Interview

Pourquoi Verstappen fait entrer "un nouvel Hamilton" dans la danse

Dans un entretien exclusif pour Motorsport.com, Juan Pablo Montoya a livré son opinion sur la lutte pour le titre F1 entre Lewis Hamilton et Max Verstappen, estimant que le Néerlandais a poussé le septuple Champion à changer d'approche et d'attitude dans la lutte pour le titre.

Lewis Hamilton, Mercedes, vainqueur et Max Verstappen, Red Bull Racing, 2ᵉ, sur le podium

Photo de: Charles Coates / Motorsport Images

La Formule 1 va reprendre ses droits ce week-end avec le Grand Prix de Belgique, qui donnera le coup d'envoi de la seconde moitié de saison 2021. Après les 11 premières épreuves, le duel entre Lewis Hamilton et Max Verstappen est évidemment au centre des attentions et les 12 courses restantes devront servir à départager les deux hommes aujourd'hui seulement séparés de huit points.

Dans un entretien exclusif pour Motorsport.com, Juan Pablo Montoya a livré son opinion sur le combat entre les deux pilotes mais aussi leurs deux écuries, alors que les deux derniers Grands Prix avant la trêve ont vu l'avance de Verstappen être réduite à néant, notamment dans un accrochage avec son rival à Silverstone.

Quelle impression vous fait Max Verstappen cette année ?

Je pense que Max fait du très bon travail. Je pense que la chose la plus difficile pour Max cette année est qu'il est dans un nouveau scénario. Il a toujours vécu un peu la même chose que moi : j'étais toujours le chasseur et pas celui qui était chassé. Et je pense que c'est génial pour lui que cette année, il soit le gars que tout le monde poursuit. Mais je pense que lorsque vous êtes celui qui est poursuivi, vous devez aborder les choses un peu différemment.

Tout d'un coup, les gens avec qui vous courriez avant et qui n'étaient pas très agressifs... Comme vous le voyez avec Lewis désormais, tout d'un coup Lewis est plein d'agressivité, il se bat pour chaque point. Quand Lewis avait toujours la voiture la plus rapide, il savait qu'il n'avait pas à prendre de risque parce que les courses venaient à lui, parce que la voiture était plus rapide. Donc je pense que les gens voient un Lewis qu'ils n'ont pas vu depuis quelques années.

Mais je pense que c'est vraiment bien. Et peu importe ce qui se passe avec Max, j'espère qu'il pourra gagner le championnat, mais quoi qu'il arrive avec lui, ce sera une grande expérience pour l'avenir. Il est difficile de prédire ce qui va se passer. Mais vous savez, la raison pour laquelle Lewis a gagné tous ces championnats, c'est parce qu'il est passé par là et qu'il a fait ça. Et ça va beaucoup dépendre de la façon dont les courses sont exécutées et de la manière dont les choses se passent pour chaque pilote.

Les Mercedes ont recommencé à être plus rapides et je pense que ça va avoir un impact sur ce qui se passe. Red Bull, je pense qu'ils doivent, un peu comme Max le dit, moins parler et juste se concentrer sur ce qui doit être fait. Je crois qu'avec l'incident de Silverstone, ils sont allés un peu trop loin pour essayer de prouver quelque chose au lieu de continuer à travailler, comme d'habitude. C'est très important.

C'est un nouveau scénario pour Max. Qu'est-ce qu'il aurait pu faire différemment cette année ? Où peut-il encore progresser ?

À Silverstone, il avait une voiture bien plus rapide. Il aurait pu laisser passer Lewis et le rattraper grâce à sa stratégie. Mais le Max que nous connaissons... Et j'aurais fait la même chose [à son âge], je n'aurais pas levé le pied, mais aujourd'hui je l'aurais fait en sachant que j'avais la voiture la plus rapide. Mais quand j'étais plus jeune, et vu ce que Max a toujours connu, il pouvait toujours être l'agresseur et les gens lâchaient. Mais il découvre maintenant à la dure que Lewis ne lâche plus.

Bakou et la Hongrie sont les autres courses lors desquelles il n'a pas terminé premier ou second. Mais lors de ces Grands Prix, c'était hors de son contrôle...

Mais ces courses finiront par arriver. Le problème est qu'aujourd'hui, quand quelque chose casse, c'est un énorme problème. Quand je courais en Formule 1, vous aviez cinq ou six abandons [par saison] et c'était normal. Si vous aviez une panne moteur ou un problème sur la voiture, ce n'était pas la fin du monde. Aujourd'hui, quelque chose tombe en panne et c'est : "Oh mon dieu, ça ruine notre année !".

Perdre la tête du championnat juste avant la trêve estivale, à quel point est-ce un coup dur pour un pilote mentalement ?

C'est dur parce que Mercedes avait un vrai rythme en Hongrie. Et je pense que ça a surpris tout le monde. En tout cas pour moi, c'était surprenant. Sur la base de ce qu'on a vu lors des précédentes courses, on pouvait s'attendre à ce que Max soit loin devant. Et la Red Bull ne l'était pas. Alors on se dit : "Oh, qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que Red Bull a raté quelque chose ? Ou Mercedes a trouvé quelque chose ?".

Il y avait donc des points d'interrogation au moment d'aborder la trêve estivale...

Je ne pense pas que ce soit le cas pour Max. Je ne crois pas que Max soit trop dérangé par ça. Max veut juste piloter la voiture aussi vite qu'il le peut et s'occuper de ses affaires. Mais je suis sûr que certaines personnes dans l'usine et dans l'équipe se demandent : "Qu'est-ce qui nous manque ? Que devons-nous faire ?". Parce que si ça doit être aussi serré, ça va se jouer sur des erreurs et sur celui qui fera le meilleur travail.

Au même moment, Lewis se dit "Mec, c'est génial d'être en tête", mais il a fait une énorme erreur au début de la course [en Hongrie]. C'est dommage que la voiture de Max ait été endommagée et qu'il n'ait pas pu en profiter. Mais ce que Lewis a fait au début de la course, quand tout le monde s'est arrêté et pas lui, c'était la mauvaise décision. Il a jeté la victoire par la fenêtre. Il a eu la chance d'obtenir une seconde place, mais a-t-il réellement maximisé le week-end ? Pas vraiment.

Hamilton a semblé assez agressif lors des dernières courses, à Silverstone avec Max et en Hongrie avec Fernando [Alonso]...

Alors, j'ai une question : qu'aurait fait Max si le scénario était inversé ? [Pareil] Exactement. Je veux dire que c'est pour ça qu'ils sont là. C'est pour ça qu'ils sont les meilleurs en ce moment. C'est parce qu'ils sont prêts à aller là où personne d'autre ne va. La surprise pour Max, c'est que normalement Lewis recule. Ce qu'il n'avait pas prévu dans ce scénario, c'est que Lewis était derrière au classement et qu'il s'agissait de sa course à domicile [à Silverstone]. Il savait que la seule chance qu'il avait de gagner cette course était de rester là. Et il l'a fait. Il a juste sous-viré à la sortie du virage. Vous pouvez voir qu'il a essayé de tourner, mais il a juste sous-viré vers Max. Et Max a été très agressif en ne lui laissant pas beaucoup de place. Il lui a donné assez d'espace, mais assez d'espace pour que le gars y reste, pas assez pour qu'ils passent côte à côte. [rires] Mais si vous inversez la situation, si vous mettez Lewis à l'extérieur et Max à l'intérieur, soit la même chose se produit, soit les deux finissent dans le mur de pneus.

Que penser de Lewis cette année ? Il a commis des erreurs, il n'a pas semblé aussi à l'aise que les années précédentes.

Je pense qu'il est dans un nouveau scénario. Il est en F1 depuis longtemps et je suis sûr que des gens se demandent : "Pourquoi fait-il encore ça ? Ne devrait-il pas prendre sa retraite ? Est-il toujours l'homme de la situation ?". Et il veut être l'homme de la situation. Et il peut faire le travail. Alors oui, je pense qu'il n'aborde pas chaque week-end en se disant "Je vais gagner de 30 secondes". Il aborde les week-ends en se demandant : "Comment ne pas se faire botter le cul par Max et Red Bull ?"

Il semblait épuisé après la course de Hongrie...

Je pense qu'il se donne à fond comme il ne l'a pas fait depuis des années. Il est forcé de creuser plus profondément qu'il ne l'a fait ces dernières années et d'aller dans des endroits mentalement et physiquement où il n'a pas été depuis longtemps parce qu'il n'en avait même pas besoin. Je pense que ce que Max fait à Lewis, c'est de faire rentrer un Lewis nouveau dans le jeu et de le faire progresser. Et c'est génial pour la discipline. Et je pense que c'est à Max de faire la même chose. Maintenant, Max doit trouver ce qu'il doit faire de plus pour que le travail soit fait.

Est-ce que Lewis a été un peu affecté par le COVID et tout le reste ? Peut-être. Mais quand vous êtes le plus rapide, que vous vous maintenez à votre rythme et que vous continuez à distancer les autres, l'effort est minime. Mais quand vous vous démenez pour rattraper chaque dixième dans chaque virage, en enchaînant les tours de qualifications, alors c'est une autre histoire.

Saga des ailerons flexibles, arrêts au stand ralentis... Mercedes joue un peu plus le jeu politique cette année.

Vous ne pouvez pas dire que Red Bull ne joue pas bien ce jeu. Red Bull a toujours très bien joué, mais le problème est que l'avantage de Mercedes était assez grand pour ne pas l'affecter tant que ça. Rappelez-vous que le mode [moteur] de qualifications de Mercedes a été supprimé [à partir du Grand Prix d'Italie 2020, ndlr] à cause de Red Bull. Je veux dire : c'est juste politique. Tout le monde pousse les limites et tout le monde essaie de comprendre comment battre quelqu'un, comment faire un meilleur travail. Et aussi, si je peux nuire à la concurrence, c'est un gain pour moi. C'est normal.

Peut-être que nous ne sommes pas habitués à ce que Mercedes soit si actif sur ce front...

Ils n'en avaient pas besoin. Quand votre voiture est plus rapide d'une demi-seconde par tour par rapport à toutes les autres, pourquoi vous en préoccuper ?

Rejoignez la communauté Motorsport

Commentez cet article
Article précédent Toto Wolff dans le viseur pour un possible délit d'initié ?
Article suivant Quelle équipe F1 a le plus progressé en 2021 ?

Meilleurs commentaires

Il n'y a pas de commentaire pour le moment. Souhaitez-vous en écrire un ?

Abonnez-vous gratuitement

  • Accédez rapidement à vos articles favoris

  • Gérez les alertes sur les infos de dernière minute et vos pilotes préférés

  • Donnez votre avis en commentant l'article

Motorsport Prime

Découvrez du contenu premium
S'abonner

Édition

France