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Édito - Où doit se situer la limite entre spectacle et danger ?

L'épreuve d'IndyCar du Texas, si elle s'est distinguée par un niveau d'intensité incroyable en piste, a aussi coûté très cher aux propriétaires d'écurie... mais pour quel gain ?

Crash impliquant Ryan Hunter-Reay, Andretti Autosport Honda, Tristan Vautier, Dale Coyne Racing Honda, Ed Jones, Dale Coyne Racing Honda, Ed Carpenter, Ed Carpenter Racing Chevrolet, JR Hildebrand, Ed Carpenter Racing Chevrolet, et Mikhail Aleshin, Schmidt Peterson Motorsports Honda

Crash impliquant Ryan Hunter-Reay, Andretti Autosport Honda, Tristan Vautier, Dale Coyne Racing Honda, Ed Jones, Dale Coyne Racing Honda, Ed Carpenter, Ed Carpenter Racing Chevrolet, JR Hildebrand, Ed Carpenter Racing Chevrolet, et Mikhail Aleshin, Schmidt Peterson Motorsports Honda

Michael L. Levitt LAT Photo USA

"Pack racing". Deux mots que les fans d'IndyCar à travers le monde redoutent, particulièrement depuis le 16 octobre 2011, et l'accident fatal à Dan Wheldon, sur le Las Vegas Motor Speedway. Depuis, les instances dirigeantes de l'IndyCar tentaient (avec succès) de limiter l'appui aérodynamique sur les circuits ovales rapides, autres qu'Indianapolis.

Il y avait toutefois eu une alerte, à Fontana en 2015. Ce jour-là, des températures moins élevées que prévu et un ciel légèrement nuageux ont donné une course de 500 miles menée tambour battant, le peloton restant quasi intégralement en paquet du drapeau vert au drapeau à damier, après une impressionnante cabriole de Ryan Briscoe.

Ryan Briscoe, Schmidt Peterson Motorsports Honda est pris dans un énorme accident

Au Texas ce dimanche, c'est un nouveau concours de circonstances qui a donné une course en paquet, puisque la piste de Fort Worth a été refaite pendant l'intersaison, avec une nouvelle surface, et un changement de tracé dans les deux premiers virages, élargis et inclinés à 20° au lieu des 24° de l'autre côté de la piste. Le banking différent sur l'un et l'autre bout de la piste aurait dû ralentir les monoplaces, mais l'asphalte ne présentant aucune aspérité, les pneus n'était pas mis à très rude contribution.

Malgré des problèmes de blistering, les pneus Firestone ne s'usaient pas sur la longueur d'un relais et le peloton complet parvenait alors à disputer l'intégralité d'un relais sans devoir ralentir et gérer les gommes. Will Power a ainsi pu "tranquillement" s'imposer, en maintenant la ligne intérieure pendant que derrière lui, les accidents mangeaient plus de la moitié du peloton.

Une fois l'arrivée franchie, l'Australien, que l'on sait toujours opposé aux courses en paquet (il avait d'ailleurs été très énervé après Fontana 2015), adoptait une approche plus neutre, même s'il était l'un des seuls à savoir dès les essais libres que l'épreuve se disputerait ainsi.

"J'ai directement dit à Jay Frye [directeur de la compétition] que ça serait une course en paquet. Pas que ce soit bien ou non, juste que ça serait en paquet. Je n'avais aucun doute dans ma tête là-dessus, dès nos premiers essais ici."

D'autres pilotes, comme Tony Kanaan ou Marco Andretti, se montraient légèrement plus véhéments à l'issue de l'épreuve. "C'était une course intense, beaucoup de choses se sont passées et il fallait en éviter un certain nombre pour franchir la ligne d'arrivée. Je ne vais pas mentir, je suis content que ce soit terminé", déclarait le Brésilien.

Josef Newgarden, Team Penske Chevrolet, Tristan Vautier, Dale Coyne Racing Honda

"C'était de la folie, il fallait juste avoir de la chance pour passer à travers les crashs", ajoutait pour sa part Andretti. "Le Bon Dieu nous a certainement sauvé une bonne cinquantaine de fois. C'était assez fou."

Mais ces trois voix sonnent finalement comme dissidentes parmi le peloton qui a disputé l'épreuve, et qui ne s'émeut pas tant que ça du danger dans lequel il a évolué pendant près de trois heures.
Quelle est la limite acceptable à trouver entre danger et spectacle à tout prix ? Car il est impossible de nier qu'une bonne partie des fans d'IndyCar et de sport automobile en général apprécient ce genre de course, où les voitures évoluent à quelques centimètres les unes des autres.

"C'était mauvais, c'était de la connerie, et je pense que nous devrions faire mieux que ça", ce sont les mots de Sébastien Bourdais, blessé à Indianapolis et qui a regardé la course à la télévision. "Il ne faut pas juste s'intéresser au spectacle. Il faut être certain qu'on peut faire la course, attaquer, mais sans mettre les pilotes, les équipes et la série dans des situations difficiles. C'est fun jusqu'à ce que quelqu'un se tue."

Il est indéniable que l'IndyCar propose pour l'instant l'une des compétitions automobiles les plus serrées et spectaculaires au monde. Mais les 500 Miles d'Indianapolis et l'épreuve du Texas ont aussi montré que ces courses peuvent représenter un gouffre financier pour les propriétaires d'équipe, avec une note salée de près d'1,8 million de dollars de dégâts sur la seule manche texane en raison des nombreux accidents. Des réparations qui ne peuvent pas être remboursées par les dérisoires primes de course.

Le tout devant une audience télévisuelle très basse (561'000 téléspectateurs étaient branchés devant la course du Texas, moitié moins que l'audience du Grand Prix du Canada le lendemain), et pour un prize money quasiment inexistant.

Crash d'Alexander Rossi, Herta - Andretti Autosport Honda

Après avoir risqué sa vie pendant trois heures, Will Power a reçu la bagatelle de... 30'000 $. Le quatrième de la course, Graham Rahal, n'a lui rien obtenu, tout comme le reste du peloton. Il convient toutefois de préciser que les voitures présentes à temps complet touchent sur la saison 1,2 million de dollars dans le programme "Leader Circle".

Ces audiences confidentielles pendant la majeure partie de la saison (seules cinq courses dont Indy sont diffusées sur une chaîne "traditionnelle", le reste sur NBCSN, chaîne du câble) ont également un impact sur les contrats de sponsoring, en chute libre sur ces 20 dernières années.

Ce qui a donc évidemment une influence sur le salaire des pilotes. En plus de la présence grandissante de pilotes payants, les pilotes payés ne le sont qu'à une fraction de ce qu'ils recevaient s'ils avaient la chance de faire partie de la grande époque du CART, à la fin des années 90. Tony Kanaan, vainqueur des 500 Miles d'Indianapolis et Champion IndyCar, ne perçoit ainsi pas beaucoup plus que lors de son année de rookie !

Cette perte de vitesse sur le plan médiatique fait que l'IndyCar ne se trouve en première page des quotidiens américains que lorsqu'un accident se produit (ou que Fernando Alonso s'aligne aux 500 Miles, bien sûr). Les courses du Texas entre 2012 et 2015 produisaient des épreuves en file indienne, quasiment sans dépassement, et étaient donc moins prisées des fans et des médias.

Tout le monde se rappelle de l'arrivée de 2016, les derniers tours incroyables entre James Hinchcliffe, Graham Rahal, Tony Kanaan et Simon Pagenaud. Mais là aussi, l'accident n'était pas loin, comme à plusieurs reprises dimanche.

Faut-il du spectacle à tout prix ? Comment rendre plus sûr un sport déjà risqué à la base, et qui l'est encore plus lorsqu'on lance une monoplace à 350 km/h sur un ovale ? Ce sont les questions auxquelles l'IndyCar devra répondre avec sa nouvelle monoplace, en 2018...

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