Comment les vues d'hélicoptère en F1 ont atteint de nouveaux sommets

Les prises de vue aériennes de la Formule 1 sont devenus un élément indispensable de la réalisation des courses. Nous nous sommes rendus dans les coulisses pour découvrir comment travaille l'opérateur de la caméra montée sur un hélicoptère.

Lieven Hermans, responsable des images aériennes de la Formule 1, et la caméra Shotover de la F1 sur un hélicoptère

Photo de: Mark Sutton / Motorsport Images

Vous voyez les images qu'il filme à chaque course depuis quinze ans mais il reste un homme de l'ombre de la Formule 1. Lieven Hermans est l'opérateur en charge des plans aériens depuis 2007 et il nous a ouvert les portes de son hélicoptère à l'occasion du Grand Prix de France 2022.

La rencontre s'est faite juste après la première séance d'essais libres, à l'aéroport du Castellet situé juste à côté du circuit, où se trouvait le fameux hélicoptère sur lequel l'imposante caméra Shotover de la Formule 1 avait été montée. Situé à côté du pilote, le poste de Hermans était équipé d'un écran et de systèmes de contrôle, avec un joystick et de nombreux boutons et interrupteurs lui permettant de diriger la caméra.

Il faut avoir l'estomac bien accroché pour occuper ce rôle, puisque Hermans ne lâche pas son écran des yeux pendant les manœuvres du pilote. Ce n'est pas un problème pour le Belge, qui avait déjà plusieurs années d'expérience avant de travailler pour la F1. "J'ai toujours été passionné par la vidéo et les hélicoptères", résume-t-il à Motorsport.com. "Les hélicoptères restaient hors de portée jusqu'à ce que je découvre que je pouvais associer mes passions pour les caméras et les hélicoptères avec la captation d'images aériennes."

"J'ai intégré une entreprise où l'on pouvait suivre des formations et j'ai développé mes compétences. Évidemment, on ne devient pas un opérateur de caméra aérienne immédiatement. Il faut d'abord acquérir les connaissances nécessaires et prendre de l'expérience avant le premier vol. En général, on fait cela seul donc il est important d'être complètement familier avec toute la technique."

C'est presque par hasard que Hermans a atterri dans l'hélicoptère de la Formule 1 : "Avant de commencer à travailler pour la F1, l'un de mes collègues s'occupait des courses. À cette époque, six ou sept courses étaient produites par la Formule 1 elle-même, toutes les autres étaient filmées par les diffuseurs nationaux. J'ai remplacé mon collègue une fois, puis une deuxième fois, et sans m'en rendre compte, je suis devenu le responsable des plans aériens pour la F1. Le nombre de courses a rapidement grimpé à environ 13 par an, et n'a fait que grandir depuis."

La caméra Shotover de la F1, qui est contrôlée par Lieven Hermans, responsable des images aériennes de la Formule 1

La caméra Shotover de la F1 qui capte les images aériennes

La F1 réalise désormais toutes les courses à l'exception du Grand Prix de Monaco. Hermans a ainsi pu prendre des automatismes mais aussi apporter sa patte aux vues aériennes. L'époque à laquelle elles ne servaient qu'à montrer la lutte entre les leaders est révolue et avec Hermans, les plans d'hélicoptère ont permis de dynamiser la réalisation en offrant des angles originaux et en rapprochant le public de l'action, où qu'elle se situe en piste.

"Avant, les plans aériens ne servaient qu'à suivre les pilotes à l'avant", confirme Hermans. "On les suivait comme un garde du corps, pour ne manquer aucun moment important. Mais on a montré que l'on pouvait faire beaucoup plus. On peut faire des plans plus dynamiques en jouant avec le premier plan ou l'arrière plan, en apportant encore plus de vitesse."

"C'est comme ça que nous avons progressé année après année. Selon moi, les images que nous produisons maintenant sont bien meilleures que ce qui était fait il y a 14 ans."

Une harmonie à trouver avec chaque pilote d'hélicoptère

Les week-ends de Lieven Hermans débutent à la veille des premiers essais, avec l'installation de tout le matériel sur l'hélicoptère qui servira pendant le week-end : "Le jeudi nous permet de mettre les choses en place. Le matin on vérifie le matériel, on récupère l'hélicoptère et on installe tout. Il y a de nombreux protocoles à suivre donc nous avons beaucoup de réunions. Parfois, il faut quelques heures avant de se serrer la main et découvrir l'hélicoptère."

"Ensuite, nous installons la caméra et nous faisons un vol d'essai. Il faut regarder les premières images et essayer de se souvenir de ce que l'on faisait les années précédentes. La réalisation commence le vendredi donc nous couvrons toutes les séances de la F1. Évidemment, nous arrivons assez tôt pour vérifier une nouvelle fois la caméra et l'hélicoptère et faire un briefing avec le pilote. Puis on sort l'hélicoptère du hangar et on commence à travailler."

Si Hermans est présent sur toutes les épreuves, le pilote qui l'accompagne change à chaque week-end puisque les appareils sont loués dans le pays de la course : "À une époque, on avait le même hélicoptère et le même pilote pour toute l'Europe, mais cela coûtait cher et avec le besoin de réduire les émissions de CO2, cela devenait difficile. Mais puisque nous revenons aux mêmes endroits tous les ans, maintenant nous avons une équipe de pilotes auxquels nous faisons appel à chaque fois. Cela signifie que la plupart des pilotes avec lesquels nous travaillons ont une certaine expérience."

"Il arrive parfois que le pilote n'ait pas d'expérience des plans aériens. Il faut vraiment commencer avec les bases et parfois, il m'arrive même d'expliquer certaines manœuvres. Il est vraiment important d'avancer étape par étape au cours du week-end. L'avantage, c'est que nous couvrons toutes les séances de la Formule 1, donc nous avons deux heures le vendredi et une heure le samedi pour prendre nos marques. Au moment des qualifications, et encore plus de la course, la coopération est au point."

Lieven Hermans, responsable des images aériennes de la Formule 1

Lieven Hermans dans l'hélicoptère qui lui a permis de filmer les images du GP de France

Le pilote et l'opérateur de la caméra ont "absolument" besoin de communiquer de manière efficace, afin de comprendre les besoins de l'autre : "Le pilote fait environ 50% du résultat final, c'est vraiment un travail d'équipe. C'est important qu'il s'imprègne de ce que je fais et qu'il puisse le voir, parce qu'on n'a pas le temps de tout expliquer. Il a aussi un écran pour voir les images que nous faisons. Certains pilotes ont plus d'expérience que les autres pour voler en regardant ça."

"Mais ils voient vraiment les images tout en volant et sont totalement impliqués dans le rythme et dans les mouvements. S'ils ne suivent pas ce que j'essaie de faire ou ne comprennent pas ce que je veux, ça devient très compliqué."

L'équilibre est atteint au moment où Hermans et le pilote n'ont presque plus besoin de se parler : "Il y a des pilotes à qui je ne dis presque rien le dimanche, parce que nous sommes totalement en harmonie. Si je dis que je veux faire un plan long d'une voiture, le pilote sait exactement ce qu'il faut faire. Évidemment, on est souvent confrontés à des situations que l'on n'a pas pu préparer en amont, mais dans l'ensemble, moins on communique le dimanche, mieux c'est."

À la recherche du plan idéal

Hermans a naturellement une préférence pour les pistes photogéniques offrant un certain relief, comme le Red Bull Ring et Spa-Francorchamps : "C'est beaucoup plus fun parce qu'on peut mieux jouer avec le premier et l'arrière plan, et avec les différences d'altitude. J'aime aussi vraiment Portimão pour ça. Je pense qu'ils devraient remettre [ce circuit] au calendrier. Je le dirai à Stefano Domenicali [PDG de la F1] la prochaine fois que je le verrai !"

Les pistes les plus compactes sont également agréables puisqu'elles permettent de se déplacer facilement d'un bout à l'autre : "Des circuits comme Djeddah et Bakou sont très difficiles parce qu'en fait, ils ont la forme d'une longue ligne. On ne peut pas couper vers un virage pour filmer une voiture qui est à un autre endroit. Si une voiture est dans une courbe et qu'on est de l'autre côté, il faut traverser toute la piste, ce qui peut prendre pas mal de temps. Mais sur un circuit comme le Red Bull Ring, on peut se rendre à l'autre bout de la piste en un instant."

Le système de contrôle de la caméra Shotover de la F1 utilisée par Lieven Hermans, responsable des images aériennes de la Formule 1

Le système de contrôle de la caméra Shotover utilisée par Lieven Hermans

Chaque circuit impose ses propres contraintes mais elles sont particulièrement notables sur les circuits urbains, avec des immeubles et d'autres obstacles à prendre en compte : "À Singapour, on a des immeubles juste à côté de la piste. Et Djeddah n'est pas difficile uniquement parce que c'est une piste longue et rapide, mais aussi parce qu'il y a de gros immeubles et qu'il y a des grues sur des tours."

D'autres variables peuvent priver Hermans du plan prévu : "J'ai toujours en tête des choses que je veux faire. Mais ce n'est pas toujours possible pour le pilote, parce qu'il peut y avoir un autre hélicoptère qui vole par exemple. Cela arrive souvent à Silverstone, on croise soudainement un hélicoptère avec des touristes, donc on ne peut pas faire exactement ce que l'on avait à l'esprit."

"On peut réussir un plan précis dix fois d'affilée, mais s'il n'est pas parfait à la 11e et qu'il est intégré au flux international, c'est vraiment frustrant parce que nous visons la perfection."

Beaucoup d'éléments sont à combiner pour atteindre cette perfection : "Nous ne sommes pas fixés au sol donc notre position est importante, comme la vitesse de la voiture que l'on suit, notre vitesse de vol et le moment où l'on commence le plan. Il y a d'innombrables facteurs à assembler pour réaliser le plan parfait."

Montrer les conditions météo sans les subir

De nombreuses autres variables entrent en compte pour réaliser le plan parfait et comme toujours dans l'aviation, la météo est un aspect qu'il ne faut pas négliger : "Il y a vraiment une infinité d'éléments qui doivent être associés pour réussir ce plan parfait. La météo joue un rôle majeur parce que nous avons souvent de mauvaises conditions, comme à Spa [en 2021], je pense que ce sont les pires que j'ai connues en F1. Il pleuvait en permanence mais il y avait aussi beaucoup de brouillard."

"Et puisqu'il y a beaucoup de dénivelé et que les conditions peuvent changer très rapidement dans les Ardennes, on peut avoir une visibilité parfaite à un moment et ne rien voir juste après. On arrive au stade où on se dit qu'on ne peut pas travailler."

Parfois, les images aériennes filmées par Hermans sont encore diffusées alors que les pilotes ne peuvent plus rouler parce que l'hélicoptère médical est cloué au sol en raison des conditions. "Nous avons l'avantage de voler localement, uniquement au dessus du circuit", explique Hermans. "S'il y a un héliport sur la piste, on peut continuer à travailler tant que nous avons la visibilité. L'hélicoptère médical doit aller d'un point A à un point B, il doit avoir la garantie de pouvoir arriver à destination. C'est la grosse différence avec nous."

La caméra maniée par Hermans est même pensée pour offrir de bonnes images sous la pluie. Une vitre est placée devant l'objectif et un moteur lui permet de tourner à très haute vitesse : "[Elle fait] plusieurs milliers de tours par minute, ce qui éjecte les goutes d'eau. Cela nous permet d'avoir des images parfaites sous la pluie, ce qui est assez différent de ce que l'on voyait auparavant. Maintenant il y a des moments où je vois mieux avec la caméra qu'à travers les hublots de l'hélicoptère."

Lieven Hermans, responsable des images aériennes de la Formule 1

Un vitre rotative permet d'éjecter les gouttes d'eau de la caméra Shotover

Lieven Hermans ne doit pas gérer que la relation avec son pilote lorsqu'il filme l'action en piste. Afin de suivre les moments clés de la course, il doit également se coordonner avec l'équipe en charge de la réalisation à terre. Et puisqu'il faut que l'hélicoptère se positionne au bon endroit, une certaine anticipation est nécessaire.

"Je suis en lien permanent avec le réalisateur et il y a un producteur qui me parle. Je peux regarder dehors, mais il me manque naturellement ce suivi de la course que l'on a au sol, avec tous les graphiques et les données. Mais j'ai toujours l'application de la F1 ouverte et je peux suivre l'action sur les écrans en bord de piste. Donc j'agrège beaucoup de sources d'informations et je filtre ce qui est important pour nous dans l'hélicoptère."

"Je peux parfois entendre parler d'une bataille en particulier, mais si cela se passe à l'autre bout de la piste, il y a une bonne chance que le temps qu'on y aille ou que les voitures arrivent à notre niveau, on parle d'une chose totalement différente. Donc il est important d'avoir une idée de la suite d'une histoire ou de ce que sera la suivante, et de ne pas réagir à ce qui se passe sur le moment."

Hermans est souvent aux premières loges et même s'il est concentré sur sa tâche, il apprécie sa position privilégiée pour suivre les courses. Lorsque nous l'interrogeons sur les moments marquants qu'il a vécus, il pense au dernier tour du Grand Prix d'Abu Dhabi 2021, mais pas pour les raisons auxquelles vous pourriez penser.

"À Abu Dhabi, en fait il faut s'éloigner à deux tours de l'arrivée pour filmer les feux d'artifice de loin. Mais j'étais tellement absorbé parce qu'il se passait que je me suis dit 'Oh, c'est déjà le dernier tour mais on est encore au dessus de la piste !' On a fait en sorte de s'éloigner très rapidement..."

Les drones, une concurrence ou un allié ?

La Formule 1 cherche en permanence à améliorer sa couverture des Grands Prix en adoptant de nouvelles technologies. On a ainsi vu des expérimentations avec une caméra gyroscopique ou au niveau du pédalier cette année, et tous les pilotes auront une caméra intégrée dans leur casque en 2023, alors qu'ils n'étaient qu'une poignée à l'avoir à chaque épreuve cette année.

Au GP d'Espagne et au GP des États-Unis, des plans au drone ont également été filmés, à chaque fois dans des portions limitées du circuit, et sans survol de la piste. La volonté de la F1 d'atteindre la neutralité carbone en 2030 pourrait pousser à une adoption massive des drones, naturellement moins gourmands en énergie que les hélicoptères, mais Hermans ne s'inquiète pas de voir son rôle évoluer.

"Je pense qu'il y a vraiment un avenir pour les drones, mais je ne partage pas l'idée selon laquelle ils pourraient remplacer l'hélicoptère. Je vois plus cela comme un complément. Pour moi, un drone est plus une extension des plans filmées avec une grue. On peut aller plus bas qu'avec un hélicoptère et mieux jouer avec le premier plan, mais je pense que l'hélicoptère offre une meilleure vue d'ensemble, plus de dynamique et plus de vitesse dans les images."

"Donc je ne me sens pas directement menacé. À l'inverse, je pense qu'on peut travailler ensemble. Nous sommes tous en contact avec le producteur, qui peut passer d'un plan au drone à celui de l'hélicoptère, et vice versa. Il n'y a pas besoin d'opposer les choses."

Hermans salue les "énormes" efforts de la F1 pour réduire ses émissions de CO2 et s'attend à bénéficier à terme d'appareils plus respectueux de l'environnement : "Ça viendra. Airbus Helicopters travaille très dur sur ça. Mais ça ne se fera pas du jour au lendemain."

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