Analyse

Pourquoi Grosjean a choisi l'IndyCar mais ne fera pas l'Indy 500

Malgré son terrifiant accident du Grand Prix de Bahreïn, Romain Grosjean reste passionné par la monoplace. Il va courir en IndyCar, mais pas sur les superspeedways : "Je ne peux pas faire revivre ça à mes enfants."

Romain Grosjean, Haas F1 Team VF-20

Romain Grosjean, Haas F1 Team VF-20

Haas F1 Team

"J'ai entendu dire que l'ambiance est différente en IndyCar, et ça va être super. Les fans sont très bien accueillis, les pilotes font des barbecues derrière leurs camping-cars, ils discutent… En piste, c'est du sport auto de très haut niveau, mais en dehors de la voiture, on revient à la raison pour laquelle nous avons commencé la course quand nous étions petits – parce que nous adorions ça. C'est quelque chose qu'on perd un peu lors de la carrière professionnelle, mais je pense pouvoir le retrouver en IndyCar. Et je suis prêt pour ça…"

Voilà ce que dit Romain Grosjean maintenant que son avenir est assuré. Il va piloter la monoplace #51 engagée par Dayle Coyne Racing avec RWR-Honda dans 13 des 17 manches de la saison 2021 d'IndyCar. Pourtant, pas plus tard qu'en décembre, il n'avait pas l'air si enthousiaste à cette idée, et auparavant encore moins. S'il se doutait que 2020 risquait d'être sa dernière saison avec Haas, ce qui a été confirmé fin octobre, et donc sa dernière en Formule 1, il n'avait accordé que peu d'intérêt à l'IndyCar. Et son terrible accident de Bahreïn l'a fait remettre en question ce projet encore davantage.

Grosjean le reconnaît désormais, son scepticisme était lié au fait qu'il comprenait mal la manière dont le championnat a évolué ces dernières années. "C'est regarder le calendrier IndyCar qui m'a convaincu de le faire", indique-t-il à Motorsport.com. "Je ne sais pas pourquoi, mais je croyais que l'IndyCar, c'était 80% d'ovales et 20% de circuits routiers, et quand j'ai regardé le calendrier, je me suis rendu compte que c'était l'inverse. Je me suis dit : 'Je suis vraiment un abruti, pourquoi je n'ai pas vérifié plus tôt ?'."

"J'ai regardé les courses, je les adore, et je connais des pilotes comme Simon Pagenaud, Sébastien Bourdais et Marcus Ericsson. Mais niveau pilotage – et j'ai peut-être complètement tort – les ovales ne m'ont jamais vraiment attiré, bien qu'ils soient évidemment spectaculaires à regarder. Bref, j'ai regardé le calendrier, j'ai vu Road America, Mid-Ohio, St. Petersburg, Long Beach, Laguna Seca, Barber, et ces pistes sont absolument fantastiques. Je me suis dit : c'est parti !"

Et les superspeedways ?

S'il a survécu à l'accident de Bahreïn d'une manière qui aurait été miraculeuse même sans l'incendie, compte tenu du fait que sa voiture a éventré le rail, Grosjean n'est pas intimidé par les rapides bolides de l'IndyCar – du moins, pas trop.

"Il y a deux circuits que je ne vais pas faire cette année, à savoir le Texas et les 500 Miles d'Indianapolis. Si j'adorerais remporter l'Indy 500, il représente un risque significatif, et on y a vu des accidents énormes. Je ne dis pas que les pilotes se blessent, mais ils pilotent quand même des voitures à 340 km/h ou plus, les uns à côté des autres, donc c'est un risque. C'est le facteur limitant par rapport à mon état d'esprit avant l'accident à Bahreïn."

"Si j'avais 25 ans et que je n'avais pas d'enfants, je ferais la saison entière, aucun doute. Mais j'en ai trois, et pendant deux minutes et 45 secondes à Bahreïn, je sais qu'ils ont cru avoir perdu leur père. Donc si j'étais plus jeune, oui, je ferais tout et j'accepterais que le sport auto comporte toujours des risques. Mais en étant père, je ne peux pas faire revivre ça à ma famille, et à Indy, il peut y avoir des gros accidents. En général, les pilotes ne sont pas blessés, mais quand on les voit à la télé, on a le souffle coupé. Je crois que mes enfants ont déjà ressenti quelque chose que personne ne veut jamais ressentir, et je ne peux pas leur faire revivre ça."

La retraite, en revanche, n'a jamais été une option plausible. "Je me suis demandé durant l'hiver si je voulais arrêter la course, et très vite, j'ai dit à ma femme : 'Je suis désolé, ce n'est probablement pas ce que tu veux entendre, mais je veux reprendre la course'. Et elle m'a beaucoup soutenu. Au lieu de me dire 'non, tu ne devrais pas faire ça', elle et mes enfants m'ont pleinement soutenu et savent que pour être heureux et être moi-même, j'ai besoin de faire la course – cela a toujours été partie intégrante de ma vie. Nous nous sommes mis d'accord pour que je ne fasse pas les superspeedways car le risque est un peu trop élevé. Et Dale l'a compris, ce qui est super."

L'art de la course sur ovale intrigue suffisamment Grosjean pour qu'il souhaite rouler sur les deux kilomètres du World Wide Technology Raceway à Gateway. "Vous avez remarqué que je viens de dire 'superspeedways' !" sourit-il. "Selon comment se passe le championnat, je réfléchirai à ce circuit. Si nous sommes en lice pour une bonne position, si je pense avoir pris mes marques, j'aimerais essayer."

Des options en Endurance

Grosjean has already won sportscar races, thanks to racing a Ford GT with Thomas Mutsch for Matech Competition back in 2010.

Nombre de pilotes européens, et surtout français, rêvent de participer aux 24 Heures du Mans et se tournent vers l'Endurance une fois qu'ils abandonnent leur rêve de Formule 1. C'est ce qu'a fait Kevin Magnussen, coéquipier de Grosjean chez Haas pendant quatre ans, mais outre-Atlantique, en rejoignant l'IMSA WeatherTech SportsCar Championship. Si le tricolore dit avoir eu des options en Endurance, aucune n'était apparemment aussi attirante que l'IndyCar.

"Oui, il y avait d'autres catégories, d'autres opportunités, particulièrement en Endurance", confie-t-il. "Le LMDh – la nouvelle génération – arrive en 2023, et c'est intéressant. Mais il y a deux ans d'ici là, et je voulais courir là où je prendrais du plaisir. Bien sûr, je n'ai jamais piloté une IndyCar, mais je suis convaincu que je vais m'amuser. Tous ceux que je connais avec qui j'ai parlé – mon ingénieur chez Haas, Simon Pagenaud, Marcus Ericsson –, ils m'ont tous dit : 'Tu vas adorer. Ça va être super'. Une chose dont je me suis rendu compte après mon accident à Bahreïn, après avoir vu la mort de si près, est que je voulais courir dans un championnat où j'allais m'amuser."

Frustré par la Formule 1

Si Grosjean va prendre du plaisir, c'est en partie car il va pouvoir jouer le podium et la victoire. L'an dernier, il a soulevé la polémique en remettant en question le fait que la Formule 1 soit un sport, étant donné la différence d'équipement entre la voiture la plus rapide et la plus lente. Selon lui, c'est comme donner une raquette de ping-pong à Roger Federer pour Roland-Garros.

Justement, Grosjean était particulièrement performant en formules de promotion, dans des championnats monotypes (ou presque). De 2005 à 2011, il a été couronné en Formule Renault, en F3 Euro Series, en GP2 Asia, en Auto GP et en GP2. Son taux de réussite était tel qu'il a réussi à rebondir après ses sept courses médiocres en fin de saison 2009 avec Renault F1 Team. Rares sont les pilotes à avoir une deuxième chance lorsqu'ils ont raté leurs débuts dans l'élite.

Happier times at Bahrain – scoring his first podium for Lotus in 2012.

Fin 2011, les performances de Grosjean en GP2 l'avaient rendu indispensable, et Lotus F1 Team (anciennement Renault) l'a fait signer. En quatre saisons, il a signé dix podiums, flirté avec la victoire quelques fois, et fini dans le top 10 du championnat à deux reprises. Mais dans les cinq années suivantes chez Haas F1, chaque campagne a été moins prometteuse que la précédente, l'écurie s'éloignant progressivement des avant-postes.

Grosjean voit l'IndyCar comme l'antithèse de cette situation et l'antidote à sa frustration : "Quand je suis sur mon vélo d'appartement devant la télé, je regarde la chaîne YouTube de l'IndyCar – elle est vraiment bien, d'ailleurs, avec des temps forts de 30 minutes ou des replays complets des courses de 2020, 2019 et 2018. Je dois dire que c'est la course pure que j'ai adorée pendant de nombreuses années quand je gravissais les échelons et qui m'a manquée pendant tant d'années récemment. En Formule 1, on n'a même pas l'impression de participer au même championnat que Mercedes."

"Savoir qu'en gros, tout le monde a la même voiture, les mêmes chances, c'est quelque chose qui m'a manqué. Et savoir que si l'on connaît des qualifications difficiles ou si l'on a un problème au début d'une course, le pilote peut faire la différence car les voitures sont très proches les unes des autres, ou l'équipe peut aider à faire la différence avec la stratégie… C'est génial."

"Bien que Dale Coyne ait une plus petite équipe que Roger Penske et Chip Ganassi, les voitures sont effectivement identiques. Si nous travaillons bien ensemble et j'utilise mon expérience, nous pouvons nous battre. J'ai beaucoup à apprendre, je sais – je n'ai jamais pris de départ lancé dans une monoplace auparavant, je dois apprendre le comportement des pneus, je dois apprendre tous les détails de tous les circuits. Mais si nous travaillons bien ensemble, je pense que nous pouvons accomplir de belles choses."

Est-il prêt physiquement ?

Grosjean returns to the paddock the week after his crash with his hand in a bandage.

Côté pratique, il est légitime d'interroger Grosjean sur sa main gauche qui, six semaines après l'accident, était toujours violette, la jointure de l'index gauche encore exposée. Sans direction assistée, l'IndyCar est une machine difficile à manier, et ses circuits urbains sont particulièrement bosselés ; il faut aussi y passer sur les vibreurs sans réserve.

"La main droite est à 100%, et la main gauche, je dirais, est à 50%", reconnaît Grosjean. "Mais ça s'améliore tous les jours. Pour les premiers essais à Barber le 22 février, je serai peut-être limité sur l'utilisation de certains vibreurs. Dans la chicane en descente, les pilotes utilisent beaucoup le vibreur de gauche, ce qui pourrait être encore délicat. Mais le temps d'y retourner pour la première course de la saison mi-avril, je devrais être parfaitement prêt. J'ai hâte."

Grosjean, Kevin Magnussen, Alex Albon, Sergio Pérez, Daniil Kvyat : ces pilotes de F1 en fin de contrat en 2020 étaient l'été dernier sur la liste extrêmement longue de Dale Coyne de recrues potentielles pour 2021. C'était également le cas de Nico Hülkenberg, d'un certain nombre de bons pilotes GP2 et d'essayeurs F1, et d'une ou deux stars potentielles de la Super Formula au Japon. Après tout, c'est là que Coyne a déniché Álex Palou… avant de se le faire chiper par Ganassi cette saison.

Plusieurs de ces pilotes, certes prodigieusement talentueux, auraient pu passer une saison d'IndyCar chez DCR sans être totalement dévoués à cette cause, distraits par leurs espoirs d'un retour en Europe. Mais les pilotes Haas semblent s'être tournés vers les États-Unis sans le moindre regret.

"Oh, il y a certainement des choses qui vont me manquer, comme les personnes avec qui j'ai travaillé", songe Grosjean. "Mon ingénieur en chef chez Haas, Ayao Komatsu, est quelqu'un avec qui je travaillais depuis 2009 ! Il était avec moi chez Lotus puis est venu avec moi quand je suis parti chez Haas. Et il y a beaucoup d'autres personnes avec qui j'ai travaillé pendant de nombreuses années qui vont me manquer aussi."

"Mais quand j'ai quitté le paddock de Bahreïn, je me suis dit, 'j'ai détesté ce paddock [de la F1] autant que je l'ai adoré', et c'est parce que ce qui m'a manqué le plus ces dernières années, c'est l'opportunité de gagner des courses. C'est quelque chose que je veux trouver avec Dale Coyne. Il me donne ici une très belle opportunité."

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