Analyse

L'enjeu crucial de la nouvelle saison de Formule E

La saison de Formule E à venir est peut-être la plus importante depuis sa création, et pas simplement car c'est la première en tant que Championnat du monde. DS Techeetah a survolé la dernière campagne en date, mais celle qui commencera ce week-end en Arabie saoudite pourrait renouer avec le suspense.

Pascal Wehrlein, Tag Heuer Porsche, Porsche 99X Electric, Antonio Felix da Costa, DS Techeetah, DS E-Tense FE20, Jean-Eric Vergne, DS Techeetah, DS E-Tense FE20

Pascal Wehrlein, Tag Heuer Porsche, Porsche 99X Electric, Antonio Felix da Costa, DS Techeetah, DS E-Tense FE20, Jean-Eric Vergne, DS Techeetah, DS E-Tense FE20

Malcolm Griffiths / Motorsport Images

Le principal thème de la nouvelle saison de Formule E est loin d'être aussi clair que pour les précédentes. La première, en 2014-15, a dissipé les doutes sur la viabilité de ce championnat innovant. Au cœur de la seconde se trouvait l'ouverture de la technologie aux motoristes. Puis il y a eu le duel entre Renault et Audi, ainsi que l'émergence de Techeetah avec le groupe propulseur au losange. L'arrivée de la monoplace deuxième génération, la Gen2, a évidemment été scrutée de près lors de la cinquième saison, et l'an dernier, les regards étaient tournés vers deux nouveaux arrivants, Mercedes et Porsche.

Quant à la saison 2020-21, elle n'a de 2020 que le nom. Seuls les essais de pré-saison ont eu lieu l'an dernier, à Valence ; toutes les courses vont avoir lieu en 2021, d'ici la fin du mois de septembre, les organisateurs du championnat s'efforçant de composer le calendrier face au casse-tête imposé par la pandémie. À cause du coronavirus, 87 jours se seront écoulés entre le dernier tour parcouru sur le Circuit Ricardo Tormo et la manche d'ouverture, sous les projecteurs saoudiens, à Diriyah, le 26 février. C'est quasiment un mois de plus que tout écart précédent entre les essais et la première course.

La FIA et la Formule E ont le mérite d'avoir fait preuve d'une adaptabilité remarquable pour composer ce calendrier improvisé, notamment au niveau de la logistique, mais aussi des fenêtres d'homologation moteur. Afin de réduire les coûts notamment, les nouveaux groupes propulseurs devront durer jusqu'à la fin de la saison 8, en 2022, et les équipes peuvent les homologuer dès le début de la campagne à venir ou à partir du 5 avril.

Quand cette décision a été prise, cinq courses devaient avoir lieu avant cette date. DS Techeetah, Nissan e.dams et Dragon Racing (motorisé par Penske) auraient dû y participer avec ce petit handicap. Les neuf autres équipes auraient joui de leur avantage pendant ces cinq épreuves avec leurs évolutions.

Cependant, la circulation exponentielle du variant britannique du COVID-19 a changé la donne. Les courses de Mexico et Sanya ont été reportées, tout comme celles de Santiago lorsque le Chili a fermé ses frontières aux Britanniques. En revanche, l'E-Prix de Diriyah n'a pas été affecté, grâce aux exemptions à des nouvelles restrictions de circulation très sévères. En conséquence, DS, Nissan et Penske apporteront un nouveau groupe propulseur dès la troisième course de la saison : l'E-Prix de Rome, le 10 avril.

Au sein même de ces écuries, les raisons de ce choix sont très variables selon l'interlocuteur. Si Jean-Éric Vergne a évoqué une décision stratégique permettant à DS Techeetah de prendre le temps de concevoir son nouveau moteur au mieux, le directeur d'équipe Mark Preston affirme qu'il s'agissait de jouer la sécurité face à l'incertitude entraînée par le COVID. Du côté de Nissan e.dams, Sébastien Buemi a évoqué une raison similaire ("On savait déjà au moment de décider d'homologuer que si le championnat avait été publié, il n'allait jamais se passer comme ça") mais d'après Tommaso Volpe, directeur de la compétition chez Nissan, le principal motif était de s'assurer que toutes les pièces nécessaires soient disponibles à temps.

Quoi qu'il en soit, au grand dam de la concurrence, la FIA et la Formule E n'ont pas modifié les délais d'homologation. Si DS Techeetah et Nissan e.dams sauvent les meubles à Diriyah, ils pourraient être en position idéale pour continuer sur leur lancée, après avoir pris les deux premières places du championnat des équipes 2019-20. D'autant qu'Alberto Longo, dirigeant de la FE, vise un total de 15 courses cette saison (ce serait un record) : autant d'épreuves où ces écuries auraient l'avantage.

Mais quel avantage ? Buemi est prompt à le tempérer : "Il ne faut pas croire que l'on va être capable d'amener une demi-seconde avec le nouveau groupe propulseur. Ce n'est clairement pas possible. Ce n'est pas tout à fait comme en F1 ou en LMP, où quand on amène un nouveau truc, on amène beaucoup de performance. Le vrai gain est difficile à quantifier. Deux dixièmes, c'est plus de 1% d'efficacité. Quand on a des moteurs qui sont déjà à 96%, 97%... Aller gagner 1%, c'est très difficile."

Sebastien Buemi, Nissan e.dams

En effet, les groupes propulseurs de Formule E sont désormais très semblables les uns aux autres. Un seul rapport de vitesse, une puissance toujours limitée (200 kW en course, 250 kW en qualifications). La différence ne se fait pas forcément au niveau des pièces elles-mêmes mais des logiciels, notamment dans le domaine de l'efficience, si crucial en course, puisque cela dicte combien de temps avant le freinage il faut lever le pied afin d'économiser l'énergie nécessaire. Nissan avait bien conçu un innovateur double moteur lors de la première saison de l'ère Gen2, lequel a toutefois été promptement interdit. L'évolution est le mot clé, plutôt que la révolution, et l'étude des données prend une place prépondérante pour tirer le meilleur de la récupération d'énergie.

En vérité, ce qui se passera en piste cette année sera presque secondaire par rapport aux événements en coulisses. La seule fois où la viabilité du championnat a été remise en question plus que maintenant, c'était en mars 2015, lorsque son cofondateur Alejandro Agag a dû financer lui-même le transport des voitures vers l'E-Prix de Miami. Actuellement, les budgets des écuries montent en flèche, la couverture médiatique reste une niche et le transfert de technologie vers la route ne satisfait plus tout le monde. Audi et BMW ont même décidé de partir à la fin de la saison.

Un plafond budgétaire est "indispensable" aux yeux de Zak Brown et de McLaren, qui a posé une option pour rejoindre le championnat, et la date limite des engagements pour l'ère Gen3 approche. Les mois prochains vont être un test décisif pour le championnat. Mahindra et DS se sont déjà engagés pour la troisième génération de monoplaces ; il est attendu que Nissan, Mercedes, Porsche et Penske fassent de même prochainement. La situation commence à redevenir favorable à la FE.

Alex Lynn, Mahindra Racing, M7Electro

En parallèle, une saison passionnante s'annonce. De nombreuses questions sportives se posent : l'écurie DS Techeetah peut-elle être détrônée ? António Félix da Costa va-t-il défendre sa couronne avec succès face à son redoutable coéquipier Jean-Éric Vergne ? Sébastien Buemi et Nissan e.dams peuvent-ils retrouver les sommets ? Qui va sortir vainqueur de l'intéressante confrontation entre Mitch Evans et Sam Bird chez Jaguar ? Stoffel Vandoorne et Nyck de Vries peuvent-ils mener Mercedes encore plus haut ? Quid de Porsche, avec André Lotterer et Pascal Wehrlein ?

Les essais automnaux n'ont jamais été si serrés, avec les 24 monoplaces en moins de huit dixièmes de seconde. Dix des douze équipes devraient être capables de jouer la victoire cette année, ne faisant exception que NIO et Dragon. On ne peut exclure un scénario similaire à 2018-19, où sept écuries différentes avaient remporté les sept premières courses !

Il convient toutefois de rappeler qu'au moment de l'E-Prix de Berlin 2020, après le premier confinement, les écuries avaient bon espoir d'avoir rattrapé leur retard sur DS Techeetah grâce à diverses évolutions… et c'est l'inverse qui s'est produit. L'écurie basée à Satory n'est pas invincible pour autant : le muret des stands a parfois hésité trop longtemps à inverser les positions entre ses deux pilotes lorsqu'ils se retardaient mutuellement, et les freins ont un temps posé problème, notamment à Jean-Éric Vergne.

"J'avais pas mal de difficultés avec le frein, que [Félix da Costa] n'avait pas : nous avons un style de pilotage différent", explique le Français, quand son directeur laisse entendre que les deux pilotes en ont souffert. "Toute l'année, j'ai essayé de modifier un peu mon pilotage, j'avais beaucoup de mal à faire ça. En fin d'année, nous avons réussi à finalement modifier ce que je souhaitais ; ça a pris un peu trop de temps, malheureusement. Pour la saison qui arrive, je n'ai plus de problème de frein, j'arrive à bien freiner, je me sens très bien avec la voiture. Quoi faire pour reprendre l'avantage ? Toujours se remettre en question, travailler sans relâche, évidemment plus que je n'ai pu le faire l'an dernier."

António Félix da Costa, lui, veut "jouer la carte de la continuité" pour asseoir sa suprématie, se sentait plus à l'aise dans une écurie où il n'est plus nouveau. Et avec le statut de champion en titre, c'est une nouvelle dynamique qui s'installe. "Mais je ne suis pas sûr que ce soit mieux !" sourit-il. "C'est une pression différente, mais c'est bien de l'avoir. Pour l'instant, il faut que je gère les attentes de mes proches, de mes fans. Tout le monde s'attend à ce que je sois premier à chaque séance, mais c'est impossible !"

Une chose est sûre : la dernière chose dont la Formule E a besoin est une domination d'une seule écurie, qui dissuaderait les autres constructeurs de s'engager sur le long terme.

Pascal Wehrlein, Tag Heuer Porsche, Porsche 99X Electric, Antonio Felix da Costa, DS Techeetah, DS E-Tense FE20, Jean-Eric Vergne, DS Techeetah, DS E-Tense FE20

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