Le naufrage de Trulli GP, narré par sa victime Vitantonio Liuzzi

Après que sa carrière en Formule 1 a tourné court, Vitantonio Liuzzi a tenté de trouver un second souffle en Formule E. Malgré des débuts prometteurs, une décision catastrophique de Trulli GP l'a stoppé net sur sa lancée.

Liuzzi Donington aux essais de Donington en 2015

Parmi les points marquants de la deuxième saison de Formule E en 2015-16, on retrouvait les exploits de Robin Frijns et d'António Félix da Costa avec le moteur monotype de la saison 1, pour les écuries Andretti et Aguri respectivement. Tous deux auraient pu remporter la deuxième course à Putrajaya, Frijns se retrouvant troisième – le meilleur résultat de l'année pour un moteur de la S1 – après avoir parcouru les derniers tours sur trois roues, à la Gilles Villeneuve, en raison d'une suspension arrière droite cassée. Tous deux évoluent désormais aux avant-postes dans le championnat tout électrique, Frijns multipliant les podiums avec Envision Virgin Racing et Félix da Costa ayant remporté le titre chez DS Techeetah.

Dans des circonstances différentes, Vitantonio Liuzi aurait bien pu les rejoindre en brillant avec le moteur d'origine en 2015-16, si Trulli GP avait décidé comme Andretti d'abandonner son propre concept après des essais de pré-saison marqués par des pépins techniques à répétition. Au contraire, l'écurie de Jarno Trulli a décidé de persévérer avec son moteur Motomatica JT-01 et a mis la clé sous la porte après avoir manqué les deux premières courses. La carrière de Liuzzi en monoplace a été une victime collatérale.

Les choses avaient commencé de manière bien plus prometteuse quand l'ancien pilote Red Bull, Toro Rosso, Force India et HRT a reçu un appel de "toute dernière minute" pour remplacer Michaela Cerruti à l'E-Prix de Miami en saison 1. Il se trouve que l'Italien y était en vacances.

Liuzzi had a late call-up to deputise for Cerruti at Miami in 2015, and is shown the controls by team boss Trulli

Jarno Trulli détaille le volant de la Formule E auprès de son nouveau pilote Vitantonio Liuzzi

Débarquant sans casque ni le moindre équipement, Liuzzi n'a pas démérité pour ses débuts en empruntant les affaires de celui qui était à la fois son coéquipier et son directeur, mais a eu un problème au moment de démarrer sa deuxième voiture – à l'époque où les pilotes en changeaient à mi-course. Les pépins techniques allaient se multiplier, mais il avait suffisamment convaincu pour être conservé pour le reste de la saison (bien qu'il ait manqué l'E-Prix de Londres en raison d'un engagement en GT Asie).

Pour Liuzzi, ce week-end à Miami était "une coïncidence rigolote". Il ajoute toutefois : "Au final, ça s'est vraiment bien passé. C'était une très bonne première course et une bonne première évaluation de la voiture de Formule E."

Sa seule arrivée dans les points était sa neuvième place à Berlin, où Jarno Trulli a créé la surprise et a signé la pole position. Liuzzi était remonté de la onzième place sur la grille à la cinquième avant le changement de voiture lorsqu'un nouveau problème au démarrage de son second bolide l'a fait rétrograder au classement.

"Toutes les manches que j'ai faites cette saison-là, j'ai toujours eu un très bon rythme, surtout en course. J'arrivais à gérer relativement bien la consommation de la batterie et j'étais très rapide, mais nous avions quand même des difficultés sur un tour. Berlin était une bonne opportunité car la voiture montrait un bon niveau de performance en qualifications, mais ça n'a pas aussi bien marché pour moi que pour Jarno et j'ai perdu l'opportunité d'être dans le top 5. Mais en course, j'ai eu un bon rythme d'emblée, j'ai pris la cinquième place et je gérais ma position très facilement jusqu'à l'arrêt au stand."

Liuzzi prédisait un avenir radieux à l'équipe, mais cet avenir s'est avéré bref. Pour sa deuxième saison, la Formule E a ouvert son règlement moteur afin de permettre aux écuries de développer leurs propres groupes propulseurs. Trulli, qui avait fait signer Salvador Durán aux côtés de Liuzzi, s'est associé à Motomatica, mais le moteur souffrait d'un manque de fiabilité chronique et l'équipe n'est même pas parvenue à effectuer le moindre tour chronométré lors des essais à Donington Park.

Showings with spec car at the end of first season gave Liuzzi false optimism for the future

De belles performances avec la voiture monotype ont donné de faux espoirs à Liuzzi

"Je crois que ni moi ni l'équipe ne comprenions vraiment ce qui se passait", déplore Liuzzi. "Cette saison était un cauchemar, car tout ce qui pouvait mal tourner se passait vraiment encore plus mal que ça ! Nous n'étions même pas capables de faire un mètre pour sortir du garage, la voiture tombait en panne à chaque fois. Dès qu'on touchait l'accélérateur, même en étant dans le garage, quelque chose défaillait sur la voiture – parfois la batterie, parfois le moteur."

"Une fois, j'étais dans le garage, j'appuyais sur l'accélérateur et je sentais de l'électricité dans ma jambe, c'était comme une démangeaison. Je disais : 'Les gars, il y a quelque chose qui cloche, parce que la voiture ne bouge pas mais ma jambe droite me démange', et ils ont répondu : 'Non, ce n'est pas possible'. Heureusement, quand j'en suis sorti en sautant, rien ne s'est passé car je faisais partie de la voiture statique, mais j'avais réellement de l'électricité pure dans le corps. Ç'aurait pu être une situation très dangereuse."

Liuzzi est convaincu que Trulli et son écurie ont pris la mauvaise décision, ne suivant pas l'exemple d'Andretti en abandonnant son groupe propulseur problématique quand l'ampleur des problèmes est devenue évidente. Au lieu d'envoyer ses moteurs avec le reste du paddock de Formule E à Pékin, Trulli a décidé d'organiser un transport privé afin d'avoir plus de temps pour résoudre ces soucis, mais a finalement manqué les vérifications techniques, affirmant que son matériel était coincé à la douane.

Ça ne s'est pas arrangé à Putrajaya, où les Trulli ont échoué à passer les vérifications de sécurité au début du meeting. Peu après, l'écurie a confirmé qu'elle quittait le championnat ; sa place sur la grille allait être reprise par Jaguar Racing.

"Le motoriste était en difficulté et essayait encore et toujours de résoudre le problème mais n'y est jamais vraiment parvenu", explique Liuzzi. "À un moment, Jarno et l'équipe avaient l'opportunité de revenir au moteur et à la batterie de la saison 1, mais ils ont décidé de poursuivre cette aventure jusqu'à s'effondrer définitivement."

Trulli made it to Putrajaya, but the car failed scrutineering and it proved the final straw for the team

Trulli s'est rendu à Putrajaya, mais la voiture n'a pas passé les vérifications techniques avec succès

"À mon avis, cette saison-là, toutes les décisions étaient vraiment difficiles à prendre et ont souvent été très mauvaises. Cela n'a pas marché du tout, c'était une saison à oublier, mais tout le monde faisait de son mieux pour mettre la voiture en piste, car ils perdaient évidemment beaucoup d'argent, et c'était vraiment très dommage que ça se termine comme ça. C'était une saison vraiment difficile et contrariante, car se rendre sur deux courses et ne pas pouvoir parcourir le moindre mètre était vraiment frustrant."

Le timing était d'autant plus mauvais pour Liuzzi qu'il faisait son retour en monoplace après avoir passé deux saisons en tourisme en Italie puis mené un double programme en Super Formula et en Super GT en 2014.

"C'était vraiment très dommage, car j'étais sur ce bateau qui a coulé. Malheureusement, la plupart des baquets étaient déjà pris à ce stade et je n'ai trouvé aucune autre place, c'est pourquoi mon engagement en Formule E s'est arrêté. À ce moment de ma carrière, j'étais vraiment concentré sur la Formule E et je pensais que ça pourrait être une très belle deuxième vie après la Formule 1, évidemment, car j'avais la maturité, l'expérience et la rapidité nécessaires pour y rester plus longtemps. Ça a très bien commencé, c'était très prometteur mais après, ça n'a pas marché. Je dis toujours que je suis d'une certaine manière l'un des pilotes qui ont toujours été au bon endroit au mauvais moment. Mais ça fait partie du jeu..."

De nos jours, Liuzzi peut souvent être trouvé dans le paddock de la Formule E en tant que commissaire FIA et est le coach de pilotes dans les championnats transalpins de Super Trofeo, de GT et de F4. Désormais âgé de 41 ans, il n'a pas couru dans un championnat de haut niveau depuis 2017, même s'il a représenté son ancienne écurie AlphaTauri dans le championnat eSport de la Formule 1. Surtout, il affirme ne pas avoir pris sa retraite : il recherche un bon baquet en GT.

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