Quand Giovanna Amati provoquait un crash à 260 km/h en F3000
Giovanna Amati est principalement connue comme étant la dernière femme à avoir été engagée pour une course de Formule 1, mais Phil Andrews, ancien pilote de F3000, se souvient d'elle pour des raisons bien différentes...
En cet été de 1990, dans le championnat international de F3000, un Phil Andrews pourtant habituellement affable traversait le paddock d'Oulton Park d'un pas lourd.
La seule femme du championnat, Giovanna Amati, venait de le faire sortir de la piste à 260 km/h pendant une séance d'essais qui précédait la course de Brands Hatch, prévue pour le weekend suivant. Elle avait provoqué un accident cataclysmique dont Andrews peut s'estimer heureux de s'être tiré indemne.
Sa Reynard 90D n'a pas eu cette chance, mise en pièce par les implacables murs de pneus du redoutable virage Druids d'Oulton Park. Son pilote était quelque peu contrarié, et on le comprend.
C'est toutefois quelques semaines auparavant que cette histoire a commencé, sur un Hockenheimring torride. Andrews relate cette histoire troublante, surréaliste et déconcertante.
"Je m'apprêtais à prendre un tour à Giovanna lors de la course de Hockenheim," se souvient-il. "En arrivant à la dernière chicane, je l'ai dépassée et elle a dû sortir un peu de la trajectoire, rien de très grave. Je n'y ai vraiment pas pensé davantage."
"En fait, je me concentrais davantage sur mon propre problème, car la bouteille d'eau a cessé de fonctionner dès le début de la course et il faisait vraiment chaud cette année-là. C'était peut-être même la course la plus chaude de ma vie."
Andrews s'est classé 11e lors de cette course relativement calme. L'écurie Superpower, co-détenue par l'intransigeant John MacDonald, était en difficulté. Un changement de design du radiateur entravait sa progression : il fallait faire changer les choses.
C'est la perturbatrice Amati qui allait, sans le savoir, sauver l'équipe, toutefois d'une façon que personne n'aurait pu imaginer.
"Je me rappelle être sorti de la voiture en parc fermé après la course de Hockenheim et être retourné à notre stand temporaire devant les garages F1," poursuit Andrews. "Je n'ai rien vu ni entendu derrière moi, mais tout d'un coup, Colin Bennett (team manager d'Amati chez CoBRa Motorsport) m'a crié : 'Attention, Phil !'."
"En me retournant, j'ai vu Amati venir vers moi avec une bouteille d'eau (à l'ancienne, en verre !) à la main. Disons-le ainsi : elle n'allait pas me proposer à boire, pas vu la façon dont elle la tenait, au-dessus de la tête avec un regard démoniaque !"
Bennett est parvenu à lui arracher la bouteille des mains. Andrews ne comprenait toujours pas ce qui pouvait l'avoir tant contrariée, mais n'y a plus repensé. L'adrénaline restait présente ; c'était juste une incompréhension et ce serait vite oublié, non ?
"Nous sommes donc arrivés à Oulton Park pour les essais destinés à préparer Brands, quelques semaines plus tard," continue Andrews. "Je venais de mettre des pneus neufs et je me rappelle être passé dans le virage Knickerbrook qui, en 1990, était à un poil d'être à fond, requérant beaucoup de courage pour prendre la corde."
"Amati montait le côte lentement, elle était sûrement dans un tour de sortie. J'ai atteint le sommet de la côte et elle a brusquement viré à gauche. Franchement, je ne suis pas en mesure de dire si elle l'a fait exprès, mais c'était très étrange. À ce stade, ce n'était pas important, parce que je m'apprêtais à connaître l'accident le plus terrifiant de ma vie !"
Spectateur impuissant, Andrews a vu sa roue avant-droite toucher l'arrière-gauche d'Amati et la voiture a commencé à s'envoler. À près de 260km/h, ça n'allait pas bien se terminer.
"Je peux vous dire que quand une voiture de course s'envole, vous le remarquez très vite. Tout ce que je me rappelle avoir vu, c'était ce beau ciel bleu, sans nuages. Je l'ai vu suffisamment longtemps pour me dire : 'Bordel, je vais me prendre les arbres, là'."
"Bien sûr, l'aspect le plus terrifiant était que je ne pouvais strictement rien y faire. Pas de freins, pas de direction, seulement ce foutu paysage du Cheshire poour me tenir compagnie !"
Heureusement, la Reynard 90D est retombée. Mais Andrews se dirigeait alors tout droit vers le mur de pneus de Druids, et vite.
"Je me souviens bien d'être sorti de la voiture après l'impact, d'avoir regardé derrière moi et d'avoir vu cette quantité impressionnante de débris. La boîte de vitesses s'était plus ou moins séparée du moteur. L'huile avait mis le feu à l'herbe."
"J'ai dû perdre connaissance car après, je ne me souviens plus de rien jusqu'à ma présence au centre médical. D'une façon ou d'une autre, j'étais indemne. Je n'avais pas une égratignure, mais j'ai dû me fêler la tête quand j'ai atterri, ou plus probablement quand mon casque a heurté le volant lors de l'impact avec les pneus."
Si Andrews s'estimait déjà heureux, ce n'était rien par rapport à ce qu'il a ressenti par la suite. Ses mécaniciens lui ont dit que même l'extincteur n'était pas récupérable après l'accident. En effet, la suspension avant-gauche avait traversé la monocoque et en avait tranché une partie. Quelques centimètres plus haut, et sa jambe gauche aurait été un kebab !
"Je ne me rappelle pas quand est-ce que la colère a pris le dessus. Mais après être sorti du centre médical, j'ai vu qu'Amati se trouvait au bout de la voie des stands, elle attendait que la séance reprenne. Je suis allé la voir et je lui ai dit de sortir de sa voiture. Elle ne voulait pas."
Tout d'un coup, Giovanna, avait oublié tout l'anglais qu'elle avait appris en courant au Royaume-Uni pendant quelques années. Elle n'a pas dit un mot, se contentant de gesticuler nerveusement. Colin Bennett, embarrassé, regardait ses pieds, anormalement silencieux.
Andrews a été écarté. Dans ces circonstances, c'est logiquement qu'on l'a retenu. Pendant ce temps, sa Reynard 90D croupissait dans la benne du paddock. L'écurie s'est dépêchée de rentrer à Bicester pour construire une nouvelle voiture pour la course de Brands Hatch, qui devait avoir lieu quatre jours plus tard.
"En fait, Amati nous a rendu service," révèle Andrews. "Nous étions lents depuis le début de l'année, pour une raison ou une autre. J'ai changé d'ingénieur juste avant la course de Hockenheim. Dave "Ned" Kelly (designer RAM en F1) était un mec très sympa, mais a été remplacé par Mick Ralph."
"Nous avons changé la monocoque et à Brands, nous étions dans le rythme. J'étais deuxième en essais libres et je me suis qualifié quatrième avec Eddie Irvine en pole devant McNish et Damon Hill. Les Britanniques monopolisaient donc les deux premières lignes, c'était vraiment inédit !"
Il pleuvait lors de cette course. Phil tenait la quatrième place sans problème jusqu'aux arrêts au stand, lorsqu'il a rétrogradé au neuvième rang. Il est ensuite remonté et était bien placé pour monter sur le podium lorsque le regretté Philippe Favre l'a tassé dans l'herbe sans ménagement en sortant des stands.
À l'époque, il n'y avait aucune ligne blanche à ne pas franchir, et Andrew s'est retrouvé couvert de graviers à Paddock Hill Bend, affalé dans son cockpit, abattu par ce nouveau coup du sort.
C'était très représentatif de la carrière d'Andrews. Par rapport à ses contemporains Hill, Irvine et McNish, son palmarès paraît quelque peu modeste.
Cependant, n'oublions pas des performances telles que Brands Hatch en 1990 et la saison suivante, où il a affronté Richard Dean, qui est probablement le pilote britannique le plus sous-estimé de la fin des années 1980 et du début des années 1990, alors que la British F3000 était à son meilleur niveau.
Andrews n'était pas idiot, et tandis qu'il n'aurait jamais laissé entendre qu'il pouvait remporter des Grands Prix, il est certain qu'il était un pilote très talentueux à une époque où la F3000 avait vraiment la crème de la crème des pilotes qui aspiraient à la F1.
"S'il y a une chose dont je suis fier, c'est qu'au fil de ma carrière en monoplace, je n'ai jamais participé à un championnat facile," déclare-t-il. "Je n'ai pas cherché la facilité."
"J'ai toujours été confronté aux meilleurs en FF1600, en F3 et en F3000. J'adorais la compétition, pouvoir dire que j'étais roue contre roue avec des Champions du Monde et des vainqueurs en Grand Prix, et parfois les battre. Cela me rend fier, quand j'y repense maintenant."
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