Analyse

Les problèmes révélés par le départ de Mercedes de la Formule E

Le retrait de Mercedes de la Formule E à la fin de la saison 2022 contribuera au grand vide laissé par les autres constructeurs Audi et BMW, eux aussi sur le départ. Bien que l'équipe puisse rester en place sous une autre forme, la sortie du nouveau Champion des constructeurs souligne les problèmes actuels de la Formule E.

Nyck de Vries, Mercedes Benz EQ, EQ Silver Arrow 02

Photo de: Carl Bingham / Motorsport Images

La survie de la Formule E ne dépend pas d'un constructeur ou d'une équipe en particulier. Mais la sonnette d'alarme a bien été déclenchée après que le conseil d'administration de Daimler a finalement décidé, ces deux dernières semaines, que Mercedes devait quitter le championnat à la fin de la saison 2022.

Le week-end dernier, l'E-Prix de Berlin, où Nyck de Vries a permis à Mercedes de remporter le titre des pilotes et des équipes, a également marqué les dernières sorties de BMW et Audi. Pourtant, la perte de la marque à l'Étoile sur la grille de départ est un coup bien plus dur. Non seulement il s'agit du constructeur le plus en vue de la grille, mais, au moment de la décision, le conseil d'administration a choisi de prendre la porte de sortie après moins de deux saisons complètes en Formule E, un championnat qui définira une grande partie de l'héritage de Jean Todt, son principal architecte et président sortant de la FIA.

L'organe directeur et le championnat peuvent considérer que la crise sanitaire mondiale a exacerbé les choses et pourraient réciter la phrase selon laquelle "les constructeurs vont et viennent dans le sport automobile", comme ils l'ont fait pour BMW et Audi. Mais cela reviendrait à sous-évaluer de manière critique la perte de Mercedes.

Le succès futur de la Formule E repose sur quatre éléments clés : la feuille de route technique, les règlements financiers, les opportunités commerciales et le format sportif. Daimler a trouvé à redire sur l'ensemble de ce quatuor.

Sur le plan technique, l'arrivée des règles de la Gen3 pour la saison 2022-23 marquera l'avènement de voitures de 470 ch et plus lourdes de 120 kg, tandis que les arrêts au stand pour la recharge rapide en course seront introduits. Ces éléments marquent un progrès considérable par rapport aux 335 ch maximum actuellement disponibles en Gen2, même dans le contexte des machines de près de 700 ch qui sont actuellement utilisés en Pure ETCR.

Cependant, les réglementations générationnelles qui durent quatre ans existent maintenant dans un monde où les gouvernements se préparent à interdire la vente de voitures à essence et diesel au cours de la prochaine décennie. Cela a conduit pléthore de constructeurs – dont Ford, General Motors et Honda – à s'engager à proposer des gammes de voitures entièrement électriques d'ici 2040. Le mois dernier, Mercedes s'est ajoutée à cette liste toujours plus longue et a annoncé un investissement de 40 milliards d'euros pour y parvenir.

Alors que le marché de l'automobile traverse sans doute le changement le plus considérable de son Histoire, le rythme de développement est plus que rapide et les périodes de stabilité réglementaire de la Formule E ne sont pas en phase avec cette transition.

Certains constructeurs ont exprimé le souhait que la Formule E ouvre le développement des batteries et s'éloigne de la configuration standardisée qui sera fournie par Williams Advanced Engineering dans la Gen3. Cela aurait aidé la série à rester un banc d'essai technologique, mais l'aurait laissée exposée car elle est en contradiction avec le deuxième facteur, les règles financières.

Le directeur général du championnat, Jamie Reigle, est l'un des plus fervents partisans de l'introduction d'un plafonnement des coûts en Formule E. Les premiers chiffres présentés par le directeur de la Formule E à la FIA, Frédéric Bertrand, s'élèvent entre 20 et 25 millions d'euros pour les constructeurs sur une période de deux ans. Mais ces limites ne devraient pas coïncider pour la première saison de la Gen3. Après tout, les réunions du groupe de travail technique, auxquelles Mercedes a participé, sont en cours et les données ont été consultées. Il est déjà trop tard pour que les dépenses initiales puissent être annulées.

Cela laisse Mercedes vulnérable en tant que participant le plus dépensier de la Formule E, dont on estime qu'il a signé des chèques de plus de 58 millions d'euros pour le cycle d'homologation actuel de deux saisons. Un chiffre qui apparaît comme une grosse anomalie sur le radar de Daimler, et une préoccupation supplémentaire qui survient dans un contexte de stabilité du conseil d'administration, contrairement aux changements de direction et d'orientation chez Audi (Julius Seebach remplaçant Dieter Gass à la tête du sport automobile) et BMW (Markus Flasch a remplacé Jens Marquardt comme directeur du sport automobile par intérim).

Le week-end dernier, l'E-Prix de Berlin a également marqué les dernières sorties de BMW et Audi. Pourtant, la perte de la marque à l'Étoile sur la grille de départ est un coup bien plus dur.

Certaines des pièces de Mercedes sont récupérées par l'équipe de Formule E. Si l'on met de côté le développement du groupe motopropulseur et que l'on tient compte des accords conclus avec les partenaires principaux, à savoir Vestas (éoliennes), NEOM (projet de ville en Arabie saoudite), SAP (logiciels) et Modis (technologie numérique), l'équipe est considérée comme confortablement rentable.

Mais si ce modèle fonctionne, les opportunités commerciales de la Formule E ne sont pas si roses. À l'aéroport de Tempelhof, le week-end dernier, alors que 10 400 billets étaient mis en vente à partir de 49 euros (une première cette saison), la fréquentation était faible. Aux yeux de Motorsport.com, il s'agissait de centaines de personnes le samedi, et de quelques milliers au mieux le dimanche pour la lutte finale. Les audiences télévisées ne sont pas non plus ce qu'elles devraient être pour que la Formule E dépasse ses limites techniques et devienne un championnat conçu pour le divertissement.

Ensuite, il existe les problèmes liés au format sportif. Les règlements de la FIA ont été critiqués à plusieurs reprises au cours de l'année 2021, la débâcle énergétique de Valence étant le point le plus sensible. Stoffel Vandoorne, pilote Mercedes, a perdu la pole en Espagne et Porsche a manqué sa première victoire avec Pascal Wehrlein au Mexique – tous deux à cause d'erreurs administratives sur les passeports techniques des voitures, sans aucun avantage compétitif – ce qui a suscité le mécontentement du public et de la direction.

La frustration la plus persistante est le format actuel des qualifications en groupe, qui met les six premiers du championnat sur un circuit "vert", qui n'offre pas d'adhérence et qui envoie souvent les gros bonnets en fond de grille.

Si Anthony Joshua perd un combat de boxe poids lourd, c'est peut-être parce qu'il a eu une mauvaise journée, qu'il est malade ou que son adversaire était tout simplement meilleur. Mais ce n'est pas à cause des règles elles-mêmes – contrairement à la Formule E actuellement.

Sous la pression des équipes et dans le but de créer des vainqueurs récurrents qui peuvent devenir des "héros" du championnat et, à leur tour, bénéficier d'une couverture médiatique plus régulière afin d'augmenter le nombre de spectateurs, la Formule E s'efforce de résoudre ce problème.

Le sous-produit de cette imprévisibilité, ou aléa, est que Mercedes a peu de garantie que ses grosses dépenses seront suffisamment récompensées. Si elle a finalement remporté le titre des équipes 2021 avec quatre points d'avance, elle aurait pu facilement être battue par les budgets plus modestes de Jaguar Racing et DS Techeetah. Un résultat qui n'aurait pas permis d'atteindre le "retour sur investissement" souhaité.

Un format de qualification révisé devrait être révélé lors de la prochaine réunion du Conseil mondial du sport automobile de la FIA, le 15 octobre à Paris. Motorsport.com croit savoir que malgré le nombre de voix impliquées, les équipes et le championnat sont largement d'accord. La décision finale viendrait alors de l'instance dirigeante.

Lors de cette réunion, des modifications devraient également être votées en ce qui concerne le format de la course, où les réductions d'énergie résultant des périodes de voiture de sécurité seront remplacées par un temps ajouté aux 45 minutes plus un tour standard. Ceci afin d'éviter une répétition malvenue de l'épisode de Valence.

Le problème est que Mercedes – et par extension Daimler – est au courant de ces discussions. Ils sont au courant du potentiel excitant de la Gen3 (même si les essais actuels ont pris beaucoup de retard). Ils savent que le plafonnement des coûts est une priorité et que les changements de format sont imminents. Mais cela ne suffit pas pour inciter les Flèches d'argent à rester.

Il existe, cependant, des raisons d'être optimiste. Principalement, les personnes impliquées au quotidien dans l'équipe de Formule E de Mercedes, malgré les frustrations, aiment participer au championnat. Cela explique en partie pourquoi les patrons Ian James (directeur de l'équipe) et le directeur général Toto Wolff recherchent des investissements privés pour s'assurer que l'ensemble de l'équipe pourra rester pour la Gen3 en tant qu'équipe indépendante et rebaptisée.

Wolff s'est beaucoup impliqué dans la Formule E, notamment en assistant aux manches de Rome, Londres et Berlin cette saison. Mercedes a également communiqué à l'avance avec la Formule E et a donné des signaux qu'un départ était en vue, plutôt que de donner un préavis de quelques heures pour lâcher une bombe, comme BMW l'a fait après avoir été discret l'automne dernier.

Alors qu'une participation d'Abt pour remplacer Audi en Formule E semble très improbable pour la saison prochaine, suite à l'échec d'un accord commercial, l'écurie allemande conserve un intérêt majeur à revenir à temps pour la Gen3. Si une itération indépendante de la configuration actuelle de Mercedes est maintenue, le championnat conservera une grille de 24 voitures et ne laissera aucune place à McLaren Racing pour son contrat d'option. Même si cette piste semble froide, après qu'une attaque potentielle à trois de McLaren-Andretti Autosport-Mercedes ait été envisagée.

De même, il y a des avantages à avoir plus d'équipes de course que de constructeurs. Cela réduit la politique et la bureaucratie. Cela donne à la Formule E la possibilité d'être plus agile. C'est quelque chose qu'Alejandro Agag a clairement indiqué lors de la création de l'Extreme E.

Mais le retrait de Mercedes crée toujours un problème majeur d'image publique. Et cela laisse à tout candidat potentiel à la Formule E quelque chose à méditer. L'annonce de la perte d'un troisième constructeur en moins de neuf mois témoigne-t-elle d'un manque de confiance dans l'orientation future de la série ou, à l'inverse, offrira-t-elle une meilleure chance de gagner et une plus grande opportunité de se faire entendre ?

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