Opinion

Pourquoi la F3000 valait mieux que sa réputation

Les champions de l'ancêtre du GP2/F2 n'ont pas un palmarès mémorable en Formule 1, si tant est qu'ils sont parvenus à rejoindre la catégorie reine du sport automobile. Mais la F3000 ne devrait pas être tournée en dérision pour autant.

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Que ce soit sous son nom actuel ou en tant que GP2 Series de 2005 à 2016, la Formule 2 a fréquemment mené ses champions à briller en Formule 1. La première tête couronnée, Nico Rosberg, et son successeur, Lewis Hamilton, ont remporté tous les titres mondiaux depuis 2014. Charles Leclerc, Pierre Gasly et George Russell sont des vainqueurs en Grand Prix.

C'est une amélioration claire vis-à-vis de la compétition précédente, la F3000 (1985-2004). Aucun de ses champions n'a été sacré en Formule 1, et seuls trois d'entre eux ont gagné un Grand Prix : Jean Alesi, Olivier Panis et Juan Pablo Montoya. Le GP2/F2 s'en tire également mieux que la F3000 quant au passage de ses champions en F1 dès l'année suivante (72% contre 60%). Parmi les cinq malchanceux qui n'y sont pas parvenus, Fabio Leimer et Davide Valsecchi n'ont jamais couru en F1 ; le champion 2008 Giorgio Pantano avait déjà connu la médiocre Jordan de 2004, tandis que Jolyon Palmer, titré en 2014, a été titularisé par Renault en 2016 après avoir passé la campagne précédente au poste de troisième pilote. Felipe Drugovich, titré l'an passé, évolue actuellement comme réserviste chez Aston Martin, avec le même objectif.

Si l'on compare avec la F3000, Bruno Michel, PDG de la F2, peut légitimement se féliciter. Le champion 1995 de F3000, Vincenzo Sospiri, a passé un an à faire des essais pour Benetton avant l'échec de l'aventure Lola F1 en 1997 ; Ricardo Zonta, qui a conquis le titre F3000 cette année-là, a dû passer un an en Endurance en attendant une opportunité en F1 avec BAR. Juan Pablo Montoya (1998) et Sébastien Bourdais (2002) se sont dirigés vers le CART, tandis que Justin Wilson (2001) a dû patienter en rejoignant le World Series by Nissan. Jörg Müller (1996), Bruno Junqueira (2000) et Björn Wirdheim (2003) n'ont fait que des essais en F1.

Juan Pablo Montoya F3000 Barcelona 1998

Quand des années de promotion limitée se sont ajoutées à des coûts en hausse, les questions sur la pertinence des monoplaces par rapport à la Formule 1 (le vétéran de la F3000 Mario Haberfeld s'est jadis plaint que la Lola utilisée de 1999 à 2001 avait la maniabilité d'un bus) et l'intérêt amoindri des pilotes ont fait chuter le nombre de bolides sur la grille à une quinzaine. La disparition de la F3000 était peut-être inévitable.

Cependant, sa valeur ne devrait pas correspondre uniquement au nombre de champions ayant été titrés en Formule 1, vu les stars qui sont passées par la F3000 : s'ils n'y ont pas été couronnés, on y retrouve quand même les Champions du monde Damon Hill et Fernando Alonso, les vainqueurs des 500 Miles d'Indianapolis Kenny Bräck et Gil de Ferran, ainsi qu'un certain nombre de pilotes ayant remporté les 24 Heures du Mans – Andy Wallace et Tom Kristensen ont même gagné en Sarthe en même temps qu'ils couraient en F3000.

Par ailleurs, les problèmes perçus par certains n'étaient pas spécifiques à la F3000. Certes, Jenson Button et Kimi Räikkönen ne sont pas passés par cette case, rejoignant la Formule 1 depuis la F3 et la Formule Renault respectivement, mais ce n'est pas différent d'un Max Verstappen qui a sauté la case GP2 – même si à ce moment-là, la FIA a répondu avec un système de Super Licence conçu pour obliger les pilotes à passer plus de temps en formules de promotion.

La qualité de la grille était généralement excellente – lors de trois des cinq saisons entre 1988 et 1992, neuf pilotes différents ont signé plusieurs podiums – et si l'apogée de 1998 (35 engagés à Imola et à Silverstone !) n'a pas duré, la F3000 a permis aux meilleurs pilotes de s'illustrer sur des circuits très variés sans l'artifice qu'est le DRS. Quand la F2 moderne s'en tient inflexiblement à sa place en annexe de la F1, la F3000 était l'événement principal sur des circuits comme Thruxton, Pau, Enna et Birmingham.

Johnny Herbert 1988 F3000 Enna

De plus, le spectacle était présent en course : regardez comment Tomáš Enge, en slicks, a rattrapé son coéquipier Tomas Scheckter, en pneus pluie usés, à Hockenheim en 2000, ou encore la bataille entre Jason Watt et Max Wilson à Spa-Francorchamps en 1997, ainsi que la remontée de Roberto Moreno de la pitlane jusqu'au podium à Birmingham la même année.

Certains scénarios n'auraient pu être écrits à l'avance, comme l'accrochage de Jörg Müller et Kenny Bräck dans la course décisive pour le titre en 1996, et la disqualification de Tomáš Enge au Hungaroring en 2002 en raison d'un test positif à la marijuana, qui lui a coûté le titre.

L'ouverture aux différents châssis avant 1996 avait ses avantages et ses inconvénients, avec des résultats surprenants. Ne pas parvenir à se qualifier pour la première course et remporter la deuxième ? C'est précisément l'exploit réalisé par Jean-Marc Gounon en 1991. De plus, avoir plusieurs châssis différents a permis aux ingénieurs et aux designers de faire leurs preuves d'une manière inestimable et au moteur Ford DFV d'avoir une seconde vie après être devenu obsolète en F1.

La F3000 aurait certainement une autre image si Hill (1990), De Ferran (1994) et Kristensen (1997) avaient triomphé face à Comas, Boullion et Zonta, ou si les éblouissants rookies Barrichello (1992) et Alonso (2000) avaient rempilé au lieu de passer en F1 directement. Mais n'est-ce pas une marque de qualité en formules de promotion ?

Goossens, Alonso, Minassian Spa F3000 2000

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