Vergne : Il y a "de la logique" derrière la pénalité de Vettel

Alors que la Formule 1 se déchire autour de la pénalité de Sebastian Vettel, certains acteurs du monde de l'Endurance, réunis au Mans en vue des 24 Heures, ont réagi en offrant leur point de vue sur ce cas particulier mais également sur la question des pénalités. Morceaux choisis avec Jean-Éric Vergne, Bruno Senna et Sébastien Bourdais.

Le deuxième, Sebastian Vettel, Ferrari, et le vainqueur Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1, sur le podium

Le deuxième, Sebastian Vettel, Ferrari, et le vainqueur Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1, sur le podium

Andy Hone / Motorsport Images

Au 48e tour du Grand Prix du Canada 2019, Sebastian Vettel a fait une erreur, tiré tout droit en traversant la zone d'herbe au virage 3, avant de revenir en piste au moment où Lewis Hamilton passait sur la trajectoire de course. Les commissaires ont décidé de sanctionner l'Allemand de cinq secondes pour son "retour en piste dangereux" et avoir forcé le Britannique à effectuer des "manœuvres d'évitement". Cette sanction a entraîné la colère du pilote Ferrari mais également des réactions parfois vives des observateurs et des fans.

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Même si une majorité penche en faveur d'une sanction trop sévère, des voix discordantes ont été entendues. Motorsport.com a profité de sa présence au Mans pour compiler l'opinion de certains pilotes, passés par la Formule 1, sur la question.

Parmi eux, Jean-Éric Vergne. Le Français, qui va disputer ses troisièmes 24 Heures du Mans, avec G-Drive, et est devenu l'an passé Champion de Formule E, a couru en discipline reine de 2012 à 2014 pour le compte de Toro Rosso. Sur la sanction infligée dimanche à Vettel, il a déclaré, en présence de plusieurs médias : "Je trouve que la pénalité de Vettel, il y a de la logique derrière, surtout que Vettel est quand même assez connu pour utiliser tous les moments qui ne jouent pas en sa faveur pour les tourner en sa faveur."

"Je me rappelle du Mexique il y a deux ou trois ans [en 2017], où au départ il laisse son aileron avant traîner alors qu’il aurait très bien pu ne pas toucher Hamilton, qui a crevé à cause de ça. Évidemment il utilise le fait qu’il y avait quelqu’un à l’intérieur et à l’extérieur pour avoir laissé traîner son aileron avant."

Une opinion tranchée sur le cas du quadruple Champion du monde de F1 mais également sur le système d'attribution des pénalités, qu'il juge inconstant. "Après, je trouve qu’il y a absolument zéro constance dans les pénalités données. Je me rappelle de Ricciardo à Monaco [en 2016], qui se fait serrer contre le mur par Hamilton alors que Hamilton fait une erreur exactement comme Vettel, et Hamilton n’a pas eu de pénalité." Un cas que nous avions évoqué en détail à l'époque.

"Le problème de ça, c’est celui qu’on a aussi en Formule E, comme en F1 : c’est que les commissaires qui prennent les décisions ne font pas toutes les courses, ils ne sont pas spécialisés, pas professionnels – pas dans le mauvais sens du terme. Je veux dire par-là que les arbitres de football, ils arbitrent des matchs presque toutes les semaines, voire deux jours par semaine, donc évidemment il y a de la constance dans les sanctions qu’ils mettent. En Formule 1 ou en Formule E, vous avez des commissaires…"

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"Moi j’ai eu le même problème : il y a eu une situation à Mexico, il y a la même trois courses après à Rome et je dis ‘Ce n’est pas normal, vous n’avez pas mis de pénalité aux autres qui ont fait exactement la même chose à Mexico, et moi vous m’en mettez une’. Et sa réponse c’est ‘Je ne sais pas, je n’étais pas à Mexico’. Comment on peut être dans un sport aussi professionnel, où on met autant d’argent, où on risque notre vie et énormément de choses, et donner des situations à juger à des gens qui ne sont pas là toute la saison. C’est quelque chose que je ne comprends pas trop."

"Et puis ce genre de pénalité a surtout tué la fin de course [au GP du Canada], parce qu’au final il n’y avait plus de suspense, Hamilton a fait le mathématicien à rester dans les cinq secondes et puis il n’y avait plus aucun suspense. Je trouve ça dommage."

"C’est le problème qu’il y a depuis longtemps, la professionnalisation des commissaires. Ils ne sont même pas payés, ils sont volontaires. Je pense que c’est vraiment le système qui doit changer. Et il ne faut pas non plus les critiquer, car ils font avec ce qu’ils ont, et quand vous jugez deux ou trois courses dans l’année, que vous êtes là devant le fait accompli, avec énormément de choses à regarder, énormément de données, la décision peut être juste."

Bourdais : "J'ai éteint la télé"

Du côté de Sébastien Bourdais (pilote Ford en LMGTE Pro), quadruple Champion ChampCar et pilote de F1 en 2008-2009 lui aussi pour Toro Rosso, il est clair que la pénalité était excessive. "J’étais à Dallas, j’ai éteint la télé quand il y a eu la pénalité", a-t-il confié, en réponse à une question posée par Motorsport.com. "Il y a un moment où il faut que ça s’arrête. À la limite, avant qu’il dise quoi que ce soit, je lui aurais mis un warning, et ça s’arrête là. Si tu lui mets un warning, tu lui dis que la prochaine fois il faut faire attention car il pourrait y avoir quelqu’un à côté."

"Mais il n’y avait rien de malin, rien de prémédité. Il avait fait le boulot en qualifs, Hamilton avait fait une petite faute, il était parti devant. Clairement, la Mercedes roulait un peu mieux, mais il avait fait le boulot et méritait sa victoire, point barre. Ça m’a rappelé la fois où je me fais pénaliser avec Massa au Japon [en 2008] à la sortie des stands. Il y a un moment où c’est de la course, il n’y a personne qui ne se doit rien sur la piste, et ce n’est pas parce qu’il y a un demi-contact ou un possible contact qu’il faut toujours mettre une pénalité en face."

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Parmi les quatre commissaires impliqués dans la décision, Emanuele Pirro, lui-même ancien pilote F1 dans les années 1980 et quintuple vainqueur des 24 Heures du Mans avec Audi, occupait le rôle de commissaire-pilote et a été parfois violemment pris à parti sur les réseaux sociaux. Bourdais préfère penser qu'il n'est pas celui qui est à l'origine de la décision : "Ce n’est même pas le règlement là, c’est le jugement. Je ne sais pas ce qu’Emanuele en a pensé, mais il a deux autres commissaires [trois, en fait] à gérer sur cet incident-là, et je ne serais pas du tout étonné qu’Emmnuele dise ‘non, il n’y a rien’ et que les deux autres disent ‘oui, il y a quelque chose’. J’espère pour lui, parce que s’il était en faveur de la pénalité je pense qu’en rentrant en Italie il se fait décapiter ! C’est triste pour le sport..."

"Ça paraît trop politique, trop mis en boîte, ce n’est pas bon pour l’audience parce que les gens se fatiguent", poursuit-il, plus globalement, sur la Formule 1. "La prédictibilité, ce n’est pas ça que les gens recherchent. Aujourd’hui en F1, il y a déjà trop de prédictibilité, les choses sont trop claires, trop écrites d’avance. Je me rappelle quand je suis arrivé en F1, il y a déjà dix ans, avant les courses ils avaient déjà fait toutes les analyses des rythmes des uns et des autres, et tu arrivais le dimanche matin avec un meeting où c’était : aujourd’hui si tu fais du bon boulot, tu t’es qualifié 15e et tu finiras 12e, et si tu fais du boulot de merde tu finiras 18e."

"Je n’ai pas envie de savoir. Et le spectateur qui regarde la course n’a pas envie de regarder une course qui a un scénario pré-écrit. Malheureusement, je pense qu’ils ne comprennent pas bien que la prédictibilité du système et le manque de fans, plus le fait que les autos sont impossibles à doubler, malgré un DRS, sont liés."

Senna : "On laisse trop de place à l’interprétation humaine"

Quant à Bruno Senna, pilote Rebellion aux 24 Heures du Mans cette année et ancien pensionnaire de Formule 1 entre 2010 et 2012 chez HRT, Lotus et Williams, le problème réside plutôt dans la sur-intervention des commissaires, et notamment en raison des zones grises des règles, que dans le cas particulier du GP du Canada. "C’est toujours compliqué", a-t-il déclaré au micro de Motorsport.com. "C’est facile de critiquer. Dans un sens, oui, il a repris la piste de manière non sûre et il a poussé Lewis hors de la piste. Mais d’un autre côté, c’était dur de contrôler [la voiture]. Ce n’est pas comme quand il y a une zone de dégagement asphaltée et que l’on pousse Lewis un peu au large."

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"Le problème avec les commissaires, c’est qu’ils ont vraiment tendance à donner des pénalités, c’est la période actuelle en sport automobile qui est comme ça, ils donnent des pénalités pour tout ce qui peut se passer. Dans un sens, c’était trop réglementé. S’ils n’avaient pas donné la pénalité ou l’avaient annulée, ils se seraient retrouvés dans une situation difficile car ils auraient perdu leur autorité. C’est dommage, parce que la course était belle et Vettel méritait de gagner."

"Pour moi, le problème c’est qu’il y a trop de zones grises dans les règlements, au lieu de choses où ce serait tout noir ou tout blanc. On laisse trop de place à l’interprétation humaine, et ça fait qu’il y a beaucoup de gens qui sont d’accord d’un côté, et d’autres qui ne sont pas d’accord. Pour moi c’est le gros problème, ça devrait être plus clairement tranché : ‘Si tu fais ça, tu as une pénalité, et si tu ne le fais pas, tu n’en as pas’. Dans ce cas, si la réglementation était comme ça, parfaitement écrite, à chaque fois qu’il y aurait un risque de pénalité le pilote ne pousserait pas un autre hors de la piste."

Propos recueillis par Basile Davoine 

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