Le fiasco de la Formule E à Valence sape le talent des ingénieurs

Malgré les tentatives de présenter la farce de Valence comme un échec des équipes à bien anticiper la situation, la Formule E et la FIA ne peuvent échapper aux critiques, surtout au moment où elles veulent assurer la présence à long terme des constructeurs.

Antonio Felix Da Costa, DS Techeetah, DS E-Tense FE21

Antonio Felix Da Costa, DS Techeetah, DS E-Tense FE21

Sam Bloxham / Motorsport Images

En discutant avec quelques journalistes durant le week-end de l'E-Prix de Rome, Jean Todt nous a dit qu'il était nécessaire de renforcer la coopération entre l'instance dirigeante et les médias, afin d'augmenter la couverture dont bénéficie la Formule E. Ces propos ont suscité des critiques quand Motorsport.com en a fait un article, certains estimant que l'idée du président de la FIA s'opposait à une médiatisation naturelle, reposant sur la méritocratie.

Todt n'a pas eu à attendre longtemps pour que son souhait se réalise, 13 jours précisément, puisque la Formule E a suscité beaucoup d'intérêt quand 11 voitures ont dû ralentir à la fin du premier E-Prix de Valence, n'ayant plus d'énergie à disposition.

La FIA et le championnat ont tenté de défendre cette situation en y voyant la preuve de la nécessité d'une bonne gestion de course dans la quête d'un succès. C'est certes une vérité en Formule E, mais essayer de séduire les passionnés de sport automobile en vantant le lift-and-coast n'est pas une tâche aisée.

D'autres, dont l'auteur de ces lignes, ont exprimé l'opinion inverse, qualifiant cet épisode de farce et y voyant une atteinte à l'image du championnat et à la perception des véhicules électriques. Alors que les inquiétudes sur l'autonomie subsistent, cette course a nui à la volonté de la Formule E de se présenter comme un laboratoire grandeur nature pour les voitures de série.

Comme à son habitude, le monde merveilleux des réseaux sociaux était divisé. Beaucoup en ont profité pour critiquer la Formule E, tandis que d'autres estimaient que cette affaire prenait trop d'ampleur. Mais sans vouloir passer pour un vétéran du Viêt Nam, ces observateurs ne savent pas tout ce qui s'est passé sur place.

Ils n'ont pas parlé aux équipes, ni constaté leur colère quand de précieux points se envolés, et c'est maintenant à elles d'expliquer la situation à leurs responsables dans les conseils d'administration des constructeurs. Certains membres des équipes sont venus remercier les journalistes d'avoir mis en cause la direction de course, ce qui en dit long sur la situation.

Andre Lotterer, Porsche, Porsche 99X Electric, Nick Cassidy, Envision Virgin Racing, Audi e-tron FE07

Si l'on suit le règlement à la lettre, la FIA a eu raison de retirer 1 kWh du quota d'énergie disponible pour chacune des 19 minutes passées derrière la voiture de sécurité et sous régime de Full Course Yellow. Mais elle avait également la liberté de ne pas le faire, ce qui signifie que la controverse du dernier tour était évitable. La dernière réduction de 5 kWh, à l'origine des événements que l'on connaît, aurait pu être de 4 ou 3 kWh, voire nulle. Avec encore deux tours à disputer après le dernier Safety Car, les pilotes ne pouvaient pas se jeter sur les freins pour récupérer l'énergie perdue.

Il n'est pas nécessaire de revoir soudainement le règlement, mais le directeur de course Scot Elkins a certainement besoin d'un plus grand soutien dans sa tâche. Les données sur l'énergie à la disposition des pilotes, de rapides calculs et une meilleure anticipation auraient permis un tout autre dénouement.

Que le championnat en vienne à dire officiellement que cette course a "montré les capacités et la stratégie nécessaires pour associer performance et gestion de l'énergie" ne peut que nuire à ses talents techniques, en leur attribuant la responsabilité.

Et si cette posture était nécessaire, il ne fallait certainement pas faire porter le chapeau à António Félix da Costa, leader au moment du restart, ce qu'a pourtant semblé faire Frédéric Bertrand, directeur de la Formule E au sein de la FIA, en disant que le Champion en titre aurait dû gérer son rythme pour passer la ligne plus tard et n'avoir qu'un seul tour à faire.

On pourrait dire que Nyck de Vries, qui n'a pas consommé toute son énergie, Nico Müller, pénalisé par un drive through, et Stoffel Vandoorne, parti dernier avec une pénalité de cinq secondes, ont fait le nécessaire en franchissant la ligne d'arrivée avec un bon rythme et suffisamment d'énergie.

Mais comme Alexander Sims l'a démontré dimanche en recevant un drive through en début de course sans pouvoir recoller au groupe par la suite, Müller et Vandoorne étaient, pour ainsi dire, hors-jeu. Sans les difficultés rencontrées par leurs rivaux, ils n'auraient pas fini sur le podium, et ne peuvent donc pas être présentés comme de fins stratèges.

Nyck de Vries, Mercedes-Benz EQ, 1st position, Stoffel Vandoorne, Mercedes-Benz EQ, 3rd position, the Mercedes Benz EQ team celebrate on the podium

On trouve de nombreux ingénieurs passés par la Formule 1 et le WEC dans les équipes de Formule E. Si le championnat pense que la course a "montré les capacités et la stratégie nécessaires pour associer performance et gestion de l'énergie", il ne fait que leur rejeter la faute.

Le modèle sportif de la Formule E est généralement son élément le plus sain. L'aspect commercial inquiète plus, en raison des effets dévastateurs de la pandémie et du faible retour sur investissement pour les constructeurs depuis 13 mois, si ce n'est dans les deux championnats eSport. Ces compétitions ont leur mérite et elles sont bien moins coûteuses que les courses physiques, mais cela reste léger pour des marques dépensant une trentaine de millions d'euros par an pour leur implication dans la catégorie.

La situation aurait pu se reproduire dimanche si BMW i Andretti n'avait pas demandé à Jake Dennis de surveiller son rythme. Que les pilotes doivent attendre que le temps s'écoule avant de franchir une ligne devrait aussi inquiéter les responsables, d'autant plus que la Formule E doit bientôt retrouver un circuit permanent avec les deux courses prévues à Puebla, au Mexique, au mois de juin.

Ces événements surviennent au moment où la Formule E tenter de garantir la présence des constructeurs pour l'ère Gen3, qui va courir jusqu'à la saison 2025-26. Ce qui s'est passé en Espagne ne va pas jouer en faveur de la catégorie.

Nico Muller, Dragon Penske Autosport, Penske EV-5, Edoardo Mortara, Venturi Racing, Silver Arrow 02

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