Interview

Théo Pourchaire, nouvel espoir de la France en monoplace

La jeunesse française brille en Formule 1 avec Esteban Ocon et Pierre Gasly, ce dernier venant de remporter la première victoire d'un tricolore dans l'élite depuis 1996. Mais la relève est déjà là, en témoignent les performances de Théo Pourchaire, récemment devenu vice-champion FIA F3. Le natif de Grasse revient sur sa saison 2020 et sur ses perspectives d'avenir pour Motorsport.com.

Le vainqueur Theo Pourchaire, ART Grand Prix

Le vainqueur Theo Pourchaire, ART Grand Prix

Formula Motorsport Ltd

Théo, peux-tu te présenter pour les gens qui ne te connaissent pas ?

Je m'appelle Théo Pourchaire, j'ai 17 ans. Je suis triple champion de France de karting, j'ai fait troisième au championnat du monde OK-Junior en karting, j'ai été champion de France junior de Formule 4 en 2018, champion d'Allemagne FIA Formule 4 en 2019 et vice-champion FIA Formule 3 cette année.

Sacré palmarès ! Et le sport auto, comment es-tu tombé dedans ?

C'est mon père qui m'a fait commencer à l'âge de trois ans. Il aimait beaucoup le sport auto en général, le rallye notamment. Il faisait du karting pour s'amuser, mais vraiment en amateur. Il m'a fait essayer le karting très, très jeune, et depuis, je n'ai pas arrêté.

On sait que le saut de la Formule 4 à la FIA F3 n'est pas facile, et tes résultats ont impressionné les observateurs. Comment analyses-tu ce cap ?

C'était très compliqué, c'est sûr. Ça s'est vu au premier week-end de course au Red Bull Ring, j'ai vraiment découvert quelque chose de tout nouveau, je n'étais pas super à l'aise dans la monoplace. C'était une nouvelle voiture, un nouveau championnat. J'ai travaillé avec ART Grand Prix, qui est l'une des plus grandes écuries de Formule 3, de Formule 2. Bref, j'ai découvert beaucoup de choses. C'était vraiment une grande étape à franchir. J'ai un peu galéré le premier week-end mais j'ai énormément appris et j'ai réussi à tout mettre en place pour progresser rapidement.

Quel est l'aspect le plus difficile à apprivoiser quant à la Dallara F3 2019 ou au championnat FIA F3 en général ?

C'est vrai qu'il y a beaucoup de choses qui sont dures. Déjà, les pneumatiques sont très durs à apprendre. En qualifications, nous n'avons que deux ou trois tours d'attaque. Ça, c'est très compliqué. Ensuite, en course, la dégradation est assez forte. Il faut faire extrêmement attention aux pneumatiques. Après, du côté de la voiture, il y avait beaucoup plus d'aéro qu'en Formule 4. Dans les virages rapides, j'ai beaucoup galéré, parce que je ne connaissais pas du tout. Sinon, ça a été.

Theo Pourchaire, ART Grand Prix

Passer des 160 ch de la Tatuus-Abarth en ADAC F4 aux 380 ch du moteur Mecachrome en FIA F3, cela fait-il une grosse différence ?

Honnêtement, ça ne surprend pas trop. C'est sûr que cette voiture va très vite en ligne droite, elle monte régulièrement à 280 km/h, cela va quand même beaucoup plus vite qu'en F4. Mais ce n'est pas quelque chose qui surprend, on s'y habitue assez vite. C'est surtout la vitesse à laquelle on passe dans les virages – il y a énormément d'aéro, donc ça passe quand même très, très vite dans les virages, et ça freine tard aussi, c'est un peu impressionnant.

Tu as mentionné l'écurie ART Grand Prix. Dans quelle mesure cela t'a-t-il aidé de faire partie d'une écurie qui a un tel pedigree, ayant remporté le championnat GP3 (ancêtre de la FIA F3) huit fois en neuf saisons ?

C'est vraiment bien ! C'est sûr qu'il y a une petite pression. ART Grand Prix est une énorme écurie, la performance est toujours au rendez-vous avec eux. Il fallait ne pas sous-performer, il fallait toujours être là. C'était top pour moi, car j'ai pu apprendre énormément avec des gens d'expérience qui ont connu des super pilotes, comme mes mécanos qui étaient en Formule 2, en GP2, avec [Lewis] Hamilton… Ils connaissaient beaucoup de bons pilotes, ils ont pu m'apprendre beaucoup de choses. Ça, c'est vraiment top.

On imagine que pendant la saison, tu as gardé un œil sur tes anciens rivaux d'ADAC F4, tels que Dennis Hauger et Roman Staněk, qui n'ont pas vraiment eu la même réussite, respectivement 17e et 21e au classement général. Comment expliques-tu ce contraste ?

C'est vrai que je ne comprends pas tellement, pour être honnête. Hauger, c'est un pilote que je connais depuis longtemps, on se bat sur les mêmes pistes et dans les mêmes championnats depuis le karting. Cette année, il n'était vraiment pas terrible. Après, je pense qu'il faut prendre la chose d'un autre côté : c'est sûr que passer de la F4 à la F3, ce n'est vraiment pas simple du tout. Cela dépend du temps d'adaptation de chacun. Je pense que c'est un très bon pilote. Nous nous sommes battus, je n'ai gagné le championnat qu'avec sept points d'avance sur lui l'année dernière en F4. C'est un très bon pilote. Le step F4-F3 n'est pas simple du tout, il y en a qui s'adaptent plus vite que d'autres. Je pense que s'il refait une saison, c'est sûr qu'il sera performant.

Revenons maintenant sur ta première victoire en F3, qui a fait de toi le plus jeune vainqueur depuis la création du GP3, à 16 ans, 10 mois et 22 jours – tu as battu le record établi par Mitch Evans en 2011 à cinq jours près ! Qu'as-tu ressenti quand tu as vu les leaders Jake Hughes et Liam Lawson s'accrocher juste devant toi ?

En fait, Hughes et Lawson avaient gardé des pneus neufs pour la Course 2, ils n'en avaient pas passé en essais libres. Ils étaient un peu plus performants ; j'ai réussi à être devant au début de la course, ensuite ils m'ont passé. Je contrôlais la situation quand même, j'étais troisième. À la régulière, je pense qu'aller chercher la victoire aurait été compliqué, mais troisième, j'y étais. Je me battais avec [Logan] Sargeant, mais il n'était pas plus rapide que moi.

Jake Hughes, HWA Racelab devant Liam Lawson, Hitech Grand Prix Theo Pourchaire, ART Grand Prix

Après, je voyais que c'était chaud entre les deux [leaders], je suis resté dans la zone DRS sans trop détruire mes pneus, sans trop en faire : je savais que le podium était vraiment déjà un très bon résultat. Ensuite, ils se sont accrochés. J'en ai profité, c'est sûr, c'est top. Mais c'est la course, c'est une erreur qu'ils ont faite. Surtout qu'ils étaient plus rapides, c'étaient les deux plus rapides avec les pneus neufs en course, ils pouvaient facilement faire premier et deuxième. Ils voulaient tous les deux gagner, ça peut se comprendre, mais ils ont fait cette erreur.

Tu as ensuite enchaîné par cette victoire magistrale au Hungaroring avec 12 secondes d'avance. Comment l'as-tu vécue ?

C'était une course très compliquée. Le départ s'est fait en pneus slicks sur une piste quasiment entièrement mouillée. Vu qu'il faisait soleil et que ça allait sécher au bout de cinq ou six tours, il fallait prendre le pari de partir en slicks, et tout le monde est parti en slicks. Il y a eu l'accrochage entre mon coéquipier [Aleksander Smolyar] et Sargeant au premier virage, j'ai vu que c'était chaud avec Sargeant, donc je suis allé complètement à l'extérieur, j'ai un peu préparé cet accrochage – je prenais une marge de sécurité, je n'avais pas envie d'être dans l'accrochage s'il y en avait un qui freinait trop tard, par exemple. C'est arrivé, je l'ai évité ; j'ai eu un peu de chance, c'est passé près.

Ensuite, il y a eu un drapeau rouge avec quasiment une demi-heure d'arrêt [à la suite de la casse moteur de Liam Lawson, ndlr]. C'est compliqué de rester concentré. Au moment de la relance, [Oscar] Piastri est resté deux tours derrière moi, et il a brûlé les pneus, je pense. Si on suit une voiture de près, on peut très vite détruire les pneus. Ça vient direct, au bout de deux tours – surtout au Hungaroring, circuit où on ne peut pas doubler, très abrasif, où la dégradation est très forte. Je contrôlais vraiment la course après ça, je n'étais pas du tout à 100%, j'étais vraiment tranquille. Étant devant, j'avais de l'air libre, les pneus respiraient bien, tout s'est bien passé. C'est une très belle performance. Gagner avec 12 secondes d'avance sur le deuxième, c'est top.

Theo Pourchaire, ART Grand Prix devance Oscar Piastri, Prema Racing

Tu as continué à enchaîner les bons résultats et tu as eu droit à ce final à suspense au Mugello, avec le titre qui est resté à ta portée jusqu'au dernier tour. Comment cela s'est-il passé ? Ton ingénieur t'informait-il en temps réel de ce que faisait ton adversaire Oscar Piastri ?

Oui, il essayait de m'informer sur la position de Piastri de temps en temps mais pas tout le temps. Surtout, il me motivait à aller chercher le podium, parce que c'était faisable et parce que finir sur un bon résultat, c'est toujours top. Par contre, il ne me disait pas 'il faut aller chercher telle place pour être champion, il faut faire ceci, il faut faire cela'. C'était bien comme ça, il me motivait, c'est le plus important.

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Globalement, quel bilan tires-tu de cette saison en FIA F3 ?

Très positif. C'est vrai que j'aime toujours gagner, donc j'étais un peu déçu à l'arrivée – surtout quand c'est si proche comme ça. C'est dommage, mais c'est comme ça. Vice-champion, c'est vraiment top. C'est vrai que je n'ai que 17 ans – je ne regarde pas trop l'âge, surtout que j'ai toujours envie de gagner comme je l'ai dit, mais j'étais l'un des plus jeunes, venant de la F4. Ce que j'ai fait, toute l'écurie, ma famille, toutes les personnes qui me suivent m'ont dit que c'était vraiment top et qu'il fallait vraiment apprécier ce résultat. Ce n'est que du positif, j'ai beaucoup appris encore cette année, et ça, c'est vraiment cool.

As-tu eu un feedback de la Sauber Academy, dont tu fais partie ?

Bien sûr. Ils ont adoré, clairement ! Ils ne pensaient pas que je pouvais faire ça. Ils m'ont soutenu toute l'année, c'est top et j'aimerais les en remercier. J'ai eu Frédéric Vasseur [directeur d'Alfa Romeo Racing] au téléphone, il m'a félicité. Beat Zehnder [team manager d'Alfa Romeo Racing] est venu au podium et m'a félicité. C'est vraiment top.

Peux-tu expliquer en quoi consiste ce programme, qui a été créé en juin dernier ? Qu'apporte-t-il aux pilotes ?

C'est un bon soutien. Cette année, c'était une option sur moi. Normalement, l'année prochaine, vu que ça s'est bien passé cette année, il y aura un soutien financier de la part de Sauber. Ensuite, il y a plusieurs choses. Ils ont maintenant un simulateur de Formule 1, donc normalement, j'aurai la chance d'en faire. Bien sûr, il y a un suivi physique, média, sur les courses.

Tu mentionnes une option. T'avaient-ils dit qu'ils attendaient certains résultats, t'ont-ils fixé un objectif pour obtenir un soutien complet ?

Oui, clairement, même s'ils ne m'avaient pas fixé de résultat précis. Pour avoir une aide financière, c'est sûr que c'est mieux de faire un top 3 que de faire septième du championnat ou quelque chose comme ça. Ils attendaient quand même un bon résultat, mais ils ne pensaient pas que je pouvais faire aussi bien que ça.

Theo Pourchaire, ART Grand Prix, 3ème position, sur le podium

Maintenant, quelles sont tes perspectives d'avenir pour 2021 ?

Clairement, j'aimerais bien faire de la Formule 2. Je me sens prêt à y aller. Ça ne va pas être simple. De toute façon, j'ai encore beaucoup à apprendre, je suis jeune. Si je vais en F2, c'est clairement pour apprendre. Mon objectif restera toujours le même – gagner – mais ce sera compliqué, je le sais. Déjà, on va voir quelles sont les opportunités. Si je peux y aller, bien sûr, ça va être top. Il faudra énormément apprendre et viser le plus haut comme d'habitude.

Pourrais-tu rester chez ART Grand Prix à l'étage supérieur ?

On va voir, pourquoi pas. Ils comptent sur moi, ça c'est sûr. Ils m'ont beaucoup soutenu cette année et je pense qu'ils aimeraient que je reste avec eux. Pour moi, ce serait avec plaisir. Cela dépend des opportunités. ART Grand Prix, c'est quand même l'un des meilleurs teams, si ce n'est le meilleur.

Dans l'hypothèse où tu ne parviendrais pas à réunir le budget pour la F2, ce que l'on ne te souhaite évidemment pas, que ferais-tu ? Il n'y a pas vraiment de championnat entre la FIA F3 et la F2. Serait-il envisageable de rester un an de plus en F3 ?

Honnêtement, je pense que je n'ai plus grand-chose à apprendre en F3. C'est vrai que la progression a été top, je suis l'un des seuls pilotes qui ont progressé toute l'année, donc il n'y a pas d'intérêt à rester en F3. Après, il y a d'autres championnats, comme la Super Formula, mais l'objectif est la Formule 2, et je pense que ça va le faire.

On imagine que comme tous les jeunes pilotes, tu rêves de Formule 1…

Ça, c'est sûr !

Y a-t-il des pilotes qui t'y ont fait rêver, dont tu aimerais suivre les traces ?

Il y en a deux que j'aime bien, qui sont complètement différents mais que j'aime bien, ce sont Sebastian Vettel et Lewis Hamilton. Ils sont complètement différents mais sont tous les deux magiques. J'adore Vettel, quand il a gagné ses quatre titres, c'était vraiment top. Hamilton a complètement un autre style mais est exceptionnel aussi. Les deux m'inspirent beaucoup. Ils sont complètement différents mais ont tous les deux réussi. Ça, c'est vraiment top.

Le vainqueur Theo Pourchaire, ART Grand Prix

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