Accident mortel de Spa : le rapport de la FIA exonère les pilotes

Très attendues, les conclusions du rapport sur l'accident de la manche de F2 de Spa l'an passé, qui a coûté la vie à Anthoine Hubert, ont été rendues et n'engagent la responsabilité d'aucun des pilotes impliqués ni ne pointent de "cause spécifique".

 Anthoine Hubert, Arden

Anthoine Hubert, Arden

Gareth Harford / Motorsport Images

L'accident avait eu lieu lors du deuxième tour de la Course Principale de la manche belge de Formule 2. Après une sortie de piste de Giuliano Alesi, une série d'accrochages et de crashs avait entraîné la mort d'Anthoine Hubert, percuté de plein fouet par la voiture de Juan Manuel Correa, qui avait lui-même subi de graves blessures aux jambes et dont l'état a empiré dans les jours qui ont suivi, avant de s'améliorer progressivement.

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En résumé, et sur la base des preuves physiques, des vidéos et des témoignages, les conclusions présentées par la FIA suite à l'enquête établissent que les quatre pilotes impliqués ont tous agi correctement dans le Raidillon. Le point de départ du drame, à savoir la sortie de piste d'Alesi, ayant a priori été causé (la FIA parle de "probabilité raisonnable" que ce soit le cas) par "une perte de pression interne du pneu arrière droit". Par la suite, aucune "cause spécifique" n'est pointée du doigt dans l'ensemble des faits qui ont finalement vu Correa percuter Hubert, qui venait de s'accidenter après avoir accroché Ralph Boschung, à un angle de quasiment 90 degrés.

La FIA parle ainsi d'"un enchaînement d’événements [ayant] généré une séquence d’accident longue et complexe". De même, aucun dysfonctionnement n'est à déplorer concernant la signalisation de l'accident et l'intervention immédiate auprès des pilotes une fois celui-ci terminé.

Voici ces conclusions dans leur intégralité et publiées en français par la FIA :

Le département de la Sécurité de la FIA a terminé son enquête sur l’accident survenu lors de la course du Championnat de Formule 2 de la FIA disputée à Spa-Francorchamps le 31 août 2019, accident qui a causé la mort du pilote français Anthoine Hubert et grièvement blessé le pilote américain Juan Manuel Correa.

L’enquête a comporté des entretiens avec les personnes impliquées, l’examen des éléments matériels, l’analyse des documents vidéo disponibles ainsi que l’étude des données collectées par le Data Logger de l’équipe et par l’Accident Data Recorder. Ce travail d’investigation a été soumis au Groupe de Travail Recherche de la FIA, présidé par le professeur Gérard Saillant. Les conclusions ont été approuvées par la Commission de la Sécurité de la FIA, dirigée par son président Sir Patrick Head, et présentées au Conseil Mondial du Sport Automobile.

 

L’enquête s’est concentrée sur les quatre voitures impliquées dans l’accident : la #19 pilotée par Anthoine Hubert, la #12 par Juan Manuel Correa, la #20 par le Français Giuliano Alesi et la #21 par le Suisse Ralph Boschung.

Lors du premier tour, un incident sans rapport avec l’objet de l’enquête et impliquant une voiture roulant au ralenti a entraîné le déploiement du drapeau jaune aux virages 12 et 13 (Fagnes). Le leader de la course a entamé le tour 2, alors que le secteur 1 était sous drapeau vert.

La séquence de l’accident, d’une durée totale de 14,6 secondes, a commencé au tour 2 lorsque Giuliano Alesi a perdu le contrôle de sa voiture à la sortie du virage 3 (Eau Rouge), partant en tête-à-queue pour quitter la piste sur le côté gauche avant de percuter la barrière par l’arrière 1,9 seconde après sa perte de contrôle puis de revenir sur la piste après le virage 4 (Raidillon). L’enquête a révélé une probabilité raisonnable qu’une perte de pression interne du pneu arrière droit ait contribué à faire perdre à Giuliano Alesi le contrôle de sa monoplace.

Suite à l’impact de la voiture de Giuliano Alesi avec la barrière, des débris se sont dispersés sur la piste. Afin d’éviter la voiture de Giuliano Alesi et les débris, Ralph Boschung puis Anthoine Hubert se sont déportés sur la droite, quittant la piste pour l’aire de dégagement du virage 4. Du fait de la proximité des voitures au moment de l’incident, la manœuvre de ces deux pilotes pour éviter la voiture #20 a eu lieu avant le déploiement du drapeau jaune. Ce dernier a été déployé par les commissaires de piste au Poste 5 (virage 4) 1,8 seconde après le choc de la monoplace de Giuliano Alesi contre la barrière.

Lors de cette manœuvre, Ralph Boschung a ralenti plus brusquement qu’Anthoine Hubert, qui a cherché à éviter la collision en se déplaçant encore davantage sur la droite. Malgré cette tentative, Anthoine Hubert a heurté l’arrière de la voiture de Ralph Boschung, perdant son aileron avant et causant une crevaison du pneu arrière droit de Ralph Boschung.

À 262 km/h et privé de son aileron avant, Anthoine Hubert a perdu le contrôle pour aller heurter la barrière du côté droit de l’aire de dégagement à la sortie du virage 4, qu’il a percutée selon un angle d’environ 40 degrés à une vitesse de 216 km/h, générant une force maximale équivalente à 33,7 g.

À la suite de ce choc et de l’absorption de l’énergie par la barrière, la monoplace a été éjectée et a poursuivi sa route dans le sens de la course tout en pivotant sur elle-même, de sorte que le côté gauche du châssis faisait face aux voitures arrivant dans l’aire de dégagement du virage 4.

Dans le même temps, Juan Manuel Correa s’approchait du lieu de l’accident de Giuliano Alesi. Il suivait globalement la ligne de course, du côté droit de la piste à la sortie du virage 4, lorsqu’il a heurté les débris jonchant le sol après le passage de Giuliano Alesi. L’impact avec ces débris s’est produit environ 1,5 seconde après le déploiement du drapeau jaune et a endommagé la suspension avant droite et causé la perte de l’aileron avant, faisant perdre à Juan Manuel Correa le contrôle de sa monoplace. Celle-ci a viré sur la droite, quitté la piste pour rejoindre l’aire de dégagement du virage 4 sur une trajectoire qui l’a conduite à percuter la voiture d’Anthoine Hubert 1,6 seconde plus tard. 

Juan Manuel Correa a heurté le côté gauche de la voiture d’Anthoine Hubert selon un angle d’environ 86 degrés et à une vitesse de 218 km/h, alors que la monoplace d’Anthoine Hubert était quasiment à l’arrêt. La voiture #12 (Juan Manuel Correa) et la voiture #19 (Anthoine Hubert) ont subi respectivement une force maximale équivalente à 65,1 g et 81,8 g.
À la suite de cette collision, la voiture d’Anthoine Hubert a accéléré à 105,4 km/h et heurté la barrière une seconde fois avant de rebondir vers la piste.

Le double drapeau jaune a été déployé 2,5 secondes après l’impact entre les monoplaces, suivi d’un drapeau rouge 2,7 secondes plus tard tandis que la voiture #19 (Anthoine Hubert) s’immobilisait sur la piste sur son flanc gauche, la voiture #12 (Juan Manuel Correa) s’arrêtant en position retournée sur la piste 2,6 secondes plus tard.

Les services médicaux et de secours sont intervenus 12 secondes après la perte de contrôle initiale de la voiture #20 (Giuliano Alesi), immédiatement après le déploiement du double drapeau jaune et avant même l’immobilisation de la voiture #12 (Juan Manuel Correa). La première évaluation médicale sur place d’Anthoine Hubert a eu lieu 54 secondes après le drapeau rouge. 

Seize secondes après le déploiement du drapeau rouge, un incendie s’est déclaré sous la voiture #12 (Juan Manuel Correa) en raison d’une fuite de carburant. Cet incendie a été éteint par un commissaire de piste en l’espace de 2 secondes. Il a été procédé à la première évaluation sur place de l’état de santé de Juan Manuel Correa 69 secondes après le drapeau rouge.

La première équipe d’extraction est arrivée sur les lieux 2 minutes après l’accident.

 

Le résumé des conclusions de l’enquête est le suivant :

  • Un enchaînement d’événements a généré une séquence d’accident longue et complexe impliquant quatre pilotes, séquence qui a conduit à un choc à haute vitesse de type "T-Bone" [à la perpendiculaire] entre les voitures de Juan Manuel Correa et Anthoine Hubert.
  • La dynamique de la collision entre les monoplaces en termes de vitesse et de trajectoire était telle qu’une quantité d’énergie extrêmement élevée a été transférée et dissipée, entraînant des blessures mortelles pour Anthoine Hubert et très graves pour Juan Manuel Correa.
  • Après analyse approfondie des diverses phases de l’accident, il n’a pas été identifié de cause spécifique mais une multiplicité de facteurs ayant contribué à sa gravité.
  • L’enquête n’a révélé aucun élément indiquant qu’un pilote avait réagi de manière inappropriée au signal du drapeau jaune ou aux circonstances survenues sur la piste.
  • Le déploiement des drapeaux de signalisation et le déclenchement des services de secours par les commissaires de piste et la direction de course en réponse à l’accident ont été réalisés dans des délais courts et adéquats.

L’amélioration de la sécurité est un processus permanent. Par conséquent, les conclusions tirées de cet accident, ainsi que d’autres accidents graves survenus dans le monde entier, seront prises en compte dans les travaux menés continuellement par la FIA pour renforcer la sécurité en sport automobile. En 2019, le département de la Sécurité de la FIA a enquêté sur 28 accidents graves et mortels liés aux courses sur circuit, avec le concours de l’ASN (Autorité Sportive Nationale) de chaque pays concerné. 

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