. Je m’imaginais dans la voiture, devant ma famille et mes amis, revenant vers le stand la tête basse, furieux contre moi-même. Sans compter qu’il faut encore affronter la horde de journalistes qui tend ses micros sous mon nez. Quelques fois, il est mieux d’être simplement soi-même.

Le soir, je quittais le paddock en compagnie de mes amis de Red Bull. En nous dirigeant vers la sortie, nous avons croisé une file de vieilles voitures de course. Je suis tombé sur Nico installé dans une voiture avec laquelle Fangio a été champion du monde. J'ai regardé la voiture et j'étais sidéré de voir à quel point les pneus étaient étroits. En voyant mon expression, Nico s’est esclaffé et m'a lancé : "Regarde le volant !"

"Il pourrait sortir d’un camion."

Nico n’avait pas l’air très à l’aise dans cette voiture, les genoux de part et d’autre du volant.

Source de l’article sur le site officiel de Lotus Renault GP.

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